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Le 10, à trois heures après midi, au moment où il s'approchoit avec sa troupe du pont de la Guillotière pour repousser, les rebelles, les deux troupes se précipitent l'une sur l'autre, non pour se battre, mais pour s'embrasser, aux cris de vive l'empereur. Le maréchal, étonné, fait de vains efforts pour rappeler ses soldats aux sentiments de l'honneur. Ils ne l'écoutent pas, ils ne reconnoissent ni sa voix ni son autorité. Ils ont oublié leurs serments et leurs devoirs : ils vont grossir l'armée des rebelles.

Le maréchal alla promptement rendre compte aux princes de ce funeste événement. Il leur démontra ensuite le danger de leur position, et les détermina, non sans peine, à quitter une ville que la trahison venoit de livrer à l'ennemi.

1815.

Entrée

de Buona

parte à

Buonaparte reprit possession de son trône, en entrant dans la seconde ville du royaume; il s'occupa deux jours après de Lyon. la nomination de ses ministres et de ses conseillers d'état. Il donna audience aux

principales autorités du département; il s'entretint avec les officiers municipaux du commerce et de l'industrie des habitants, et leur laissa entrevoir le dessein de venir un jour se fixer au milieu d'eux. Par différents décrets il abolit la noblesse, cassa la chambre des pairs, exila à trente lieues de Paris tous les individus

1815 qui avoient pris du service dans la maison du roi et dans celles des princes; il condamna à mort tous les princes de la maison de Bourbon qui seroient trouvés sur le territoire françois. Il mit le séquestre sur les biens des émigrés, et remit en vigueur toutes les lois que la convention, d'affreuse mémoire, avoit publiées contre

au

congrès.

eux.

La Providence voulut que le jour que son mauvais génie lui inspiroit ces abominables décrets (le 13 mars), le congrès de Vienne le déclaroit ennemi et perturbateur du repos du monde, et, comme tel,

hors des relations civiles et sociales.

Effet que La nouvelle de son débarquement étoit produisent ces parvenue à Vienne le 11 mars au soir, et nouvelles fut immédiatement communiquée aux princes et ministres qui composoient l'auguste assemblée : il fallut un moment de réflexion pour y croire; mais il n'en fallut pas pour décider que, toute affaire cessante, le congrès ne s'occuperoit que de celle-ci. Il n'en fallut pas davantage aux souverains pour exprimer, d'un commun accord, les sentiments qu'on va lire dans leur déclaration.

DÉCLARATION DU CONGRÈS DE VIENNE.

13 mars 1
1815.

« Les puissances qui ont signé le traité de paix de Paris, réunies au congrès de

Vienne, informées de l'invasion de Napoléon et de son entrée à main armée en France, doivent à leur propre dignité et à l'intérêt de l'ordre social une déclaration solennelle des sentiments que cet événement leur a fait éprouver.

« En rompant ainsi la convention qui' l'avoit établi à l'île d'Elbe, Buonaparte a détruit le seul titre légal auquel son existence se trouvoit attachée. En reparoissant en France avec des projets de trouble et de bouleversement, il s'est privé luimême de la protection des lois, et a manifesté à la face de l'univers qu'il ne sauroit y avoir ni paix ni treve avec lui.

« Les puissances déclarent, en conséquence, que Napoléon s'est placé hors des relations civiles et sociales, et que, comme ennemi et perturbateur du repos du monde, il s'est livré à la vindicte publique.

«Elles déclarent en même temps que, fermement résolues de maintenir le traité de Paris du 30 mai 1814, et les dispositions mentionnées par ce traité, et toutes celles qu'elles ont arrêtées ou arrêteront encore pour le compléter et le consolider, elles emploieront tous leurs moyens et réuniront tous leurs efforts pour que la paix générale, objet des vœux de l'Europe, et but constant de leurs travaux, ne soit pas troublée de nouveau, et pour la ga

1815.

1815.

rantir de tout attentat qui menaceroit de replonger les peuples dans les désordres et les malheurs des révolutions.

«Et, quoique intimement persuadés que la France entière se ralliera autour de son souverain légitime, et fera incessamment rentrer dans le néant cette dernière tentative d'un délire criminel et impuissant, tous les souverains de l'Europe, animés des mêmes sentiments et guidés par les mêmes principes, déclarent que si, contre tout calcul, il pouvoit résulter de ces mêmes événements un danger quelconque, ils seroient prêts à donner au roi de France et à la nation françoise ou à tout autre gouvernement attaqué, dès que la demande en seroit formée, les secours nécessaires pour rétablir la tranquillité publique, et à faire cause commune contre tous ceux qui entreprendroient de la compromettre.

« La présente déclaration, insérée au protocole du congrès réuni à Vienne, dans sa séance du 13 mars, sera rendue blique. »

Suivent les signatures.

pu

La fermeté de cette déclaration rassura tous les bons esprits et jeta l'alarme dans celui des rebelles.

On ne sait s'ils avoient compté sérieusement sur la coopération de l'Autriche,

et la neutralité des autres puissances; mais ils s'en étoient vantés audacieusement. Ils avoient annoncé que le retour de Napoléon étoit concerté avec le cabinet de Vienne; qu'il seroit suivi de celui de l'impératrice, et ne seroit pas troublé par l'Angleterre.

1815.

tions.

Le débarquement de Buonaparte en Trahisons Provence n'avoit produit à Paris d'autre et défecmouvement que celui de la curiosité. Mais son entrée dans Lyon donna tout-à-coup à son invasion un caractère plus grave, et changea notre curiosité en agitation: chaque jour nous apprenoit la nouvelle de quelques défections; tantôt c'étoit celle d'une ville, et tantôt celle d'une division de l'armée. Toutes les troupes qu'on envoyoit pour le combattre se rangeoient sous ses drapeaux; toutes les villes lui ouvroient leurs portes; il s'avançoit dans le cœur du royaume, non seulement sans résistance, mais en triomphe, et au milieu des cris de Vive l'empereur!

que

L'opinion, agitée par ces nouvelles et par d'autres moyens, cherchoit ailleurs dans l'ascendant d'un seul homme la cause de ses déplorables succès. On ne pouvoit pas croire que la séduction de sa présence eût produit un tel effet sur les peuples et sur les soldats.

On pensoit généralement qu'il y avoit trahison. Mais quels étoient les traîtres?

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