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1815.

triomphale. Depuis Lyon jusqu'à Fontainebleau, et depuis Fontainebleau jusqu'à Paris, les citoyens ont formé une armée auxiliaire, qu'il a fallu remercier d'un dévouement qui n'étoit point nécessaire. »

Ce récit étoit d'un bout à l'autre un tissu d'impostures, et fut vivement applaudi par tous les écrivains du temps, comme un modèle d'éloquence antique et de vérités historiques.

Buonaparte passa ses troupes en revue le même jour, et leur adressa d'autres paroles, que voici:

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Soldats, je suis venu avec six cents hommes en France, parceque je comptois sur l'amour du peuple, et sur le souvenir de mes vieux soldats. Je n'ai pas été trompé dans mon attente. Soldats, je vous en remercie. La gloire de ce que nous venons de faire est toute au peuple et à vous la mienne se réduit à vous avoir connus et appréciés. (1)

"

« Soldats, le trône des Bourbons étoit illégitime, puisqu'il avoit été relevé par des mains étrangères, puisqu'il avoit été proscrit par le vœu de la nation, puisqu'enfin il n'offroit de garantie qu'aux intérêts d'un petit nombre d'hommes arro

(1) En prononçant ces paroles populaires, il oublioit les paroles orgueilleuses qu'il avoit prononcées dans le délire de sa gloire. Mais d'autres s'en souvenoient pour lui.

gants, dont les prétentions sont opposées nos droits.

«Soldats, le trône, impérial peut seul garantir les droits du peuple, et sur-tout le premier des intérêts, celui de notre gloire.

« Soldats, nous allons marcher pour chasser du territoire ces princes auxiliaires de l'étranger. La nation nous secondera de ses voeux et suivra notre impulsion. Le peuple françois et moi nous comptons sur vous. Nous ne voulons pas nous mêler des affaires des autres; mais malheur à qui se mêleroit des nôtres. »

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Il reçoit

les autori

tés sur

Le jour de Pâques, il reçut sur son trône les hommages des premières autorités de l'état. Les ministres, le conseil son trône. d'état, les sénateurs, le corps municipal, l'institut, les cours judiciaires allèrent lui répéter ces phrases obséquieuses dont nous avons eu les oreilles si fatiguées pendant quatorze ans, et qu'on avoit fini regarder comme des formules sans conséquence, qu'on prononçoit d'une part, et qu'on entendoit de l'autre avec une égale indifférence.

par

Il faut le dire hautement toute la France ne fut pas complice de cette honteuse servilité. Le feu sacré de la patrie n'étoit pas éteint dans tous les cœurs. Un grand nombre d'individus, remarquables par leurs dignités, et des corpora

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tions entières refusèrent de se prosterner devant l'idole.

Bordeaux, Toulouse, Marseille et plusieurs autres villes, se distinguèrent par leur fidélité à la cause royale, et opposèrent à la force militaire une résistance que la trahison rendit inutile, il est vrai, mais dont le noble dévouement auroit dû servir de modèle à toute la France et mérite tous nos éloges.

Les maréchaux Macdonald, Marmont, Victor, Oudinot, Clarke et Mortier sauvèrent l'honneur militaire du naufrage dans lequel la révolte de l'armée menaçoit de l'engloutir.

Le clergé, dans son humble résignation, resta prosterné au pied des autels, pria silencieusement pour le roi, et ne vit qu'une punition du ciel dans le retour de l'usurpateur.

Une grande partie des magistrats des cours souveraines donnèrent leur démission, et se retirèrent à la campagne.

Les avocats de Paris se conduisirent avec sagesse et mesure, en conciliant ce qu'ils devoient à leur conscience et à l'intérêt de leurs clients. ..

Ceux de Bordeaux firent plus, ils s'imposèrent un rigoureux silence, tant que dura le pouvoir de l'usurpateur. M. Lainé, leur ancien confrère, et alors président de la chambre des députés, leur

avoit donné le conseil et l'exemple de cette courageuse opposition; devenu, on sait pourquoi, l'objet de la haine particulière de Buonaparte, il avoit quitté Paris le 20 mars; et sitôt qu'il fut arrivé à Bordeaux, il publia la protestation suivante.

« Au nom de la nation françoise, et comme président de la chambre des représentants, je déclare protester contre tous décrets par lesquels l'oppresseur de la France prétend prononcer la dissolution des chambres. En conséquence, je déclare que tous les propriétaires sont dispensés de payer des contributions aux agents de Napoléon, et que toutes les familles doivent se garder de fournir par voie de conscription ou de recrutement des hommes pour sa force armée.

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Puisqu'on attente d'une manière aussi outrageante aux droits et à la liberté des François, il est de leur devoir de maintenir individuellement leurs droits. Depuis long-temps dégagés de leur serment envers Napoléon, et liés par leurs vœux et leurs serments à la patrie et au roi, ils se couvriroient d'opprobre aux yeux des nations et de la postérité, s'ils n'usoient pas des moyens qui sont au pouvoir de chaque

individu.

« L'histoire, en conservant une reconnoissance éternelle pour les hommes qui, dans tous les pays libres, ont refusé tout

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Protesta

tion de

M. Lai

né.

1815.

La du

secours à la tyrannie, couvre de son mépris les citoyens qui oublient assez leur dignité d'homme pour se soumettre à ses misérables agents. C'est dans la persuasion que les François sont assez convaincus de leurs droits, pour m'imposer le devoir sacré de les défendre que je fais publier la présente protestation, qui, au nom des honorables collègues que je préside et de la France qu'ils représentent, sera déposée dans des archives, à l'abri des atteintes tyran, pour y avoir recours au besoin.

du

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A quoi servent les protestations quand chesse elles ne sont pas appuyées de la force des d'Angouarmes? Celle de M. Lainé eut un moment lême à Bordeaux. cet avantage. Le duc et la duchesse d'Angoulême étoient à Bordeaux lorsqu'on y apprit (le 9 mars) la nouvelle de la descente de Buonaparte. Le prince reçut le lendemain l'ordre du roi de rassembler des forces, et d'aller au-devant des rebelles. Il partit. Madame resta avec tous les pouvoirs nécessaires pour disposer de la garde nationale et des troupes de la garnison. La petite-fille de Marie-Thérèse se montra digne de son aïeule et de sa haute mission. Sans perdre un instant, elle pressa l'armement des volontaires, se montra par-tout, et par-tout excita l'enthousiasme de la fidélité et inspira les

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