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rebelles, avec les moyens, le desir de la résistance. Ce moment n'étoit pas éloigné. Les nouvelles qu'il avoit reçues du congrès lui en donnoient l'assurance; et afin que ses sujets en fussent plus tôt informés, il leur adressa la proclamation sui

vante :

1815.

PROCLAMATION DU ROI.

Gand, 2 avril.

"

« FRANÇOIS!

« Celui qui vous a trompés pendant vingt ans est venu vous tromper encore.

« Quinze jours se sont à peine écoulés depuis que, par la trahison, il s'est assis sur le trône où vos vœux m'avoient гарpelé, et déja l'Europe entière est infestée de ses mensonges. Mais l'Europe le connoît, et l'Europe indignée s'avance pour l'anéantir.

« Elle s'avance, François! ses innombrables phalanges vont bientôt franchir vos frontières : mais l'Europe n'est plus votre ennemie; je vous ai réconciliés avec elle.

« Désormais vous ne devez plus voir dans ces étrangers, autrefois si formidables, que des alliés généreux qui viennent pour vous aider à secouer le joug de l'oppresseur. Tous les soldats de l'Europe marchent sous le même étendard, qui est celui des lis.

1815.*

Etat de

l'armée

des alliés.

"

« Affoibli par l'age et par vingt-cinq ans de malheurs, je ne vous dirai pas, comme mon aïeul: Ralliez-vous à mon panache blanc; mais je le suivrai pour vous aux champs d'honneur.

."

<< François ! s'il en est parmi vous qu'une vaine illusion de gloire peut avoir égarés, mes bras vous sont ouverts. Venez vous y jeter, et je croirai que vous ne m'avez pas quitté. Si vous restez rebelles, je ne pourrai plus suspendre l'exécution des décrets de la justice.

« François ! quel est celui de vous qui voudroit porter les armes contre moi? Je ne suis point votre ennemi; je suis votre roi; je suis le frère de Louis XVI; je viens, comme Henri IV, combattre et vaincre une nouvelle ligue; je viens une seconde fois vous apporter le bonheur et la paix.

«

Signé LOUIS. »

Le 6 avril, le duc de Wellington, nommé par le congrès de Vienne général en chef de l'armée européenne, vint saluer le roi à Gand, prendre ses ordres, et lui donner un état des troupes qui marchoient à

son secours.

Ces troupes s'élevoient à près d'un million d'hommes; savoir:

Quatre cent mille Russes, sous le commandement de l'empereur Alexandre.

Deux cent cinquante mille Autrichiens, sous le commandement du prince de Swartzemberg.

Cent dix mille Prussiens, sous le commandement du feld-maréchal Blücher. Quatre-vingt mille Anglois et Flamands, sous le commandement immédiat du duc de Wellington.

Trente mille Suédois, sous celui du prince royal de Suède.

Quarante mille hommes de la landwer germanique, sous le commandement du prince de...

L'imagination recule encore une fois devant un pareil dénombrement; et on frémit à la pensée des maux dont ces étrangers vont inonder la France!

La philosophie, qui a versé tant de larmes hypocrites sur la perte des trois millions de barbares que les croisades ont coûté à l'Europe, n'en donnera-t-elle pas quelques unes à celle des quatre ou cinq millions d'hommes civilisés qu'a déja coûté l'émancipation prétendue des peuples?

Ce qu'un faux zéle de religion opéra jadis sur l'esprit de nos ancêtres, un faux zéle de liberté l'opère aujourd'hui sur celui de nos contemporains.

Avant cette grande époque de nos douleurs, des armées régulières de trente à quarante mille hommes entroient en campagne sans haine contre l'ennemi qu'elles,

1815.

1815.

Apologie

alloient combattre. Elles respectoient les laboureurs, les vieillards, les femmes et les enfants. Avec ses armes, chacun déposoit son humeur guerrière.

Ce sont des nations entières qui se précipitent aujourd'hui les unes sur les autres, qui se livrent des combats à outrance, qui se poursuivent avec un acharnement opiniâtre, et qui, comme les laves des volcans, renversent et brûlent tout ce qu'elles rencontrent.

Les rebelles osèrent accuser le roi de tous les malheurs dont nous menaçoit cette seconde invasion.

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« C'est lui, dirent-ils (1), qui est allé chercher des secours étrangers pour remonter sur son trône. C'est lui qui, en amenant en France les hordes sauvages du Nord, a, par ce fait seul, provoqué le pillage des villes, l'incendie des campagnes, le meurtre des enfants, l'asservissement du royaume, et la honte de la nation. »

Tout étoit artifice, déguisement et fourdu roi. berie dans le conseil de la ligue, dit M. Anquetil: nous en pouvons dire autant du conseil de l'usurpateur; tout est mensonge et fourberie dans cette accusation.

En effet à qui persuadera-t-on que le prince qui aima mieux abandonner son trône que de le défendre au péril d'une

(1) Rapport de la commission du conseil d'état, séance du 2 avril 1815,

guerre civile, ait volontairement provoqué le meurtre, le pillage et l'incendie dans son royaume;

Que le même monarque qui, le 10 mars, avoit refusé un secours de trente mille hommes que le prince régent d'Angleterre lui avoit offert contre l'usurpateur, ait sollicité cinq cent mille sauvages du Nord à venir relever son trône sur des cendres et des cadavres ;

Que Louis XVIII, qui régnoit paisiblement depuis dix mois, qui ne vouloit vivre et régner que pour nous faire jouir plus long-temps des douceurs de la paix, ait changé tout-à-coup de caractère, soit deyenu un guerrier farouche, un conquérant sanguinaire, un émule de Buonaparte....?

L'absurdité d'une telle imputation saute aux yeux. Personne ne croira que c'est lui qui a déclaré la guerre à tous les princes de la terre, afin de venir ensuite avec eux tomber sur la France de tout le poids de leurs armes et de leurs vengeances.

Non, personne ne le rendra responsable des affreuses calamités que la seconde croisade européenne attira sur Paris, du sang qui fut versé sous les murs de cette ville, et dans les champs de Waterloo, du pillage de nos bibliothèques et de nos musées, des énormes contributions qui nous ont épuisés, et du traité de paix du

1815.

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