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raux et politiques, l'univers chrétien re-
cueillera des avantages immenses du
voyage que je supplie votre sainteté de
faire à Paris; de ce voyage que, malgré la
saison, les distances et les difficultés, elle
ne doit
pas hésiter d'entreprendre, si l'in-
térêt de la religion en prescrit la nécessité.

« Les concerts de la reconnoissance s'unissent déja, dans le cœur de tous les François, à la vénération qu'ils ressentent pour celui que ses lumières et ses vertus ont appelé au gouvernement de l'église.

« Des hommages universels accompagneront tous les pas du saint-père, à qui nous voulons qu'on décerne les mêmes honneurs que Léon III reçut de Charlemagne, notre glorieux prédécesseur.... »

Comment ces puissantes considérations, présentées avec autant d'adresse, n'auroient-elles pas ébranlé un pontife aussi pieux que celui qui occupoit alors la chaire de saint Pierre, qui ne soupiroit qu'après la paix de l'église, qui avoit déja fait tant de sacrifices pour l'obtenir, et donné, dans le concordat, le gage de tous ceux qu'on pourroit exiger de lui?

Il voyoit l'église menacée d'un schisme, le plus grand de tous les malheurs à ses yeux: il vouloit l'éviter à tout prix; il crut qu'il l'éviteroit, en cédant aux vœux de Napoléon.

Cependant une voix secrète et plus forte

1804.

1804. que toutes ses craintes lui conseilloit de ne pas faire cette démarche. Il avoit eu la nomination des Bourbons au conclave (1); il savoit que leurs droits étoient incontestables manquera-t-il à la justice et à la reconnoissance, en allant poser leur couronne sur la tête de l'usurpateur? Cette pensée l'effraya un moment, mais ne l'arrêta pas.

Allocution du saint

:

Il annonça sa dernière résolution dans une allocution qu'il prononça en plein père. consistoire, le 29 octobre 1804, et dans laquelle il dit :

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« Vénérables frères,

« Lorsque nous vous annoncâmes; de ce lieu même, que nous avions fait un concordat avec S. M. l'empereur des François, nous fimes éclater, en votre présence, la joie dont le Dieu de toute consolation remplissoit notre cœur, à la vue des heureux changements que le concordat venoit d'opérer dans ce vaste et populeux empire, pour le bien de la religion.

« Une œuvre si grande et si admirable dut exciter en nous les plus vifs sentiments de reconnoissance pour le très puis

(1) Pour entendre ceci, il faut savoir que les princes catholiques disposoient dans le conclave de la voix des cardinaux qui restoient leurs sujets. Avoir la nomination des Bourbons, c'étoit avoir le suffrage des cardinaux françois, espagnols et napolitains ; et c'étoit un poids dans la balance!

sant prince qui avoit employé son autorité à la conduire à sa fin.

« Ce puissant prince, notre très cher fils en J. C., nous a fait connoître qu'il desiroit vivement recevoir de nous l'onction sainte et la couronne impériale, afin que la religion, imprimant à cette cérémonie solennelle le caractère le plus sacré, en fit la source des plus abondantes bénédictions.

« Cette demande, faite dans de tels sen'timents, n'est pas seulement un témoignage authentique de la religion de l'empereur et de sa piété filiale pour le saintsiége, mais elle se trouve encore appuyée de déclarations positives que sa volonté ferme est de protéger de plus en plus la foi sainte, dont il a jusqu'ici travaillé à relever les ruines par tant de généreux efforts.

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Ainsi, vénérables frères, vous voyez combien sont justes et puissantes les raisons que nous avons d'entreprendre ce voyage. Nous y sommes déterminés par des vues d'utilité pour notre sainte religion, et par des sentiments particuliers de reconnoissance pour le très-puissant empereur qui, après avoir rétabli la religion catholique en France, nous témoigne. le desir de favoriser ses progrès et sa gloire

« A ces causes, vénérables frères, mar

1804.

1804.

Arrivée

du saint

père à Paris.

Couron

chant sur les traces de nos prédécesseurs, qui se sont quelquefois éloignés de leur siége, et se sont transportés dans des régions lointaines pour le bien de l'église,

nous entreprenons ce voyage, sans nous dissimuler que sa longueur, une saison peu favorable, notre âge avancé et notre foible santé, auroient dû nous en détourner (1); mais nous comptons pour rien ces obstacles, pourvu que Dieu nous accorde ce que notre cœur lui demande. »

La nouvelle de ce voyage étonna toute l'Europe, et consterna les partisans de la légitimité.

Le saint-père quitta Rome le 5 novembre, et arriva à Fontainebleau le 25 du même mois.

Napoléon, prévenu de son arrivée, alla au-devant de lui jusqu'à la croix de SaintHerem, le reçut avec toutes les marques d'un profond respect, et lui fit rendre partout les honneurs dus à son éminente dignité.

Le 2 décembre étoit le jour fixé pour nement la cérémonie du couronnement, à laquelle

de l'em

pereur. toute l'élite de la France assista putation.

par

(1) Il y avoit pour l'en détourner des raisons bien plus puissantes que celles qu'il allègue dans son discours, sur lesquelles la politique l'obligeoit alors de garder le silence, et que ses remords lui ont rappelées depuis avec amertume.

A dix heures du matin, l'empereur sortit des Tuileries pour se rendre à NotreDame. Son cortège étoit nombreux et magnifique: cinq cents voitures escortoient la sienne; il y avoit cinquante mille hommes sous les armes, et cinq cent mille curieux aux fenêtres ou dans les rues.

L'église étoit entièrement tendue en étoffes de soie cramoisie, ornées de franges, de galons, et d'armoiries brodées en or. La nef, le chœur et le sanctuaire, étoient couverts de tapis d'Aubusson et de la Savonnerie. Des gradins en amphithéâtre étoient chargés de spectateurs : les femmes brillantes de graces et de parure, les hommes revêtus d'un costume obligé, des places assignées à tous les grands dignitaires de l'état, le trône de l'empereur élevé au milieu de la nef, celui du pape dans le sanctuaire et à côté de l'autel.... tout cela étoit beau, magnifique et bien ordonné. Ce mélange de la pompe des cérémonies de l'église romaine avec la magnificence de la cour des Tuileries, présentoit à l'œil, il faut en convenir, un brillant spectacle, mais laissoit dans tous les esprits je ne sais quelle inquiétude, qui provenoit sans doute autant de la profanation des mystères de la religion, que de l'intervertissement des dogmes anciens de la politique.

L'empereur reçut à genoux l'onction

18044

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