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1815. pendant neuf siécles entre la postérité de ces Francs et la postérité de leurs rois : les François ne voudront jamais parjurer ni leurs ancêtres ni eux-mêmes.

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Mais l'usurpateur a déja écarté les nationaux, en appelant ses satellites; il a déja compté les votes, quand aucun vote

n'est encore émis.

«Eh! que pourriez-vous attendre de celui ou de ceux qui ont ensanglanté et souillé tout ce qu'ils ont touché; qui ont su faire un objet d'horreur ou de dérision de ce qui fut toujours un objet d'amour et de vénération; qui auroient flétri, s'il étoit possible, jusqu'aux noms de patrie, de liberté, de constitution, de lois, d'honneur et de vertu?

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François! n'avez-vous donc pas désormais votre grande charte qui a réhabilité tous ces noms sacrés, et les a remis en possession du respect qui leur appartient? N'avez-vous pas une constitution? Pure dans son principe, elle a été réglée entre votre roi et vos représentants : douce dans son exécution, l'expérience d'une session entière vous le prouve : portant en elle-même le germe de toutes ses améliorations, il n'en est pas une que ne puisse créer à l'instant l'autorité royale avec l'assentiment des deux chambres, pas une qui ne puisse être proposée par vos représentants, provoquée par vos pé

titions. Croyez que là est le fondement le plus solide, le seul garant sûr de la prérogative, des priviléges et des droits de

tous.

« Croyez sur-tout que par son droit, son titre et votre cœur, votre roi est et sera toujours votre meilleur ami, votre plus constant, votre plus loyal ami. Unissez vos vœux aux siens, en attendant que vous puissiez agir de concert. Et cette Providence à laquelle il rend compte de l'accomplissement de ses devoirs envers elle et envers vous, cette Providence qui a reçu ses serments et les vôtres, priez-la en commun avec lui de bénir sa juste entreprise et vos nobles efforts.

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Délibéré en conseil d'état du roi, présidé par SA MAJESTÉ, sur le rapport du sieur comte de Lally-Tolendal, à Gand, 24 avril 1815. »

Ce manifeste adressé à la nation ne parvint en France que tard et difficilement. La police visitoit soigneusement et sévèrement tout ce qui passoit à la frontière ; mais quelque puissants que fussent ses moyens, ils ne l'étoient pas assez pour tout arrêter. Les proclamations, les manifestes et les lettres arrivoient, il est vrai, un peu plus tard, cependant assez tôt pour jeter l'alarme dans le conseil de l'usurpateur.

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de Buona

parte.

L'effroi que sa présence avoit répandu dans tous les cœurs se calma peu-¿-peu; Situation et la réflexion, qui lui succéda, permit à chacun de mesurer ses forces, et de s'ar ranger pour n'en avoir rien à craindre. Dès-lors, aux manoeuvres plus ou moins directes, mais toujours actives que la haine des indépendants commençoit à tramer contre lui, se joignit une force d'inertie nationale, dont il ne se défia pas assez, et contre laquelle vinrent échouer la violence de ses procédés, et l'imposture de ses récits.

Nous ne savons pas jusqu'à quel point ses ministres le trompoient ou s'il s'aveugloit volontairement; mais il ne pouvoit ignorer que les armées de l'Europe marchoient contre lui. Il venoit d'apprendre que son beau-frère Murat étoit détrôné et chassé de Naples. Il étoit instruit que la Provence et le Languedoc étoient dans un état de soulévement que le voisinage d'une armée espagnole rendoit plus terrible. La contenance morne et silencieuse des habitants de Paris lui prouvoit qu'il n'en étoit pas aimé ; et par les rapports de sa police secréte, il savoit qu'ils avoient cessé de le craindre.

Sa position devint encore plus critique, lorsque les patriotes, jacobins ou républicains, convaincus qu'il les trompoit, s'éloignèrent de lui, étudièrent sa con

duite, et contrôlèrent ses actions en attendant le jour où ils se proposoient de les punir.

On ne conçoit pas comment ces mêmes patriotes auxquels il devoit les succès de ses premières années, dont il avoit si mal reconnu les services après le 18 brumaire, qui avoient eu tout le temps d'étudier son caractère et sa politique pendant les jours de sa puissance, se rapprochèrent de lui après sa chute, et s'associèrent à ses desseins pour le relever.

Il faut croire que, le voyant relégué à l'île d'Elbe, ils pensèrent qu'il n'étoit plus à craindre comme empereur, et qu'il pouvoit leur être utile comme général.

Les jacobins savoient apprécier ses talents militaires; il apprécioit lui-même leur adresse politique. Le besoin les rapprocha; ils convinrent tacitement d'oublier leurs torts réciproques et de se réunir contre l'ennemi commun. Telles furent sans doute les causes de l'alliance qu'ils renouvelèrent à l'époque de la rentrée du

roi.

Mais sans doute aussi chacune des parties contractantes ne dit pas tout à l'autre, et tint en réserve une arrière-pensée. Celle de Buonaparte étoit de renvoyer les jacobins aussitôt qu'il n'auroit plus besoin d'eux. Ceux-ci de leur côté se proposoient bien de le remercier dès qu'ils se

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Rupture liance avec les jacobins.

de son al

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roient assez forts pour fonder leur république sans lui.

Avant d'en venir à cette extrémité, ils conservèrent les uns pour les autres toutes les apparences d'une bonne amitié. Dans ses premières proclamations, Buonaparte ne parloit que de liberté, d'égalité, des droits du peuple: il disoit dans

l'une :

« Élevé au trône par le choix du peuple, tout ce qui a été fait, et tout ce qui se fait sans lui est illégitime.

Il disoit dans une autre :

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« J'ai supporté sans abattement mes malheurs personnels, mais ceux du peuple me sont insupportables.

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Pendant quelques jours sa conduite répondit à son langage; il fut populaire à Grenoble, à Lyon, à Dijon. Ses soldats, à son exemple, n'étoient que des patriotes, ne parloient que de rétablir la république, que de renverser l'aristocratie.

De leur côté, les jacobins, fidéles au traité, lui aplanirent le chemin de Paris en soulevant la populace des villes contre les autorités légitimes; en inspirant aux peuples des campagnes la crainte des dimes, des corvées, des émigrés et des jésuites; en promettant aux ouvriers l'espérance d'une fortune sans travail, d'une liberté sans bornes, et de tous les biens de l'âge d'or. Les mêmes provocations ex

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