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1815.

troisième rapport, que les puissances étrangères s'armoient extraordinairement et menaçoient la France d'une guerre prochaine « Mais, ajoutoit-il, aucun acte officiel n'a constaté la détermination d'une rupture.

:

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« Nous sommes réduits à des conjectures vagues et à des bruits peut-être mensongers. Toutes les proclamations toutes les paroles de votre majesté attestent hautement la sincérité de ses voeux pour le maintien de la paix.... Contre qui donc sont dirigés ces armements?

«Sire, c'est votre majesté qu'on nomme; mais c'est à la France qu'on en veut. Ce n'est point au monarque; c'est à la nation françoise; c'est à tout ce que nous avons de plus cher; à tout ce que nous avons acquis par vingt-cinq années de souffrances et de gloire, à nos libertés, à nos institutions que des passions ennemies veulent faire la guerre.

« Une partie de la famille des Bourbons et quelques hommes qui, depuis longtemps, ont cessé d'être François, cherchent à soulever encore les nations de l'Allemagne et du nord, dans l'espoir de rentrer une seconde fois par la force des armes sur un sol qui les désavoue et qui ne veut plus les recevoir.

« Oui, si, contre le plus cher des vœux de votre majesté, les puissances étran

gères donnent le signal d'une nouvelle guerre, c'est la France même, c'est la nation tout entière qu'elles veulent atteindre, quand elles prétendent ne s'attaquer qu'à son souverain, quand elles affectent de séparer la nation de l'empereur. « Le contrat de la France avec votre majesté est le plus étroit qui jamais ait uni une nation à son prince. Le peuple et le monarque ne peuvent plus avoir que les mêmes amis et les mêmes ennemis. S'agit-il de provocations personnelles de souverain à souverain? ce ne peut être autre chose qu'un duel ordinaire.

« Que fit François I dans son emportement contre Charles-Quint? il lui envoya un cartel. Mais distinguer le chef d'une nation de cette nation même, protester que l'on n'en veut qu'à la personne du prince, et faire marcher contre lui un million d'hommes, c'est trop se jouer de la crédulité des peuples! >>

Sans doute, un million d'hommes n'étoit pas nécessaire pour en abattre un seul; mais personne n'ignoroit que celuici avoit une armée nombreuse et aguerrie, qu'il s'étoit associé tous les factieux du royaume et tous les mécontents de l'Europe; et pour ne pas recommencer tous les ans cette guerre importune, qui ne duroit déja que depuis trop long-temps, les souverains jugèrent à propos de s'ar

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Sa lettre

aux sou

alliés.

mer de la massue d'Hercule

pour

écraser

d'un seul coup toutes les têtes de l'hydre. Il étoit faux d'ailleurs que ces messieurs fussent réduits, quant aux causes et à l'objet de la guerre, à de vagues conjectures. Ils savoient très positivement que les alliés avoient rompu toute communication avec leur maître ; ils savoient qu'aucun des courriers qu'il avoit expédiés vers les cours étrangères, pour les informer de son installation, n'étoit arrivé à sa destination; ils savoient que la lettre qu'il avoit écrite aux souverains alliés avoit été refusée par eux tous, sans exception. Cette lettre, restée sans réponse, n'en mérite pas moins notre attention. La voici :

Du château des Tuileries, 4 avril 1815.

<< Monsieur mon frère,

« Vous aurez appris, dans le cours du mois dernier, mon retour sur les côtes de verains France, mon entrée à Paris, et le départ de la famille des Bourbons. La véritable nature de ces événements doit maintenant être connue de votre majesté. Ils sont l'ouvrage d'une irrésistible puissance, l'ouvrage de la volonté unanime d'une grande nation qui connoît ses devoirs et ses droits. La dynastie que la force avoit rendue au peuple françois (1) n'étoit plus faite

(1) Il avoit dit dans sa proclamation aux armées, que la trahison avoit rendue, etc. Mais en écrivant

pour lui. Les Bourbons n'ont voulu s'associer ni à ses sentiments, ni à ses mœurs. La France a dû se séparer d'eux. Sa voix appeloit un libérateur. L'attente qui m'avoit décidé au plus grand des sacrifices avoit été trompée.

« Je suis venu; et du point où j'ai touché le rivage, l'amour de mes peuples m'a porté jusqu'au sein de ma capitale. Le premier besoin de mon cœur est de payer tant d'affection par le maintien d'une honorable tranquillité. Le rétablissement du trône impérial étoit nécessaire au bonheur des François ; ma plus douce pensée est de le rendre en même temps utile au repos de l'Europe. Assez de gloire a illustré tour-à-tour les drapeaux des diverses nations. Les vicissitudes du sort ont assez fait succéder de grands revers à de grands succès; une plus belle arène est aujourd'hui ouverte aux souverains, et je suis le premier à y descendre.

« Après avoir présenté au monde le spectacle de grands combats, il sera plus doux de ne reconnoître désormais d'autre rivalité que celle des avantages de la paix, d'autre lutte que la lutte sainte de la félicité des peuples.

« La France se plaît à proclamer avec franchise ce noble but de tous ses voeux.

aux princes, il n'eût été ni poli, ni adroit de les accuser d'une trahison.

1815.

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Restée

Jalouse de son indépendance, le principe invariable de sa politique sera le respect le plus absolu pour l'indépendance des autres nations; si tels sont, comme j'en ai l'heureuse confiance, les sentiments personnels de votre majesté, le calme général est assuré pour long-temps, et la justice, assise aux confins des divers états, suffira seule pour en garder les frontières. « Je saisis avec empressement, etc.

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S'il eût écrit une lettre semblable après sans ré- la bataille de Friedland, alors

ponse.

que l'Europe, éblouie de l'éclat de ses victoires, étoit à ses pieds, on l'eût peut-être admirée, comme l'ouvrage de la véritable grandeur et le chef-d'œuvre de la politique.

Mais dans la position où il étoit, déchu de toute gloire, de toute puissance et de toute autorité, fugitif de l'île d'Elbe, violateur des traités, escorté d'une armée de rebelles, proscrit par l'univers entier, sa lettre ne parut qu'un tissu de faussetés et d'hypocrisie; elle n'excita que le mépris ou l'indignation: elle fut refusée par tous les souverains. Son ministre des relations extérieures en fit par ses ordres l'aveu public, et cet aveu, qu'il crut propre à irriter tous les François contre l'orgueil insolent de l'étranger, produisit un effet

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