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et la protection du peuple françois, dirigent aujourd'hui leurs coups contre ma

personne.

« Si je ne voyois que c'est à la patrié qu'ils en veulent, je mettrois à leur merci cette existence contre laquelle ils se montrent si acharnés, mais leur rage sera impuissante.

"

« François, ma volonté est celle du peuple (1), mes droits sont les siens. Mon honneur, ma gloire et mon bonheur ne peuvent être autres que l'honneur, la gloire et le bonheur de la France. »

Ces discours, la déclaration du nombre de votes qui avoient accepté la constitution, les aigles qu'il distribua à ses soldats, le serment nouveau que ceux-ci lui prêtèrent, telles furent les scènes principales de cette mauvaise comédie. Elles furent mal jouées et mal accueillies : les acteurs et les spectateurs avoient l'air de se moquer les uns des autres. Buonaparte comptoit sur un succès d'enthousiasme : il en avoit besoin pour retenir les peuples dans ses intérêts, et pour s'étourdir luimême sur le danger de sa position. Quelque mépris qu'il affectât pour ses ennemis, il étoit inquiet: son mépris n'étoit pas sincère. Il connoissoit leurs forces et

(1) Le peuple et toujours le peuple ! Quand il n'avoit pas besoin du peuple, il disoit: Il n'y a pas d'autre souverain que l'empereur; le tróne, c'est moi.

1815..

1815.

Catastro

Murat.

leurs intentions, et ne se dissimuloit pas que dans le combat à mort qui se préparoit entre eux et lui, toutes les probabilités étoient en leur faveur. La chute de Murat lui donnoit plus d'inquiétudes qu'il n'en vouloit laisser paroître; dans sa situation, et avec le penchant qu'il eut toujours pour la superstition, cette chute lui paroissoit de mauvais augure et l'avantcoureur de la sienne.

Après avoir trahi la cause de son beauphe de frère pour l'Autriche, Murat crut qu'il pourroit avec le même succès trahir l'Autriche pour son beau-frère. Il se trompa. L'Autriche avoit les moyens de le punir. Une seule bataille décida son sort.

Vaincu à Tolentino, il fut vivement poursuivi; il entra presque seul à Naples, où il prit à peine le temps de dire à sa femme tout est perdu. Pour échapper à la fureur du peuple, que la nouvelle de sa défaite avoit soulevé, il se déguisa, se jeta sur un esquif, et vint chercher un asile en Provence. Buonaparte lui refusa la permission de venir à Paris, d'abord parcequ'il étoit mécontent de sa conduite, ensuite parcequ'il ne vouloit pas offrir aux Parisiens, dans la vue d'un roi détrôné, le prétexte et l'occasion de faire de malignes applications.

Pour ne plus revenir sur ce personnage, nous anticiperons de quelques mois

sur les temps, et nous dirons qu'après la bataille de Waterloo, Murat quitta les côtes de la Provence et alla se réfugier dans l'île de Corse. Il n'y demeura pas long-temps. Trompé par de faux rapports, et encore plus abusé par ses espérances, il crut qu'il étoit regretté par ses anciens sujets, lesquels n'attendoient que sa présence pour lui rendre sa couronne. Il s'embarqua aussitôt avec un petit nombre d'aventuriers, et alla descendre avec eux sur les côtes de la Calabre, dans un endroit nommé Pizzo. Il y étoit attendu, mais non par des amis. A peine eut-il touché la terre, qu'il fut attaqué, entouré, combattu à outrance, vaincu et fait prisonnier. Le jour même, fut traduit de vant une commission militaire, condamné à mort, et fusillé comme le plus obscur de ses soldats (1).

Cette terrible exécution n'étoit ni juste, ni politique. Murat avoit porté une cou ronne. Il avoit été reconnu roi de Naples par tous les souverains de l'Europe; par respect pour eux-mêmes les souverains lui devoient des égards, et son successeur à Naples n'avoit pas le droit de le traiter comme un aventurier (2).

Murat étoit brave au champ de ba(1) Le 15 octobre 1815.

(2) Aussi dit-on que le roi de Naples n'apprit le jugement de Murat qu'après son exécution.

1815.

1815.

Ouver

taille, aimable dans la vie privée, et n'eut que de bonnes intentions dans sa vie publique. Son règne fut doux et paisible. Il avoit trouvé le secret de ménager le peuple et les grands, et il s'étoit concilié autant d'affection qu'un étranger peut en obtenir dans ce pays, qui, de tout temps, fut en proie aux convulsions de la politique comme à celles de la nature.

La chambre des députés, convoquée ture des depuis un mois, se trouva réunie le 7 juin. Buonaparte en fit l'ouverture par le discours suivant :

cham

bres.

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Depuis trois mois, les circonstances et la confiance du peuple m'ont revêtu d'un pouvoir illimité. Aujourd'hui s'accomplit le desir le plus pressant de mon cœur. Je viens commencer la monarchie constitutionnelle.

«Les hommes sont impuissants pour assurer l'avenir, les institutions seules fixent la destinée des nations.

« La monarchie est nécessaire en France, pour garantir la liberté, l'indépendance et les droits du peuple.

« J'ambitionne de voir la France jouir de toute la liberté possible. Je dis possible, parceque l'anarchie ramène toujours au gouvernement absolu.

« Une coalition formidable de rois en

veut à notre indépendance. Ses armées arrivent sur nos frontières.

« Nos ennemis comptent sur nos dissentions intestines; ils excitent et fomentent la guerre civile.

« Des rassemblements ont lieu : on communique avec Gand, comme en 1793 avec Coblentz. Des mesures législatives sont indispensables; c'est à votre patriotisme, à vos lumières, à votre attachement à ma personne, que je me confie sans réserve.

« Il est possible que le premier devoir du prince m'appelle bientôt à la tête des

armées.

« L'armée et moi nous ferons notre devoir.

« Vous, pairs et représentants, donnez à la nation l'exemple de la confiance, du patriotisme et de l'énergie; et, comme le sénat d'un grand peuple de l'antiquité, soyez prêts à mourir plutôt qu'à survivre au déshonneur de la France.

« La sainte cause de la patrie triomphera. »

Ce discours n'étoit pas sans dignité ; mais il fut écouté sans bienveillance,

par le public, qui, en général, accorde peu de confiance aux discours d'appareil, et avoit des raisons particulières de se défier de ceux de Buonaparte; 2° par les députés, dont la majorité, avant de se connoître, et avant de se réunir, avoit

1815.

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