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faire? lui demanda-t-il. Abdiquer, sire, 1815. lui répondit le ministre. Et pourquoi?

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Parcequ'il vaut mieux descendre que tomber.

Ce conseil étoit celui de la nécessité: il n'en fut pas moins reçu avec humeur et défiance. En se servant des talents de M. Fouché, Buonaparte n'avoit pas cessé de redouter en lui tantôt un rival et tantôt un contrôleur.

Depuis Lyon, ils avoient marché d'accord, jusqu'au moment où M. Fouché reçut d'un membre du congrès de Vienne une lettre qui lui annonçoit d'une ma nière positive que Buonaparte ne seroit jamais reconnu; qu'à cet égard toutes les puissances étoient unanimes, et se disposoient à marcher contre lui. Cette lettre lui parvint peu de jours avant la céré monie du Champ-de-Mai. Il la communiqua à Buonaparte, et profita de cette occasion pour lui représenter qu'il étoit impossible à la France de soutenir le choc de toutes les nations de l'Europe; qu'il convenoit de s'assurer des dernières intentions des souverains, et que, s'ils persistoient, il n'y avoit, pour son intérêt et pour celui de la France, qu'un parti à prendre, celui d'abdiquer, et de se retirer aux États-Unis.

convention, il vota la mort du roi; et en cela il commit une faute dont il n'est pas à se repentir.

Ce qu'il avoit dit dans l'intérêt de la France, alors que Buonaparte étoit à la tête d'une puissante armée, et entouré d'un parti, il le répéta dans son intérêt personnel, et avec bien plus de force, alors qu'il n'avoit plus ni parti ni armée. Il n'en fut pas mieux accueilli. Mais il avoit de son côté la raison, et Buonaparte n'avoit plus d'autorité. A sa réponse je n'abdiquerai pas, il répliqua : que ferezvous ? Ce que je ferai? j'ai encore soixante mille hommes, à la tête desquels je défendrai Paris, ou je m'ensevelirai sous ses ruines. M. Fouché se retira, en lui disant : vous y réfléchirez.

Le lendemain de cette conférence, Buonaparte envoya aux deux chambres son abdication, conçue dans les termes suivants :

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1815.

abdica

tion de Napo

léon.

François, au commencement de la Seconde guerre pour l'indépendance nationale, je comptois sur la réunion de tous les efforts, de toutes les volontés, et sur le concours de toutes les autorités nationales. J'étois fondé à en espérer le succès, et j'avois bravé toutes les déclarations des puissances contre moi. Les circonstances paroissent changées. Je m'offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France. Puissent-ils être sincères dans leurs déclarations, et n'en avoir jamais voulu qu'à ma personne!

1815.

«Ma vie politique est terminée, et je proclame mon fils, sous le nom de Napoléon II, empereur des François. Les ministres actuels formeront provisoirement le conseil de gouvernement. L'intérêt que je porte à mon fils m'engage à inviter les chambres à organiser promptement la régence par une loi. Unissez-vous tous pour le salut public, et pour rester une nation indépendante.

« Donné au palais de l'Elysée, le 22 juin 1815.

"

Signé NAPOLEON. ♥

Le même jour, il adressa à l'armée la proclamation suivante :

« Soldats! quand je cède à la nécessité qui me force de m'éloigner de mon armée, j'emporte avec moi l'heureuse certitude qu'elle justifiera, par les services éminents que la patrie attend d'elle, les éloges que nos ennemis eux-mêmes ne peuvent lui refuser.

« Soldats, je suivrai tous vos pas, quoique absent; je connois tous les corps, et aucun d'eux ne remportera un avantage signalé sur l'ennemi, que je ne rende justice au courage qu'il aura déployé. Vous et moi nous avons été calomniés. Des hommes indignes d'apprécier vos travaux ont vu, dans les marques d'attachement que vous m'avez données, un zéle dont

j'étois le seul objet. Que vos succès futurs leur apprennent que c'étoit la patrie pardessus tout que vous serviez en m'obéissant, et que si j'ai quelque part à votre affection, Je le dois à mon ardent amour pour la France, notre mère commune.

"

Soldats, encore quelques efforts, et la coalition est dissoute. Napoléon vous reconnoîtra aux coups que vous porterez. « Sauvez l'honneur et l'indépendance des François. Soyez jusqu'à la fin tels que je vous ai connus depuis vingt ans, et vous serez invincibles.

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1815.

t

L'acte d'abdication ayant été lu à la Débats chambre des pairs, M. Lucien se leva, et dit:

dans les

cham

bres.

« L'empereur Napoléon vient d'abdiquer en faveur de son fils. Politiquement parlant, l'empereur est mort, vive l'empereur! Je propose à l'assemblée, séance tenante, de prêter serment à Napoléon II. >>

« Et à quel titre, s'écria aussitôt M. Doulcet de Pontécoulant (1), M. Lucien vient-il

(1) M. Doulcet de Pontécoulant, d'une ancienne famille de Normandie, étoit avant la révolution sous-lieutenant des Gardes-du-Corps, dont son père étoit major-général. Il embrassa le parti de la révolution avec chaleur, et fut successivement membre de la convention, député au conseil des cinq-cents, préfet du département de la Dyle, et pair de la chambre de Buonaparte.

1815.

Discours

proposer un souverain à la nation francoise? M. Lucien est-il François? il n'a d'autre titre que celui de prince romain.......» Lucien voulut interrompre l'orateur: « Pardon, prince, reprit celui-ci, respectez l'égalité dont tant de fois vous avez donné F'exemple (1). Je déclare que je ne reconnoîtrai jamais pour mon souverain un enfant étranger. Vous aurez la guerre civile, reprit Lucien. C'est bien assez de la guerre étrangère, que vous nous avez donnée, répondit M. Boissy-d'Anglas.

La proposition de M. Lucien fut ajour

née.

La discussion fut encore plus animée dans la chambre des députés. MM. Garat, Defermont, Boulay de la Meurthe, Regnault de Saint-Jean-d'Angely, insistèrent vivement pour faire proclamer Napoléon II. MM. Malleville et Dupin demandèrent l'ajournement. L'assemblée paroissoit indécise, lorsque M. Manuel réunit la majorité des opinions à la sienne, par un discours qui fit connoître son talent, et dont nous allons citer quelques phrases.

<< De quoi s'agit-il, messieurs, dans cette de M. Ma- discussion?d'un homme, ou d'une famille?

nuel.

(1) Allusion aux principes démocratiques que Lucien avoit professés au commencement de la révolu tion, et au refus constant qu'il fit de reconnoître son frère en qualité d'empereur, pendant les jours de sa puissance.

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