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1815.

oublié les maux qu'ont produits en Angleterre les factions d'Yorck et de Lancastre, sous les noms de rose blanche et de rose rouge. Peu s'en est fallu que les mêmes couleurs, sous la forme d'œillets rouges et blancs, et sous les noms de royalistes et de patriotes, n'aient produit les mêmes désordres en France.

Hors des barrières, le drapeau blanc, symbole de la monarchie héréditaire, flottoit sur tous les édifices: dans l'intérieur de la ville, sur tous les monuments publics, flottoit le drapeau tricolor, symbole de la révolution. Il étoit défendu aux hommes, sous peine des insultes les plus graves de la part d'une soldatesque mutinée, de porter à leurs chapeaux des cocardes blanches.

La chambre des députés autorisoit ou encourageoit ces désordres par une affiche dans laquelle on lisoit :

« Tout gouvernement qui n'auroit d'autre titre que les volontés d'un parti, ou qui seroit imposé par la force, ou qui n'adopteroit pas les couleurs nationales, la liberté de la presse, l'abolition de la noblesse ancienne, ne sera reconnu ni par la nation ni par ses représentants (1). »

(1) Si cette prétendue chambre de représentants n'étoit pas elle-même excitée ou encouragée par un parti puissant, mais caché dans l'ombre, il faudroit

pour

Horrible

Une telle déclaration étoit effrayante 1815. les habitants de Paris, dans la position où ils se trouvoient. Ils étoient assié: situation gés par une armée de deux cent mille de Paris. hommes, et menacés dans l'intérieur d'un soulèvement populaire. D'un côté ils entendoient gronder le canon qui battoit leurs foibles remparts; de l'autre ils voyoient aiguiser les poignards qui menaçoient leur poitrine. Leurs alarmes étoient grandes et fondées.

Pendant les quatre mortelles journées que dura cet état de choses la ville fut livrée aux plus affreux désordres de l'anarchie. Il n'y avoit plus ni tribunaux, ni administration, ni officiers de police, ni magistrats qui veillassent à la sûreté publique. Tout étoit permis, tout étoit à craindre. Voici le tableau qu'un rapport de la police secrète du temps a tracé de cette situation.

croire que tous ses membres avoient perdu la tête, et méritoient d'aller délibérer à Charenton.

"

Le vertige de cette chambre étoit tel, dit le général Gourgaud, que, dans ces moments terribles, elle s'amusoit à de vaines discussions de principes constitutionnels. La postérité ne voudrajamais croire qu'elle porta l'aveuglement au point d'imaginer que des bataillons prussiens viendroient garantir l'exéeution de ses décrets. La garde nationale, ayant la même confiance, déclaroit de son côté qu'elle vouloit conserver les couleurs nationales; et cela, le jour que deux cent mille étrangers entroient dans Paris. »

1815.

« Paris est abandonné à lui-même. L'embarras déja très grand de cet état de choses s'accroît encore par les tentatives du parti buonapartiste, avec ou sans l'aveu de Buonaparte. Les restes de ce parti s'agitent, excitent les militaires, irritent leurs regrets, et tournent jusqu'à leur désespoir du côté de l'empereur.

"

Nous avons dit que des frénétiques armés de sabres nus parcouroient les rues, en vomissant des imprécations contre le roi, en appelant le peuple aux armes, en annonçant hautement une Vendée patriotique. Ajoutons qu'à ces cris forcenés, qui effrayoient les femmes et les enfants, se joignoient des voies de fait, et que des outrages grossiers, et des coups souvent mortels effrayoient tous les hommes qui, livrés à leurs affaires particulières, n'avoient ni la pensée ni le desir de partager le délire de ces affreuses saturnales. Aucun citoyen paisible, aucune femme honnête, n'osoient plus paroître dans les promenades, ni même traverser les rues. Les boutiques, les spectacles et les barrières étoient fermés.

Ce que vouloient les factieux, et à quel terme ils devoient s'arrêter, c'est ce que nous ignorons; mais il est probable ou qu'ils avoient été trompés par de fausses alarmes, ou qu'ils avoient été séduits par de fausses promesses. Il est probable

qu'on leur avoit représenté d'un côté les Bourbons armés contre eux de cruelles vengeances, et de l'autre un prince étranger chargé pour eux d'honneurs et de bienfaits.

Il est impossible d'expliquer, dans toute autre hypothèse, l'insolence de leurs prétentions en présence d'une armée de deux cent mille hommes, et le délire de leur résistance une heure avant leur catastrophe.

1815.

Paris.

La catastrophe arriva le 7 juillet. Le Le roi aus roi étoit depuis trois jours à Saint-Denis, portes de et n'ignoroit ni les désordres dont Paris étoit le théâtre, ni les malheurs dont les habitants étoient menacés. En vertu d'une capitulation militaire, signée le 4, les étrangers avoient pris possession de SaintDenis, de Saint-Ouen, de Clichy, de Neuilly, etc. Le 5, Montmartre fut mis à leur disposition : le 7, les portes de Paris devoient leur être ouvertes.

La veille de cette journée, si importante pour la France, M. Fouché, président du gouvernement, écrivit au roi la lettre suivante :

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Rapport

« Le retour de votre majesté ne laisse du minisplus aux membres du gouvernement d'autre de la tre devoir à remplir que celui de se sépa- police an

roi.

1815.

rer. Je demande, pour l'acquit de ma conscience, à lui exposer fidélement l'opinion et les sentiments de la France.

« Ce n'est pas votre majesté que l'on redoute. Elle a vu pendant onze mois que la confiance dans sa modération et dans sa justice soutenoit les François au milieu des craintes que leur inspiroient les entreprises d'une partie de sa cour.

« Tout le monde sait que ce ne sont ni les lumières ni l'expérience qui manquent à votre majesté. Elle connoît la France et son siècle : elle connoît le pouvoir de l'opinion; mais sa bonté lui a trop souvent fait écouter les prétentions de ceux qui l'ont suivie dans l'adversité: dès-lors il y a eu deux peuples en France. Il étoit pénible sans doute à votre majesté d'avoir sans cesse à repousser ces prétentions par des actes de sa volonté. Combien de fois elle a dû regretter de ne pouvoir leur op poser des lois nationales! Si le même système se reproduit, et que, tirant tous les pouvoirs de l'hérédité, votre majesté ne reconnoisse d'autres droits du peuple que ceux qui lui viennent des concessions du trône, la France, comme la première fois, sera incertaine dans ses devoirs; elle aura à hésiter entre son amour pour la patrie et son amour pour le prince, entre son penchant et ses lumières.

« Son obéissance n'aura d'autre base

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