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que sa confiance dans votre majesté, et
si cette confiance suffit pour maintenir le
respect, elle ne suffit pas pour écarter les
dangers, ni pour
pour affermir les dynasties.

Sire, votre majesté a reconnu que ceux qui entraînoient le pouvoir au-delà de ses limites sont peu propres à le soutenir quand il est ébranlé: que l'autorité se perd elle-même dans le combat continuel qui la force de rétrograder dans ses mesures que moins on laisse de droits à un peuple, plus sa juste défiance le porte à conserver ceux qu'on ne peut lui disputer, et que c'est toujours ainsi que l'amour s'affoiblit et que les révolutions se préparent.

« Nous vous en conjurons, sire, daignez cette fois ne consulter que votre justice et vos lumières. Croyez que le peuple françois met aujourd'hui à sa liberté autant d'importance qu'à la vie. Il ne se croira jamais libre s'il n'y a pas entre les pouvoirs des droits également inviolables. N'avions-nous pas sous votre dynastie des états-généraux qui étoient indépendants du monarque?

« Sire, votre sagesse ne peut attendre les événements fâcheux pour faire des concessions; c'est alors qu'elles seroient nuisibles à votre intérêt.

'

Aujourd'hui les concessions rapprochent les esprits, pacifient et donnent de

1815.

1815.

Entrée du

la force à l'autorité royale; demain elles prouveroient sa foiblesse: c'est le désordre qui les arracheroit; les esprits resteroient aigris.

* Signé LE DUC D'OTRANTE. »

Il y avoit dans ce rapport beaucoup d'assertions contestables, mais qui, à force d'avoir été répétées sans contradiction depuis vingt-cinq ans, étoient devenues des principes consacrés par la révolution. Il y avoit aussi des vérités de fait, que nulle personne de bonne foi ne pouvoit révoquer en doute. Le roi le lut avec attention, en reconnut les vérités, n'en désavoua pas les principes, manda M. le duc d'Otrante, et lui dit, après une longue conférence, qu'il ne croyoit pas pouvoir mieux confier l'administration de la police de son royaume qu'à celui qui en connoissoit si bien l'esprit et les besoins.

Le lendemain Paris ouvrit ses portes. roi dans L'armée des alliés y entra sans obstacle. Paris.j A leur apparition, le vacarme dont nous avons parlé plus haut cessa. Les députés, les fédérés, les factieux, saisis d'épouvante, rentrèrent dans le devoir ou plutôt dans le silence.

C'étoit un mal guéri par un autre. Il ne falloit, hélas! rien moins qu'une invasion étrangère pour nous délivrer des horreurs de la guerre civile. Dans l'effroi que nous

inspiroit la vue des bêtes féroces qu'on 1815. avoit lâchées contre nous, nous n'eûmes pas le temps d'examiner les conditions du marché qui devoit nous en délivrer; et lorsque nous en sentîmes le poids accablant, il n'y avoit plus moyen de nous en affranchir.

L'entrée des alliés dans Paris ne fut pas cette année, comme l'année précédente, une entrée triomphale; c'étoit une prise de possession. Leur figure et leur maintien annonçoient des vainqueurs qui venoient exercer des droits de conquête.

Le roi ne rentra pas non plus dans sa capitale, comme la première fois, dans une calèche découverte, et au milieu des transports de joie, de toutes les classes de citoyens. Sa majesté étoit renfermée dans un carrosse dont toutes les glaces étoient levées. C'est ainsi qu'elle traversa Paris au milieu des inquiétudes qu'avoient laissées dans les esprits les effrayantes saturnales de la veille, et que ne diminuoit pas la vue des soldats étrangers qui accompagnoient le roi. La joie brilloit encore sur quelques visages; on entendit quelques cris de vive le roi. Mais la foule étoit sérieuse et silencieuse.

La joie que nous ressentions de revoir le roi étoit cruellement altérée par le chagrin d'en être redevables à d'autres qu'à nous-mêmes. Une sorte de pressentiment

1815.

Etrange

nous avertissoit que, sans avoir été vaincue, la France alloit être traitée en pays conquis.

Dès le premier jour de leur entrée, les Prussiens essayèrent de faire sauter le pont d'Jéna; et, dans la fureur qui les 'animoit, ils auroient voulu faire sauter Paris.

Paris offrit pendant plusieurs mois l'iconduite mage d'une ville de guerre occupée par des alliés. l'ennemi. Ses barrières, ses postes mili

taires, ses casernes, ses établissements publics, étoient livrés aux Prussiens et aux Anglois. Des piquets d'infanterie gardoient les avenues de tous les ponts. Une batterie de canon étoit braquée contre le château des Tuileries. Les Champs-Elysées, le jardin du Luxembourg, la place du Carrousel, étoient transformés en camps. Le bois de Boulogne, cette promenade favorite des Parisiens, avoit disparu sous la hache du soldat anglois.

Le lion de Saint-Marc, les chevaux de Corinthe, l'Apollon du Belvédère, la Vénus de Médicis, les chefs-d'œuvre de tous les arts qui, depuis quinze ans, enrichissoient nos musées, ou décoroient nos places publiques, furent enlevés avec une rigueur d'exécution qui redoubla le chagrin de nos pertes.

Ce fut alors que les habitants de cette grande ville, vaincus, dépouillés, ruinés

et humiliés deux fois en quinze mois sous le joug des armées étrangères, éprouvèrent et sentirent toute la vanité de cette gloire militaire qui les avoit enivrés pendant quinze ans; ce fut alors qu'ils reconnurent le tort qu'ils avoient eu d'accorder leur confiance tantôt à des empiriques qui, sous le nom de patriotes, leur avoient garanti de longs jours de paix et de liberté, tantôt au conquérant qui leur avoit promis l'empire et les richesses du monde entier.

Qu'étoit-il devenu, ce fameux conquérant? Après avoir perdu sa gloire à Waterloo, et sa couronne à Paris, il rêvoit au moyen de ressaisir l'une et l'autre.

1815.

Buona

parte.

Peu de jours après son abdication, il Fuite de fit sonder ses amis dans les deux chambres, les officiers de sa garde, ceux de ses ministres qui lui avoient montré le plus d'attachement, et jusqu'aux fédérés des faubourgs; il ne trouva par-tout que des esprits prévenus, des cœurs froids, des oreilles sourdes à ses insinuations.

Les conciliabules qu'il tenoit tantôt à l'Élysée-Bourbon, et tantôt à la Malmaison, étoient surveillés par M. Fouché, lequel, exactement instruit des mesures qu'on y prenoit, avoit peu de peine à les faire échouer.

Le 27 juin, Buonaparte étant à la Malmaison, apprit que les alliés en arrivant

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