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la société qui les rejetoit, et à laquelle ils ont déclaré une guerre éternelle.

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1815.

Ils conservèrent long-temps l'espoir de Espoir de briser les fers de celui qu'ils regardoient ses particomme leur chef, et ils n'ont jamais perdu

celui de ressaisir sous son nom les rênes du pouvoir en France.

Ceux de leurs amis qui étoient restés dans le royaume à l'abri de leur obscurité, ou à l'aide de ces métamorphoses si faciles et si communes dans ce temps-là, s'y firent bientôt un parti puissant en faisant accroire aux uns que les alliés étoient convenus secrétement d'écraser la démocratie en écrasant la France, qui en étoit devenue le foyer; en disant aux autres que le roi ne favorisoit les patriotes qu'en apparence; que toutes les concessions qu'il faisoit aux libéraux étoient autant de piéges qu'il tendoit à leur bonne foi pour les endormir; qu'en voulant régner comme ses ancêtres, il ne faisoit que son métier; mais que celui des libéraux étoit d'élever autel contre autel, et d'opposer toutes les forces de la patrie à toutes les ruses du despotisme. C'étoit le même manège, c'étoient les mêmes impostures qui avoient réussi l'année précédente, et qui réussiront toujours auprès de la multitude, quand le gouvernement ne saura pas en attaquer les causes avec prudence, et en punir les auteurs avec sévérité.

sans.

1815.

Mécomp

Lorsque le roi rentra la première fois dans son royaume, il n'y vit que des sute du roi. jets fidéles. Tout favorisoit cette illusion. Les témoignages d'amour qui l'accueillirent sur sa route, depuis les côtes de la Manche jusqu'à son château des Tuileries, ne pouvoient cacher ni deş sentiments de haine, ni des projets de révolte. Sa confiance honora son cœur, mais mit en défaut sa pénétration. On sait quel en fut le prix.

En y rentrant la seconde fois, le roi devoit savoir qu'il marchoit sur un terrain miné; qu'il ne pouvoit y faire un pas sans prendre des précautions pour sa sûreté; que la première de toutes les précautions étoit de s'entourer d'amis sûrs, courageux, à l'épreuve de toutes les trahisons, et décidés à se renfermer avec lui dans l'enceinte de la charte, comme dans une citadelle imprenable.

La France alors ne demandoit que du repos, des garanties et un gouvernement. Fatiguée de gloire, de licence, et de tyrannie, elle auroit vu avec plaisir et reconnoissance le trône de Henri IV occupé par un prince qui, comme lui, eût allié la fermeté à la bonté.

L'expérience de tous les temps nous a convaincus que les peuples n'aiment à obéir qu'aux princes qui savent commander.

Si du haut de son trône constitutionnel Louis XVIII avoit déployé contre les deux partis qui l'attaquoient avec aussi peu de bonne foi, mais avec autant d'acharnement l'un que l'autre, la même fermeté que Charles V déploya contre les Bourguignons et les Armagnacs, ou Henri IV contre les ligueurs et les calvinistes, ou Buonaparte lui-même contre les royalistes et les jacobins, il auroit obtenu les mêmes succès; il auroit réduit au silence tous les libellistes, et à l'inaction tous les factieux qui, en dénaturant les actes de son règne, et en altérant ses meilleures intentions, ont jeté tant d'alarmes dans les esprits, et ont prolongé pendant si long-temps les troubles de son royaume.

1815.

mécon

tente

ments.

Au reste, les projets des factieux fu- Causes de rent merveilleusement secondés par la conduite que tinrent les alliés pendant les quatre mois qu'ils occupèrent la France. Long-temps après la rentrée du roi, c'està-dire long-temps après que toute cause de guerre eut cessé, les départements restèrent exposés à toutes les horreurs de la guerre. Villes assiégées, villages brûlés, campagnes dévastées, réquisitions, contributions, violences de toute espèce, rien ne fut épargné de la part des étrangers pour exciter la mauvaise humeur des peuples, et pour grossir la foule des mécontents.

1815.

En vain le drapeau blanc flottoit sur les remparts, en vain les assiégés demandoient à se rendre au roi, en vain les peuples réclamoient la foi des traités et le texte des proclamations; les assiégeants n'écoutoient rien, ne voyoient que des ennemis dans les François, et paroissoient avoir pris la résolution de mettre pour toujours la France hors d'état de se relever de ses humiliations. On parloit même de la démembrer. On lisoit dans plusieurs feuilles étrangères que, par les mots d'anciennes limites, stipulées dans les traités précédents, il ne falloit plus entendre celles de 1789, mais bien celles de 1150. Dans cette supposition, le Roussillon devoit être rendu à l'Espagne, la Lorraine à l'Autriche, l'Alsace à l'Allemagne, et la Bourgogne aux Pays-Bas. On alloit jusqu'à dire que le royaume d'Aquitaine seroit rétabli, et que, pour ôter aux François le goût et les moyens de troubler désormais le repos de l'Europe, la France seroit réduite à l'état où elle étoit à la fin de la seconde race.

La funeste impression que produisoient ces bruits, vrais ou faux, mais généralement répandus, étoit encore augmentée par la haine violente que nous portoient les Prussiens, par la hauteur que montroient les Anglois, par le silence que gardoient l'Autriche et la Russie. Čes

craintes populaires étoient exagérées, mais n'étoient pas sans quelque fonde

ment.

1815,

Disposi

tions des grands

Le cabinet de Russie n'avoit aucun intérêt à nous détruire, ni même à nous affoiblir: l'empereur Alexandre en met- cabinets. toit beaucoup, au contraire, à nous relever, à nous conserver, à nous rendre notre ancienne influence dans le midi de l'Europe: il pensoit, avec les plus célébres publicistes, que la grandeur de la France est nécessaire à la prospérité du monde, et qu'elle seule peut balancer le poids de l'Autriche sur le continent, et celui de l'Angleterre sur les deux mers.

Que l'Angleterre cherche à retenir en ses mains le trident de Neptune, ce n'est plus une question; qu'elle prétende faire de ce trident le sceptre du monde, cela n'est pas aussi facile à établir: mais les apparences étoient contre elle(1); et si la plupart des François détestoient son cr gueil, craignoient son influence, se dé

(1) De toutes les nations de l'Europe, les Anglois sont la seule qui ait trouvé dans la révolution françoise des sources de prospérité et des moyens d'agrandissement. Sa marine s'est agrandie de toutes les pertes de la nôtre. Le faux système continental de Buonaparte n'a profité qu'à son commerce. Par les acquisitions des îles de Malte, de Ceylan, de France, et du cap de Bonne-Espérance, l'Angleterre s'est assurée de positions militaires, du haut desquelles elle domine les mers des quatre parties du

monde.

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