Page images
PDF
EPUB

celui de leur renommée : les talents militaires pouvoient tout contre les ennemis du dehors, et ne pouvoient rien contre les ennemis du dedans.

« Ce n'étoit point assez pour notre salut de ces légions victorieuses qui nous protégeoient contre l'Europe, il étoit temps qu'on vit paroître un législateur qui nous protégeât contre nous-mêmes. Ce législateur est venu, et nous avons enfin respiré sous son empire.

Que d'autres vantent ses hauts faits d'armes; que toutes les voix de la renommée se fatiguent à dénombrer ses conquêtes; je ne veux célébrer aujourd'hui que les travaux de sa sagesse. Son plus beau triomphe dans la postérité sera d'avoir défendu, contre toutes les révoltes de l'esprit humain, le système social prêt à se dissoudre. Il a vaincu les fausses doctrines: elles commencent à s'éloigner devant son génie; et bientôt il achèvera leur défaite entière, en prouvant que la liberté publique n'est garantie que par un monarque, premier sujet de la loi.

« Dans le chaos de tant d'opinions, et sous les ruines de tout un empire, combien il étoit difficile de retrouver le principe conservateur qui l'anima pendant quatorze siècles! La première place étoit vacante, le plus digne a dû la remplir: en y montant il n'a détrôné que l'anarchie,

1804.

1804. qui régnoit seule dans l'absence de tous les pouvoirs légitimes.

«La fête qui nous rassemble est donc, s'il m'est permis de le dire, celle de la renaissance de la société. Les lois civiles l'ont en effet raffermie sur ses fondements, et c'est alors que le caractère national s'est hâté de reparoître. Lorsqu'un peuple long-temps séduit par de faux guides, se rallie autour de la gloire; lorsqu'il recommence à honorer les grandes actions par des monuments durables, les sentiments du juste et du beau rentrent dans tous les cœurs, et l'ordre social est rétabli.

« Les statues qu'on érige à ces hommes privilégiés, qui sont faits pour conduire la foule, indiquent à tous les autres le chemin du véritable honneur. Autour de ces monuments dressés par la reconnoissance publique, on voit se manifester les affections les plus douces et les plus nobles du cœur humain. L'enthousiasme de la gloire et de la vertu se communique à toutes les ames, éléve toutes les pensées, agrandit tous les talents, et peut enfanter tous les prodiges. Tel est l'état de la société réparée.

« Au contraire, quand le corps politique tombe en ruines, tout ce qui fut obscur attaque tout ce qui fut illustre. La bassesse et l'envie parcourent les places publiques, en outrageant les images ré

vérées 'qui les décorent. On persécute la gloire des grands hommes jusque dans le marbre et l'airain qui en reproduisent les traits. Leurs statues tombent; on ne respecte pas même leurs tombeaux. Le citoyen fidéle ose à peine dérober en secret quelques uns de ces restes sacrés; il y cherche en pleurant l'ancienne gloire de la patrie. Cependant il ne désespère jamais du salut de l'état, et au milieu de tous les excès il attend le réveil de tous les sentiments généreux.

« Ces sentiments se sont ranimés de toutes parts; mais leur retour fut préparé par l'homme supérieur qui nous rendit peu-à-peu toutes nos anciennes habitudes. C'est lui qui, dès les premiers jours de son gouvernement, honora les cendres de Turenne, et fit placer dans son palais les bustes de tous ces héros dont il égale la renommée.

"

« Déja les artistes, animés par sa voix, se préparent à relever sur nos places désertes les statues des plus grands hommes françois. Celui qui montra tant de respect pour leur mémoire a bien méri que la sienne vive à jamais.... (1). »

(1) Dans un temps où les orateurs de toutes les autorités constituées se croyoient autant de Cicerons, et s'évertuoient à faire des discours dans le genre admiratif, que personne ne lisoit, on lut avec intérêt celui-ci, parceque l'auteur avoit eu le secret de cacher des leçons de sagesse sous la tournure

1804.

1804.

Le pape est abusé.

[ocr errors]

Le même orateur, à la tête d'une dépútation du corps législatif, fut présenté au saint-père, et lui dit :

[ocr errors]

« Très saint-père,

Quand le vainqueur de Marengo conçut, au milieu du champ de bataille, le dessein de rétablir l'unité religieuse et de rendre aux François leur culte antique, il préserva d'une ruine entière les principes de la civilisation. Cette grande pensée survenue dans un jour de victoire enfanta le concordat; et le corps législatif, dont j'ai l'honneur d'être l'organe auprès de votre sainteté, convertit le concordat en loi nationale.

«Jour mémorable, également cher à la sagesse de l'homme d'état et à la foi du chrétien ! C'est alors que la France, abjurant de trop longues erreurs, donna les plus utiles leçons au genre humain. Elle sembla reconnoître devant lui que toutes les pensées irréligieuses sont des pensées impolitiques, et que tout attentat contre le christianisme est un attentat contre la société.

« Le retour de l'ancien culte prépara pientôt celui d'un gouvernement plus naturel aux grands états, et plus conforme aux habitudes de la France. Tout le sys

'ingénieuse de ses éloges : il savoit qu'on peut faire naître des vértus,” en les supposant.

tème social, ébranlé par les opinions inconstantes de l'homme, s'appuya de nouveau sur une doctrine immuable comme Dieu même. C'est la religion qui poliçoit autrefois les sociétés sauvages; mais il est plus difficile aujourd'hui de réparer leurs ruines que de fonder leur berceau.

« Nous devons ce bienfait à un double prodige. La France a yu naître un de ces hommes extraordinaires qui sont envoyés de loin en loin au secours des empires prêts à tomber; tandis que Rome en même temps a vu briller sur le trône de saint Pierre toutes les vertus apostoliques du premier âge.

« Leur douce autorité se fait sentir à tous les cœurs. Des hommages universels doivent suivre un pontife aussi sage que pieux, qui sait à-la-fois tout ce qu'il faut faisser au cours des affaires humaines, et tout ce qu'exigent les intérêts de la religion.

« Cette religion auguste vient consacrer avec lui les nouvelles destinées de l'empire françois, et prend le même appareil qu'au siècle des Clovis et des Pepin.

« Tout a changé autour d'elle, elle seule n'a point changé.

« Elle voit finir les familles des rois comme celles des sujets : mais sur les débris des trônes qui s'écroulent, et sur les degrés des trônes qui s'élèvent, elle ad

1804.

« PreviousContinue »