Page images
PDF
EPUB

traitent sur échantillons. Nous rencontrons principalement en Angleterre, en Allemagne, en Suisse, en Belgique, une concurrence redoutable sur laquelle nous emportons quelquefois la victoire, et c'était chaque année davantage, grâce au système libéral, mais c'est souvent à prix égal ou à 1 ou 2 0/0 de différence. Comment veut-on que le fabricant, qui sait que son drawback sera discuté, débattu, amoindri si possible, accepte ce risque sans se réserver une latitude de 2 à 3 0/0 qui lui feront presque toujours manquer des opérations importantes.

M. le ministre des finances, dit M. Fould, en finissant, s'est montré enthousiasmé, comme tous les Français l'ont été à juste titre, du succès inouï du plus colossal emprunt qui s'était jamais présenté au public; il s'en est même montré un peu surpris et a prouvé qu'il ne se figurait pas les ressources du pays aussi considérables. Il me semble impossible qu'il n'ait pas songé en ce moment que c'était à ce système libéral, à ce commencement de liberté commerciale que notre pays devait ces richesses! Quant à moi, je suis convaincu qu'un. seal grand impôt, celui du revenu, peut être établi sans trop peser sur le pays, sans ruiner son industrie et son commerce, dont l'essor ne doit pas être arrêté. C'est aussi le seul moyen pratique de faire un grand acte de justice, celui de faire payer la plus grande partie de nos désastres par ceux qui en ont le moins souffert !

M. C. Lavollée, ancien préfet, croit que l'opinion de la Société des Économistes n'est point douteuse sur l'effet des taxes douanières qui sont projetées. Ces taxes ne sont demandées que comme étant le moyen le plus facile de procurer immédiatement des recettes au Trésor. La question est donc, avant tout, financière. Il y aurait, dès lors, plus d'intérêt à examiner ce que l'on pourrait retirer des taxes directes, notamment de l'impôt sur le revenu, qui existe en Angleterre et dans d'autres pays. Les économistes et les financiers ne sont pas d'accord sur ce point, dont l'examen est opportun à la veille de la discussion qui doit s'engager à l'Assemblée nationale.

BIBLIOGRAPHIE

L'INDUSTRIE COTONNIÈRE AUX ETATS-UNIS, par M. ALFRED ENGEL; Mulhouse, 1870. Extrait des Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse.

De cette Alsace, à laquelle il semble que songeait Schiller, lorsque frappé du puissant organisme de l'unité française il s'écria : « On arra

cherait plutôt une étoile au firmament qu'un village à ce royaume dé France, »de cette terre, si française, il nous arrive un souvenir qué nous avons hâte d'enregistrer. C'est un des fils de M. Engel-Dollfus qui rapporte, de son récent voyage aux États-Unis, des observations dont l'industrie cotonnière, sur le continent, ne peut manquer de faire son profit. Il est, du reste, une remarque qui nous a frappé, au moment où l'on songe à forcer la note du tarif protecteur pour lui demander un appoint dont nos finances éprouvent malheureusement le besoin. Ce détail, particulièrement bon à rappeler, le voici :

On sait que si l'Union est entrée de plus en plus avant, depuis 1861, dans la voie d'un régime protecteur qui dut bientôt dégénérer en système prohibitif, le législateur était mû par cette idée que les finances du pays se trouveraient particulièrement bien d'un impôt levé sur les produits arrivant du dehors. Il fallait amortir promptement une dette que la guerre de la sécession avait beaucoup accrue; l'Amérique frappa, en conséquence, d'un droit qui varie de 40 à 70 0/0 la plupart des manufacturiers d'origine étrangère. Or, il se trouve, que si l'industrie cotonnière a gagné quelque chose dans ces contrées à la suppression un peu notable de la concurrence étrangère, ce qui était un des buts poursuivis par les auteurs de cette innovation, le Trésor a médiocrement bénéficié de ce démenti donné aux principes de la science économique. C'est ainsi notamment, remarque M. Alfred Engel, que l'importation de ce qu'on appelle en Amérique les Dry goods ne fut possible que pour les étoffes « de qualité supérieure » consommées, ainsi qu'il est d'usage, par une portion minime de la population. D'où cette conséquence que c'est surtout la classe moyenne, la classe pauvre qui perdirent à ce compte. Ce point acquiert en ce moment même une importance qui a besoin à peine d'être signalée.

Un autre fait ressort des explorations intelligentes et par plus d'un côté sérieuses auxquelles a dû se livrer l'auteur de cette intéressante étude. C'est le succès qu'ont obtenu aux États-Unis les diverses mesures prises contre l'ivrognerie. On sait à quel point ce vice infeste nos plus grands ateliers du Nord, à la différence de ce qui a lieu en Alsace. Il est vrai qu'ici le patronat ne se borne pas, comme ailleurs, à la moitié de sa tâche. S'il demande à l'ouvrier ce qu'on en peut raisonnablement attendre, tout ne se borne pas ici à un simple échange de services. C'est ainsi que le salaire n'est pas le dernier mot d'un pacte dans lequel il entre autant de sollicitude pour le travailleur que d'intérêt bien compris. On ne voit donc point à Mulhouse ou dans telle autre partie de l'Alsace, de pauvres malheureuses femmes disputer à l'ouvrier, au nom de sa famille, des lambeaux d'une paye qui prend généralement le chemin du cabaret. En Amérique, la réforme s'est même opérée d'une façon autrement radicale, ce qui tient à l'énergie, qui est le fond du caractère anglo-saxon et qui

fait qu'il apporte partout également une grande fermeté. Pour couper court à de tels désordres, on alla dans quelques Etats jusqu'à proscrire la vente en détail, dans les hôtels, de même que dans les établissements analogues, de toute boisson alcoolique ou fermentée. C'est ce qui se voit notamment dans le Massachussets, Etat qui est le siége principal de l'industrie cotonnière. Cette expérience, M. A. Engel la fera à ses dépens, un jour qu'à son repas il veut obtenir du vin ou de la bière. Il devra se contenter d'eau glacée.

Mais ce même pays où les mœurs publiques sont si justement inflexibles à l'endroit de certains vices, ce pays est aussi celui qui fait le plus de sacrifices depuis quatre-vingts ans en faveur du grand nombre. Là, les casernes sont remplacées par les écoles, et l'on préfère à l'école de tir, celle qui permet de faire connaissance avec les préceptes du Bonhomme Richard, les conseils de Jefferson, et les enseignements que donnent au travail les livres trop peu lus d'Adam Smith et de ce ministre homme de bien qui s'appelle Turgot.

L'étude de M. A. Engel abonde en détails peu connus sur le progrès, le développement de l'industrie cotonnière aux Etats-Unis, et sur la condition générale de la classe ouvrière. A tous ces titres, ce travail devrait fixer l'attention de la Société industrielle de Mulhouse dont l'Alsace a tiré, depuis quarante ans, de si grands profits. PAUL COQ,

CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

[ocr errors]

SOMMAIRE. Les élections complémentaires. Souscription immédiatè de l'emprunt de deux milliards. Rectification du budget de 1871. -Mesures financières proposées par MM. Thiers et Pouyer-Quertier. -Adoption d'urgence, par l'Assemblée nationale, des augmentations de droits de douane sur les sucres, cafés, vins, alcools, etc., et de droits nouveaux sur le pétrole et l'huile de schiste.-Autres décisions de cette Assemblée relatives au commerce et à la fabrication des armes de guerre, aux concessions de terres en Algérie aux habitants d'Alsace et Lorraine, aux échéances des effets de commerce, au cautionnement des journaux. Appréciation à la Société d'économie politique des mesures financières de MM. Thiers et Pouyer-Quertier, et discussion sur la fortune de la France et l'impôt sur le revenu. - La situation de la France grande erreur que cette nation doit éviter et réformes qu'elle doit opérer dans son organisation gouvernementale. Les premiers chiffres de la Banque de France, après le siége et la Commune. Effets de l'invasion sur les Allemands.

La série des désastres et des catastrophes paraît épuisée pour la France: l'Assemblée nationale et le Gouvernement se sont mis à

l'œuvre de la réparation et de la reconstitution. Les élections complémentaires du 2 juillet leur auront rendu, nous l'espérons, cette œuvre plus facile, car la plupart des nouveaux députés (plus d'une centaine) arrivent pour améliorer l'ordre de choses actuel dans le sens d'une république modérée et progressive, indirectement consolidée par l'honnête manifeste du comte de Chambord.

-Nous publiions dans le dernier numéro l'exposé des motifs d'un colossal emprunt cinq pour cent, devant être d'abord de deux milliards et demi, et qu'on a pu réduire à deux milliards.

Cette opération délicate, annoncée dans la séance du 12 juin, autorisée par la loi du 20 juin, et fixée au 27 suivant par arrêté du 23, publié le 26, s'est accomplie d'une manière brillante et flatteuse pour le crédit de la France.

Le taux d'émission a été fixé à 82 fr. 50, avec jouissance à compter du 1er juillet 1871 (1).

Déjà, dans la séance du 28 juin, M. le ministre des finances pouvait annoncer le succès de la souscription. L'on demandait 2 milliards de francs, et il en a été souscrit pour 2 milliards et demi à Paris, et pour plus d'un milliard dans les départements!

Le premier versement a exigé 325 millions environ; et il est à remarquer que les souscripteurs français ne semblent pas s'être procuré ces fonds par des ventes de valeurs, car les cours de la Bourse n'ont pas fléchi d'une manière sensible dans la semaine qui a précédé l'emprunt.

Ce succès à peine espéré a produit une grande sensation en Europe. Il prouve, en effet, que le crédit de la France persiste malgré les dilapidations, les désastres de la guerre, la voracité des Allemands et les folies des communards. C'est un magnifique résultat qui témoigne de la puissance de l'épargne dans ce pays, et de la confiance que sa situation morale et matérielle inspire aux souscripteurs français et étrangers, parmi lesquels se trouvent sans doute aussi des spéculateurs prussiens.

Une partie de l'honneur de cet heureux événement revient à la manière habile dont M. Thiers a su tourner les écueils parlementaires à Bordeaux et à Versailles, reconstituer la force publique, surmonter l'insurrection qui terrorisait Paris et mettait en péril la

(1) Il n'est pas sans intérêt de rappeler que les premiers emprunts de la Restauration se firent, en 1816 et 1817, au taux moyen de 58 fr. 16; que quelques années plus tard, en 1823, un emprunt put se faire à 89,55; et que le premier emprunt, après la révolution de Juillet, en 1831, fut négocié à 84.

France et l'Europe elle-même. Mais nous ne pouvons faire ni à lui, ni à M. le ministre des finances, le même compliment pour les autres mesures financières, qui nous reportent à cinquante ou soixante ans en arrière, et qui semblent faire croire que leurs promoteurs ignorent ou dédaignent les progrès de la science financière. appliquée par les Turgot, les Huskisson, les Robert Peel, les Cavour, les Gladstone, etc.

Nos lecteurs trouveront plus haut l'exposé des motifs du projet. de loi ayant pour objet : premièrement, de rectifier les voies et moyens de l'exercice de 1871 et de fixer le résultat probable de ce budget, revu par quatre ou cinq ministres des finances, à commencer par M. Magne, dont le rapport a été inséré dans notre numéro de janvier 1870; deuxièmement, d'établir des augmentations de recettes pour l'élévation des impôts anciens, soit par la création d'impôts nouveaux, afin de faire face aux charges de la guerre et aux déficits des budgets de 1870 et de 1871.

Parmi ces augmentations d'impôts se trouvent les droits de douane, les uns portant plus particulièrement sur les consommations alimentaires, les autres plus directement sur les matières premières et les produits de l'industrie. Comme ces derniers ont mis en émoi les diverses branches de travail qui auront à souffrir de cette perturbation et de cet accroissement de charges, et suscité de plus nombreuses et de plus pressantes réclamations, MM. Thiers et Pouyer-Quertier ont d'abord songé à faire voter les premiers. L'affaire a été enlevée dans la séance du 8 juillet, pendant un intermède de la discussion du projet de loi sur les attributions des Conseils généraux. M. le ministre des finances, au nom de l'intérêt du Trésor manquant chaque jour de toucher des millions par le fait de l'empressement des importateurs qui s'empressent d'arriver avant l'élévation des tarifs, a saisi, pour ainsi dire, l'Assemblée à l'improviste, lui a demandé un vote d'urgence qui a été accordé sans discussion. Ainsi se trouvent consacrées par la loi du 8 juillet 1871, que nous reproduisons plus haut, les augmentations des droits ou de nouveaux droits sur les sucres, mélasses et glucoses;-sur le café et la chicorée;-sur le thé, le cacao et le chocolat;-sur les épices (poivre, canelle, vanille, etc.); sur les vins, les liqueurs, les alcools et les eaux-de-vie; sur les tabacs et cigarettes; sur le pétrole enfin et l'huile de schiste, trop signalés par les Prussiens et les communards pour échapper davantage à maître Fisc.

Nous voudrions nous tromper, mais il est à craindre que ces élévations de droits arrêtent la consommation et ne produisent pas un accroissement réel de revenus (1).

(1) En annonçant dans notre dernière chronique les résultats que se

« PreviousContinue »