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Depuis le 27 décembre la somme en circulation ne s'était jamais abaissée au-dessous de 1,358,000,000 fr.

La guerre éclate, un emprunt de 700 millions est émis sur le marché, et dès le 31 août, après nos premiers revers, avant Sedan, la circulation à l'aide du cours forcé et de la suspension des remboursements s'est élevée à 1,750,000,000 fr.

L'encaisse malgré les mesures rigoureuses prises pour le protéger, s'est abaissé de 438 millions (de 1288 à 850).

Le portefeuille des effets escomptés au milieu de ce désarroi général des affaires et du trouble nouveau qu'y apporte la prorogation des échéances, s'élève de 590 à 1,380 millions, soit de 790 millions, sur lesquelles, au 25 décembre, il en restait 724 millions prorogés.

Les recours à la Banque n'ont pas seulement eu lieu sous forme d'escompte; en jetant les yeux sur le chapitre des avances sur valeurs, effets publics, chemins de fer, obligations du Crédit foncier, nous constatons que, du 1er juillet au milieu de septembre, elles se sont élevées de 94 à 145 millions.

Dans la détresse genérale, tout le monde se tournait vers la Banque avant que le Trésor, confiant dans les ressources de l'emprunt, lui ait encore fait aucun appel. On cherche dans la panique à se créer des ressources spéciales et disponibles; de là, cet empressement de toutes les maisons de commerce et de tous les banquiers à faire escompter sur papier. Le petit commerce, la bourgeoisic empruntent sur dépôt de valeurs, et la somme ainsi avancée s'élève à 51 millions; avec l'augmentation du portefeuille de 790 millions, cela représente en deux mois, au début de la guerre, une avance de 841,000,000 fr. faite par la Banque. Les comptes courants du Trésor s'en ressentent immédiatement, on s'est adressé à la Banque pour avoir une réserve disponible et on en laisse une partie dans ses caisses.

Les comptes courants du public augmentent de. 215 millions. Le compte courant du Trésor de 56 >>

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En présence d'une demande de 841 millions de francs faite au crédit de la Banque, 261 millions sont venus se réfugier dans les caisses de la Banque et ont été portés au chapitre des comptes courants, 215 millions au crédit du public, 56 millions au crédit du Trésor. On pourrait penser que les sommes fournies par l'escompte du papier de commerce et par les avances sur valeurs sont en partie la source de ces dépôts, l'examen des bilants prouve qu'il n'en est pas ainsi que pour une bien faible part.

3 SERIE, T. XXIV. 15 octobre 1871.

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Au moment où l'escompte des effets de commerce augmente de 790 millions de francs, la circulation augmente de 305 millions, et l'encaisse métallique diminue de 438 millions; en papier et en métal la Banque laisse sortir de ses caisses et met en circulation une somme totale de 743 millions. Comparé aux effets escomptés, l'écart n'est que de 47 millions; il y a donc eu d'immenses besoins à satisfaire qui ont réclamé impérieusement et des billets et des espèces. Sans l'augmentation considérable des dépôts et comples courants, venus d'une autre source, la circulation des billets eût été beaucoup plus considérable et la réserve métallique eût été encore plus entamée. Par suite de l'incertitude de l'avenir et de la panique qui régnait alors en France, une foule de capitaux dispo nibles vinrent chercher un refuge dans les caisses de la Banque, en attendant des temps meilleurs.

A partir de ce moment, on peut dire que la circulation du papier est déjà en excès. Les effets de commerce ne circulent plus; non remboursés à l'échéance, la loi y autorise, ils s'immobilisent dans le portefeuille de la Banque et le billet de banque qui les remplace dans la circulation apporte déjà une perturbation dans les prix et dans les changes étrangers. Au mois de juillet, la France, pour ses transactions commerciales, mobilières et immobilières, employait 4 milliards, au maximum, de monnaie, et 1 milliard et demi de circulation fiduciaire en billets de la Banque de France qui, à cette époque, se trouvaient représentés pour une somme égale en espèces métalliques, constituant un encaisse de 1 milliard 318 millions de francs. Il n'y avait donc, pour ainsi dire, pas de circulation fiduciaire. Depuis, et dès l'origine, car la situation s'est encore aggravée, du 1er juillet au 31 août, on a tiré de la réserve 438 millions de francs, malgré la suspension des payements, et simultanément, l'émission des billets augmente de 305 millions de francs.Aujourd'ui (septembre 1871) elle dépasse de 862 millions, la somme en circulation l'année précédente, avec un encaisse qui a fléchi de 648 millions de francs. Ces billets nouveaux représentent, non des transactions réelles devant venir à l'échéance dans un temps limité, comme les effets de commerce à quatre-vingt-dix jours, mais des engagements de l'État à long terme; ce n'est donc plus une circulation fiduciaire, puisqu'il n'y a pas de terme et que l'on puise toujours au réservoir principal. On a répandu dans les mains du public en France un quart de monnaie (espèces métalliques), et un quart de papier (billets de banque) en plus qu'en temps ordinaire, dans un moment où les grandes affaires s'arrêtaient; ces instruments de circulation sont devenus très-supérieurs aux besoins réels, très-abondants, trop abondants; de là le maintien de beaucoup

de hauts prix, une hausse même sur certains produits. Sans doute cela entretient un certain mouvement industriel à l'intérieur, et dans tous les pays où on a émis du papier, il en a été de même, mais de quel œil a-t-on vu cette situation, et quels en ont été les résultats sur les marchés étrangers, avant même qu'on s'occupât des énormes remises que devaient entraîner les payements de l'indemnité de guerre?

Nous possédons, sur toutes les places de commerce, un instrument d'une sensibilité extrême pour nous indiquer les variations de la valeur de la circulation fiduciaire, que cette circulation ait lieu en billets de banque ou en effets de commerce: ce sont les cours du change. Prenons pour exemple l'Angleterre: on sait que la livre sterling représente une valeur égale à 25 fr. 20 cent. en or, c'est ce qu'on appelle le pair du change, les variations de prix audessus ou au-dessous de ce cours ne peuvent avoir lieu que dans de très-étroites limites, 20 centimes au plus, tant qu'il y a une circulation métallique dans le pays, parce que l'importation ou l'exportation du métal rectifie de suite les écarts de prix qui dépassent la somme des frais de transport d'une place sur une autre. Observons donc les cours du change de Paris sur Londres avant, pendant et après la guerre.

Dans les premiers jours du mois de juillet 1870, les cours varient de 25 fr. 19 cent. à 25 fr. 23 cent.

La guerre est déclarée, et du 12 juillet au 10 août, ils baissent et oscillent de 25 fr. 10 à 25 fr. 15; on se liquide, et la livre sterling est très-offerte. Après nos premiers désastres, les cours se modifient; de 25 fr. 16 cent. le prix de la livre sterling s'élève à 25 fr. 45 cent.; elle est très-recherchée au moment de la suspension des payements de la Banque de France. Les demandes s'étaient un peu calmées à la fin d'août, quand la marche menaçante des Allemands sur Paris en porta le prix jusqu'à 25 fr. 75; pendant le siége, les communications sont interrompues, et nous ne possédons aucun cours officiels. Après le siége, on cote 25 fr. 50 cent. ; l'annonce et les préparatifs de versement à l'emprunt de 2 milliards font fléchir, les cours à 25 fr. 20 cent. par suite des remises des capitaux anglais sur Paris pour y prendre part.

La souscription terminée, les cours recommencent à se tendre; ils oscillent d'abord de 25 fr. 30 c. à 25 fr. 40 c., et enfin dans ces derniers temps ils ont atteint 26 fr., soit plus de 3 0/0 de perte sur le papier et sur le billet de banque. Qu'est devenue cette. prime du billet dont parlait M. Thiers dans son discours sur l'emprunt?

La prime de l'or a suivi les mêmes oscillations, quoique d'une

manière moins sensible. De 4 fr. pour 1000 fr., alors que précédemment le prix de l'or était au pair, elle s'éleva à 7 e 8 fr. pour 1000 fr., et aujourd'hui elle a atteint 14 à 16 fr. pour 1000 fr.; elle tend à se mettre au niveau de l'écart du change.

Ce qui a pu ne pas éveiller les craintes dans le principe, c'est que les premières avances de la Banque ont été faites pour répondre aux besoins du commerce, et pour payer les fournitures faites par son intermédiaire à l'Etat; puis la fermeture de Paris, en suspendant la rentrée des impôts directs et indirects, a obligé le Trésor et la ville de Paris à recourir au crédit du billet de banque en abritant ainsi leur crit sous le sien; mais on a oublié que le crédit de l'État et de la ville est très-variable, les cours auxquels on a souscrit les derniers emprunts en sont la preuve, tandis que le crédit de la Banque, c'est-à-dire son billet, doit toujours rester au pair, sous peine de porter une perturbation épouvantable dans toutes les transactions, parce que la hausse des prix qui ne tarde pas à se produire pour contre-balancer la dépréciation, ne peut s'effectuer au même moment sur tous les produits dans la même proportion; de là une grande incertitude dans les engagements du commerce intérieur et, à l'extérieur, dans nos rapports avec l'étranger, une situation qui, par suite des changes contraires, devient très défavorable, à moins de vendre à vil prix sur tous les marchés du monde des titres d'emprunt rapportant 7 à 8 0/0, comme on l'a fait aux États-Unis.

Il ne faut donc pas trop se laisser éblouir par le succès de ces souscriptions publiques, dans lesquelles, par un simple virement le plus souvent, et toujours pour les plus grosses sommes, on fait intervenir tous les fonds de caisse du commerce et des Banques. Le chapitre des comptes courants de la Banque de France a beau s'élever à 700 millions de francs, dépassant ainsi de 300 millions le chiffre déjà énorme des sommes qui attendent un emploi dans ses caisses, la plus grande partie de ces fonds ne sont pas disponibles, on les a détournés de leur service ordinaire pour réaliser en quelques jours l'écart et la prime que par le taux de la souscription on a dû établir entre les nouvelles et les anciennes obligations.

Le premier soin du Gouvernement, puisque les circonstances sont favorables, c'est de veiller à maintenir intact le crédit de la Banque, et pour arriver à ce but, il faut rembourser le plus tôt possible une partie des sommes qu'elle lui a avancées, décharger ainsi la circulation, et surtout ne pas lui demander des nouveaux secours, ce qui, avec une apparence de bon marché, coûterait à la nation beaucoup plus cher que les emprunts même les plus one

reux.

Nous terminerons en rappelant la situation des effets prorogés, dont la liquidation s'opère chaque jour.

Au 26 décembre 1870, la somme totale des effets prorogés s'élevait à 724 millions de francs, 528 millions pour Paris, 196 pour les succursales. Dès le 25 juillet 1871, tous ces derniers étaient remboursés, tandis qu'à Paris la somme de 528 millions était seulement réduite à 347. On voit combien la perturbation a été plus grande dans la capitale que dans les provinces. Le calme se rétablit heureusement chaque jour, et à la fin de septembre 1871, les effets prorogés à Paris ne s'élèvent plus qu'à 88 millions de francs. Comme dans les crises précédentes, la prudence avec laquelle se font les opérations d'escompte aura encore sauvegardé le portefeuille cette année; le danger est ailleurs, non pas pour la Banque, mais pour les affaires, il faut toujours y penser.

CLEMENT JUGlar.

REVUE DES PRINCIPALES

PUBLICATIONS ÉCONOMIQUES DE L'ÉTRANGER

SOMMAIRE.

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Journal of the statistical Society de Londres. Les difficultés de la tâche des économistes; l'économie politique et les sciences exactes. Diverses mentions. Production de la laine dans le monde entier. Les lois monétaires et leurs effets sur le pauperisme; curiosité économique. La préparation des bluebooks. L'ivrognerie selon les saisons et les jours de la semaine. Nombre des ouvrages publiés. Recensement des États-Unis. Taux de l'accroissement. The Economist. Le papiermonnaie et la dette publique. Pourquoi le prix des consolidés ne s'élève pas. Les strikes; nouveaux points de vue. - Journal de statistique suisse. Les Unions professionnelles; exposé et discussion. Le travail intellectuel et le travail manuel. Les membres des Unions sont-ils mieux payés? Suppression de l'offre et de la demande. Les droits de consommation dans les divers cantons. Conditions pour jouir des droits électoraux. Divers. Arbeitgeber. Le socialisme moderne et ses bases scientifiques. MM. C. Marx, Lassalle, Schaeffle. Un métier - Le Finanze. L'arriéré de l'impôt sur la richesse mobilière. L'impôt sur la mouture. L'instruction primaire en Italie. Programme des chambres de commerce. Les émissions illégales. A quand le traité postal avec les États-Unis?

nouveau.

L'interruption des communications causée par la guerre nous avait empêché de recevoir les derniers numéros du Journal of the

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