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La séance est levée à dix heures trois quarts.

La prochaine réunion de la Conférence est fixée au lundi 28 décembre 1891, à dix heures du matin.

Deuxième Séance.

(28 décembre 1891.)

Présidence de M. Jules Roche, Ministre du Commerce, de l'Industrie et des Colonies.

La séance est ouverte à dix heures un quart.

Sont présents:

Pour la France:

M. Jules Roche, Ministre du Commerce, de l'Industrie et des Colonies, et MM. Clavery, Pallain et Paul Dislère;

Pour les Royaumes-Unis:

M. Due, Ministre plénipotentiaire des Royaumes-Unis à Paris, et
MM. Frânckel et Christophersen.

Secrétaires: MM. Kleczkowski, Guerlet, le baron Falkenberg, le docteur
Lagerwall.

Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.

M. Due dit qu'avant de procéder à l'examen des articles des Traités qu'il s'agit de proroger provisoirement, il désirerait soumettre au Gouvernement français certaines questions préalables.

Le Gouvernement du Roi attacherait du prix à savoir si le Gouvernement de la République française serait disposé, en vue de la prorogation dont il s'agit, à conclure un arrangement séparé avec la Norvège.

M. Jules Roche estime que dans l'état actuel des choses et en présence des termes de la loi adoptée par le Parlement français, la question posée par M. le Ministre de Suède et de Norvège ne saurait être résolue affirmativement. Le mandat que le Gouvernement français tient du vote des Chambres l'autorise seulement à proroger provisoirement tout ou partie des Traités existants. Or, il serait impossible d'entrer dans la voie indiquée par M. Due sans faire de nouveaux Traités, c'est-à-dire sans outrepasser les droits que nous a conférés le Parlement.

M. Due prend acte des observations de M. le Ministre du Commerce; il en faut conclure que, d'après les vues du Gouvernement français, la prorogation des Traités ne saurait se faire autrement que par un seul et même arrangement.

puisqu'un arran

M. le Ministre de Suède et de Norvège demande gement séparé ne saurait être conclusi le Gouvernement français serait disposé à stipuler que la dénonciation par rapport à l'un des Royaumes-Unis n'empêcherait pas la continuation des Traités vis-à-vis de l'autre Royaume.

M. Jules Roche expose qu'à cette question il est obligé de faire la même réponse que précédemment, à savoir que pour ce qui est de la pro

rogation partielle, aucune modification ne saurait être introduite dans le texte des clauses à conserver.

Toutefois, il va sans dire que si les parties contractantes, après s'être entendues sur la question de prorogation, décident d'ouvrir des négociations en vue de préparer de nouveaux accords, les questions présentées par M. le Ministre de Suède et de Norvège pourront être reproduites et seront examinées avec toute l'attention qu'elles méritent.

M. Christophersen demande qu'il soit bien établi que les questions dont il s'agit pourront être discutées lors des prochaines négociations. M. le Ministre du Commerce répète qu'il ne saurait y avoir de doute à cet égard.

M. Kleczkowski, secrétaire, donne lecture des articles du Traité de commerce conclu le 30 décembre 1881 entre la France et les RoyaumesUnis de Suède et de Norvège qui arrive à échéance 1er février 1892. L'article 1er est maintenu.

Les articles 2 et 3, qui se réfèrent à des tarifs annexes, sont supprimés.

A propos de l'article 4, dont le Gouvernement français propose le maintien intégral, M. Due, d'accord avec MM. Christophersen et Franckel, insiste pour la suppression du paragraphe 1er ainsi conçu: Il ne pourra être établi à l'exportation des marchandises de France dans les RoyaumesUnis, et réciproquement, un régime moins favorable que celui actuellement en vigueur.<<

M. Due estime que cette disposition, ayant un caractère tarifaire, doit disparaître du Traité au même titre que les articles 2 et 3 qui viennent d'être supprimés.

M. Jules Roche fait observer que l'article 4 dans son paragraphe 1°r ne vise pas un tarif, mais un régime, qu'il porte sur des principes d'application et non sur des quotités de droits.

M. Christophersen insiste pour la suppression du paragraphe dont le maintien aurait pour effet de lier son Gouvernement dans le cas où celuici aurait l'intention d'établir de nouveaux droits de sortie. En France, il n'existe pas de droits de cette nature, mais il en existe en Norvège, notamment en ce qui concerne les bois. Or, la France reprenant sa liberté d'action à l'égard de ses tarifs, la Norvège désire également avoir les mains libres en pareille matière. Le maintien de l'article 4 n'affecterait pas les tarifs français, puisque ceux-ci ne mentionnent pas de droits de sortie, mais il porterait une atteinte aux tarifs norvégiens, qui s'inspirent d'un système différent.

M. Franckel s'associe, en ce qui concerne la Suède, aux observations de son collègue norvégien. Les tarifs suèdois n'établissent actuellement aucun droit à la sortie, mais, à diverses reprises, des propositions ont été présentées à la Diète en vue d'en établir, notamment sur les minerais de fer, produits qui ne s'exportent pas en France, mais en Allemagne et en Angleterre. Le maintien de l'article 4 lierait donc son Gouvernement en matière douanière, sans qu'il en résultât d'avantage appréciable pour le commerce français.

M. Jules Roche persiste à croire que le premier paragraphe de l'article 4 ne saurait être assimilé à une disposition tarifaire. Les stipulations contenues dans ce paragraphe constituent un ensemble, la définition d'un régime, et pas autre chose.

M. Pallain se demande quel intérêt le Gouvernement norvégien ou le Gouvernement suédois pourrait avoir, alors que les nouveaux tarifs français vont soumettre à des taxes plus élevées leurs articles d'exportation à destination de la France, à frapper ces articles de droits de sortie nouveaax dont l'effet serait de rendre plus difficile l'écoulement sur le marché français des produits suédois ou norvégiens.

M. Due fait observer que, pour donner satisfaction aux vues de son Gouvernement, il suffirait de modifier la rédaction in fine du paragraphe en discussion.

Mais M. Jules Roche rappelle que les modifications de texte ne peuvent être admises, étant données les conditions fixées par le Parlement pour la prorogation provisoire des traités existants.

M. Pallain, en insistant pour le maintien de l'article 4 dans son intégrité, ajoute qu'à tout prendre, une décision conforme aux vues du Gouvernement français ne saurait, quoi qu'il advienne, préoccuper beaucoup les Gouvernements suédois et norvégien, puisqu'il s'agit d'une prorogation à court terme, ayant un caractère provisoire et destinée à faciliter un arrangement définitif.

Il est convenu que la question de maintien de l'article 4 restera ouverte, les Plénipotentiaires suédois et norvégien se réservant d'en référer à leurs Gouvernements.

Les articles 5, 6 et 7 sont maintenus.

A propos de l'article 5, relatif aux drawbacks, M. le Ministre du Commerce donne lecture de l'article 10 du projet de loi établissant le nouveau tarif général des douanes français et relatif au remboursement partiel des droits payés ou supportés par les filés de coton.

A la suite d'un échange d'explications à ce sujet, il est reconnu, d'un commun accord, que les dispositions de cet article n'ont aucun rapport avec celles de l'article 5 du traité conclu avec les Royaumes-Unis et qu'elles ne rentrent pas, dès lors, dans la catégorie des cas prévus par ledit article. L'article 8, relatif au régime des eaux-de-vie et esprits de raisins en cercles, et l'article 9, relatif au régime du sucre raffiné, sont supprimés, en raison de leur caractère tarifaire.

L'article 10 est maintenu.

L'article 11, en vertu duquel les Hautes Parties contractantes se garantissent réciproquement le traitement de la nation la plus favorisée est maintenu, sous réserve de la part de M. Christophersen, qui déclare ne pouvoir donner son adhésion à cet article avant qu'il ait reçu les instructions ultérieures de son Gouvernement.

L'article 12 est maintenu à l'exception des deux derniers paragraphes, qui touchent à des questions de tarif et sont ainsi conçus:

>> Les bois communs importés de Belgique par la frontière de terre seront affranchis de la surtaxe établie par la loi du 7 mai 1881.

> Les surtaxes imposées par cette même loi seront réduites pour les cafés à 5 fr. par 100 kilogrammes, et, pour le cacao, à 10 francs par 100 kilogrammes, décimes compris <<.

M. Franckel fait observer que le Gouvernement suédois aurait préféré le maintien du premier des deux paragraphes; aussi demande-t-il tout au moins qu'il soit fait mention au Protocole que le Gouvernement du Roi sera admis à bénéficier du traitement de la nation la plus favorisée dans ce qui fait l'objet du paragraphe en question.

M. Paul Dislère fait remarquer que l'article 11 suffit pour donner au Gouvernement suédois toutes les garanties nécessaires dans cet ordre d'idées.

Les articles 13, 14, 15, 16 et 17 sont maintenus.

A propos de l'article 17, relatif au traitement des commis voyageurs, M. Due expose que le Gouvernement du Roi souhaiterait qu'une mention fût inscrite au Protocole afin d'indiquer que les dispositions de cet article ne portent pas préjudice au droit que conserve son Gouvernement de réglementer à l'intérieur la vente de certaines marchandises dans un intérêt d'ordre public. En fait, le Gouvernement du Roi se préoccuperait, surtout dans l'espèce, d'avoir toute liberté pour réglementer le commerce des boissons, en vue de combattre l'ivrognerie. M. Due propose en conséquence d'introduire au Protocole la réserve suivante:

>Il est entendu qu'en ce qui concerne le droit de recueillir des commandes, les commis voyageurs français seront soumis aux mêmes restrictions qui sont ou qui pourront être établies pour les nationaux.<

M. Pallain et M. Paul Dislère croient qu'il y aurait de sérieux inconvénients à inscrire au Protocole la mention demandée par M. le Ministre de Suède et de Norvège.

Les vins et eaux-de-vie constituant le principal élément d'exportation française dans les Royaumes-Unis, le Gouvernement français ne saurait s'associer à une proposition qui aurait pour effet, si elle était adoptée, d'atsénuer, qu'on le veuille ou non, la portée d'un article intéressant, au premier chef, le commerce de la France.

M. Paul Dislère estime qu'à tous les points de vue il y aurait un très grand avantage à ne modifier ni le texte ni l'interprétation.

M. Franckel expose qu'en effet il ne s'agit pas de réserver au Gouvernement du Roi de nouveaux droits, mais simplement de sanctionner expressément une interprétation de l'article 17 qui a toujours été suivie dans la pratique.

M. Clavery fait remarquer que, M. Due paraissant d'accord avec le Gouvernement français pour ne demander aucune modification du status quo, il semble que l'insertion au Protocole de la réserve proposée n'aurait point d'utilité pratique, alors surtout que l'application du régime actuel ne semble avoir donné lieu à aucune réclamation.

M. le Ministre du Commerce ajoute que l'insertion demandée par M. Due n'accroîterait en rien l'autorité dont dispose le Gouvernement des Royaumes-Unis pour prendre toutes les mesures de police qui peuvent servir à la répression de l'ivrognerie. Il ne saurait, du reste, exister deux

Nouv. Recueil Gén. 2e S. XVIII.

H

manières de voir quant à la sympathie que méritent de rencontrer, dans tous les Pays, des efforts dirigés vers un but aussi louable.

Mais la proposition de M. Due touche beaucoup moins à une question de principe qu'à une question de fait et d'interprétation. Pour éviter des malentendus qu'il est trop facile de prévoir dans la pratique, mieux vaut donc laisser les choses en l'état, et ne point introduire dans le Protocole des restrictions qui diminueraient l'efficacité de l'article destiné à fixer le régime applicable aux commis voyageurs français, suédois et norvégiens.

Conservé tel qu'il est, l'article 17 ne prive le Gouvernement des Royaumes-Unis d'aucun de ses moyens d'action en matière de police intérieure, et, d'un autre côté, les droits des négociants qui veulent exercer loyalement le commerce sur leur territoire restent efficacement sauvegardés.

L'article 18 est supprimé.

A sujet de l'article 19 ainsi conçu: »Les stipulations qui précèdent seront soumises à l'approbation des représentations nationales respectives>, dont la suppression est demandée par le Gouvernement français, M. Due dit qu'en ce qui regarde les Gouvernements de Suède et de Norvège il attache un grand prix à conserver, sous une forme ou sous une autre, un texte qui sauvegarde les droits des Parlements dans ces deux Pays.

il

Cette réserve est d'autant plus nécessaire que si, en Suède, les Chambres seront réunies avant la date d'expiration du traité à proroger, n'en est pas de même de la Norvège, où le Storthing ne sera pas convoqué avant le 2 février 1892.

M. Jules Roche aurait le plus vif désir de tenir compte de l'état de choses exposé par M. le Ministre de Suède et de Norvege; il comprend les égards que méritent les prérogatives parlementaires. Il n'en est pas moins certain, étant donnée la procédure adoptée en France relativement à la prorogation des traités, que l'article 19 n'a plus de raison d'être au regard du Gouvernement français. Or, M. Due n'ignore pas que les modifications de texte ne nous sont pas permises. Dans ces conditions, la suppression de l'article 19 s'impose.

M. Due, bien qu'il reconnaisse la justesse des observations de M. le Ministre du Commerce, insiste pour qu'une combinaison soit trouvée qui, tout en respectant dans son texte la loi votée par le Parlement français, puisse se concilier avec les égards dus aux Parlements des Royaumes-Unis, lesquels n'ont pas pu encore être consultés.

M. Jules Roche répond que cette question pourra être examinée quand il s'agira de fixer la rédaction de l'acte déstiné à constater l'accord des Gouvernements intéressés quant à la prorogation des traités.

L'article 20 et dernier, relatif aux ratifications échangées en 1882, est supprimé de plano.

L'article additionnel qui concerne la protection de la propriété littéraire, artistique et industrielle est maintenu.

La déclaration finale du traite du 30 décembre 1881, relatif à la réduction des droits de patente à acquitter par les commis voyageurs, est supprimée, l'engagement spécial contenu dans cet article ayant été réalisé.

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