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faire; mais MM. Armand Dalloz et Gand, p. 385 (1), combattent cette interprétation et nous opposent que les successeurs à titre particulier doivent toujours être écartés (à moins de stipulations spéciales dans leurs titres), parce que le vendeur ou testateur ne leur a transmis aucun droit sur l'immeuble dont il était exproprié au moment de la vente ou du legs. Évidemment celui-ci ne pouvait alors ni transmettre ni se réserver aucun droit sur l'immeuble exproprié, puisqu'il ne lui en restait aucun, sa dépossession ayant été complète aussi n'est-ce pas comme subrogé aux droits de l'ancien propriétaire, qui n'en avait plus, qu'aucune personne peut se présenter. Nul n'a de droit effectif que celui qu'il tient de l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841. D'après cet article, l'administration, qui était devenue propriétaire incommutable de l'immeuble, doit s'en dessaisir. En faveur de qui? En faveur de l'ancien propriétaire ou de son ayant droit, dit l'article. Il y a donc des circonstances où la remise n'est pas accordée à l'ancien propriétaire dès lors on peut réclamer cette remise sans subrogation expresse ni tacite aux droits de cet ancien propriétaire. La faculté de préemption concédée par l'art. 60 ne résulte pas d'un principe rigoureux; elle n'est basée que sur des considérations d'équité : c'est pourquoi le législateur n'a pas voulu concéder cette faculté à l'ancien propriétaire seulement, mais l'appliquer à celui que l'équité recommandait à sa bienveillance, soit à titre d'ancien propriétaire, soit comme étant devenu depuis l'expropriation le véritable intéressé à la remise de cet immeuble. On a voulu réunir ces parcelles aux héritages dont ils avaient été séparés, de manière que c'est généralement au propriétaire riverain que le droit de préemption doit être accordé, ainsi qu'on le voit dans l'art. 3 de la loi du 24 mai 1842 — (a).

1146. Lorsqu'il s'élève des difficultés entre les prétendants à la rétrocession, la contestation est de la compétence de l'auto

(4) Voir, dans le même sens, Dalloz, Rép., v Expropriation, no 744.

Additions.

(A) La faculté de préemption peut être exercée même contre le sous-acquéreur à qui l'expropriant a revendu l'immeuble par l'exproprié qui n'a pas encore reçu son indemnité. Ce dernier peut reprendre l'immeuble, sauf l'action en garantie que le sous-acquéreur peut intenter contre

l'expropriant, son vendeur.

A cette action, fondée sur l'art. 60, ne saurait être opposée comme constituant l'exception de chose jugée, une décision qui aurait été rendue dans une simple instance en revendication où le demandeur se bornait à méconnaître l'expropriation elle-même, sans conclure subsidiairement à l'exercice du droit de préemption. Cass. req., 12 juin 1865 (Gaz. trib., 14 juin 65).

rité judiciaire, et le ministre des finances doit surseoir à la rétrocession jusqu'à ce que, à la requête de la partie la plus diligente, la question de qualité ait été jugée (1).

Si un propriétaire de terrains expropriés pour un travail d'utilité publique saisit les tribunaux d'une demande en restitution de ceux de ces terrains qui n'ont pas reçu cette destination, ceux-ci ne peuvent ordonner la restitution demandée sans excéder leurs pouvoirs, dans le cas où, avant la demande, les terrains ont été aliénés par l'État. Ils doivent surseoir à prononcer sur la demande en restitution, jusqu'à ce qu'il ait été statué par l'autorité administrative sur le mérite de l'arrêté préfectoral qui a opéré cette aliénation (2).

Comme des difficultés de cette nature peuvent se présenter assez fréquemment, l'administration des domaines ne passe aucun contrat de rétrocession avant l'expiration du délai de trois mois accordé aux intéressés pour faire connaître leur intention d'acquérir. Toutefois, cette administration ne peut statuer sur les contestations qui, en pareil cas, s'élèveraient entre les réclamants; elle devrait les renvoyer à faire juger leur différend par les tribunaux. Il serait possible que ce fût l'administration des domaines elle-même qui contestât au réclamant le droit de jouir du privilége établi par les art. 60 et 61 de la loi, et, dans ce cas, la contestation devrait encore être portée devant les tribunaux.

Les employés des domaines doivent vérifier les titres et les droits des anciens propriétaires ou de ceux qui se présentent en leur nom, et s'assurer surtout qu'ils n'ont point encouru la déchéance du privilége que les art. 60 et 61 de la loi du 3 mai 1841 leur accordent (Instr. adm. enreg., 22 mai 1835).

1147. Le prix des terrains à rétrocéder est fixé à l'amiable s'il est possible; sinon, cette fixation est faite par le jury spécial de la manière indiquée au chap. IX (art. 60, § 2). Le législateur avait tellement le désir d'éviter toute lésion aux propriétaires atteints par l'expropriation, qu'il a déclaré que la fixation par le jury ne pourrait, en aucun cas, excéder la somme moyennant laquelle l'Etat était devenu propriétaire du terrain (Ibid.). Cette dernière disposition fut critiquée en 1833 à la Chambre des députés, et l'on demanda que l'Etat profitât de la plus-value

tion, no 745.

(4) Cons. d'Etat, 1er avril 1840 (Lebon, Rec., p. 97). Voir Dufour, de l'Expro- (2) Cass., 29 mars 1842 (S.42.4.355; priation, no 490; Dalloz, vo Expropria- | Dall.42.4.479).

que l'immeuble aurait acquise, comme il supporterait la moinsvalue, s'il y en avait une. M. Legrand, commissaire du roi, répondit : « Un de nos collègues a pensé que les terrains pouvaient obtenir une plus grande valeur entre les mains du Gouvernement. Mais les propriétés ne peuvent être restituées aux anciens possesseurs que dans le cas où les travaux d'utilité publique ne seraient pas exécutés; dès lors, je n'aperçois pas par quelle cause leur valeur pourrait s'accroître, et quelle plusvalue l'Etat serait en droit de réclamer. Si cette plus-value n'est que l'effet du temps ou de causes naturelles, le Gouvernement ne doit pas se l'approprier » (Mon., 9 fév. 1833, p. 329).

M. Martin (du Nord) ajouta : « L'article est fait pour le cas où l'entreprise est abandonnée, et où par conséquent l'expropriation pour cause d'utilité publique ne doit pas avoir son effet. N'est-il pas naturel que le propriétaire rentre dans sa propriété aux mêmes conditions pour lesquelles il a été forcé de l'abandonner, sans éprouver aucun dommage? Il n'y a pas de plusvalue au profit de l'État. Si la propriété était restée entre les mains du propriétaire, n'aurait-elle pas augmenté de valeur? La cause d'utilité publique, l'expropriation, est résolue, et le propriétaire rentre en possession de la chose, comme s'il n'en avait pas été dépossédé. Il est évident qu'il y aurait injustice à lui faire payer un prix supérieur à celui qu'il aurait reçu »> (Ibid.).

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L'administration doit, en conséquence, s'abstenir de faire des améliorations dans les terrains qui ne sont pas employés aux

travaux.

Lorsque la rétrocession s'applique à la totalité du terrain acquis, on connaît exactement la somme moyennant laquelle ce terrain a été acquis, et qui forme le maximum du prix de cession. Mais, lorsqu'il s'agit de restituer une partie seulement de ce terrain, la limite indiquée par l'art. 60 devient souvent sans effet, parce qu'il est presque toujours impossible d'établir avec certitude la part pour laquelle cette parcelle est entrée dans le prix d'acquisition. Répartir l'indemnité allouée par le jury proportionnellement à l'étendue du terrain exproprié serait quelquefois un mode erroné; dès lors le propriétaire ne peut imposer cette base à l'administration; et puisqu'on n'est pas d'accord sur le prix, on doit le faire fixer par un nouveau jury, qui n'aura, pour le règlement de ce prix, d'autre limite que le total de l'indemnité primitive.

[Comme il s'agit toujours en définitive d'apprécier un résultat

de l'expropriation, le conseil de préfecture serait incompétent pour fixer le prix de rétrocession malgré le consentement du propriétaire et de l'administration à l'investir de cette mission (1).]

1148. Dans le mois de la fixation du prix, soit amiable, soit judiciaire, dit l'art. 61 de la loi, les réclamants doivent passer le contrat de rachat et payer le prix, à peine de déchéance du privilége que la loi leur accorde. Par cette expression: la fixation judiciaire du prix, l'on a nécessairement voulu parler de la fixation du prix par le jury spécial: car, sans cela, l'art. 61 serait en contradiction avec l'art. 60, § 2.

1149. Le contrat de rétrocession est passé devant le préfet du département ou devant le sous-préfet, sur délégation du préfet, en présence et avec le concours d'un préposé de l'administration des domaines et d'un agent du ministère pour le compte duquel l'acquisition des terrains avait été faite. Le prix de la rétrocession est versé dans les caisses du domaine (Ord. 22 mars 1835, art. 1er). Cet acte doit être visé pour timbre et enregistré gratis, car l'art. 58 de la loi du 3 mai 1841 établit cette disposition pour tous les contrats faits en vertu de cette loi (no 993). Pour la forme du contrat, voir ce que nous avons dit n° 670 et suivants.

1150. Le droit de préemption sur les terrains non employés aux travaux s'applique à toute espèce d'acquisition pour utilité publique. L'art. 60 de la loi du 7 juillet 1833 parlait de la somme moyennant laquelle l'État était devenu propriétaire des terrains. Cette locution laissait quelque doute sur le point de savoir si le droit de préemption pouvait être exercé par les anciens propriétaires des terrains acquis ou expropriés sur la poursuite des départements, des communes et des concessionnaires. A la Chambre des députés, tout le monde se prononça pour l'appli cation du droit de préemption à ces divers cas, et M. Vivien, afin de lever toute incertitude, proposa de supprimer la mention de l'État, en disant : La somme moyennant laquelle les terrains ont été acquis; ce qui fut unanimement admis (Mon., 5 mars 1841, p. 541). L'art. 63 déclare formellement que les concessionnaires de travaux publics sont soumis à toutes les obligations qui sont imposées à l'administration par les lois des 7 juillet 1833 et 3

(4) Cons. d'Etat, 25 janv. 1855 (Lebon, 1855, p. 68). Voir Dalloz, vo Expropriation, n° 747.

mai 1841; par conséquent, ils ne peuvent se soustraire à l'exercice du droit de préemption. Le § 3 de l'art. 66 de la loi du 7 juill. 1833 et de la loi du 3 mai 1841, déclare que le titre VI de ces lois s'applique aux acquisitions faites pour travaux urgents de fortifications, et l'art. 60, relatif au droit de préemption, se trouve dans ce titre.

1151. La loi du 7 juillet 1833 est la première qui ait reconnu aux propriétaires un droit de préemption sur les terrains non employés aux travaux. Dès lors l'administration n'était pas obligée d'accorder le même droit aux anciens propriétaires des terrains acquis sous l'empire de la loi du 8 mars 1818; mais les considérations d'équité qui ont fait concéder le droit de préemption s'appliquaient également aux terrains acquis sous l'empire de cette loi. En conséquence, l'art. 1er de l'ordonnance du 22 mars 1835 ne se borne pas à employer le conditionnel présent, ne recevraient pas, mais emploie, en outre, le conditionnel passé : n'auraient pas reçu, ce qui annonce assez que ces dispositions s'appliquent, non-seulement aux terrains acquis depuis 1833, mais encore à ceux acquis antérieurement, lorsque les uns comme les autres n'ont pas été employés aux travaux pour lesquels ils avaient été achetés (1).

Quand il s'agit de terrains acquis antérieurement à 1833, doit-on admettre que le prix de cession ne peut, en aucun cas, excéder celui pour lequel l'immeuble a été acquis? L'administration, qui est restée en possession de ces terrains pendant nombre d'années, et qui, d'après la législation antérieure à 1833, ne croyait pas devoir jamais les rétrocéder aux anciens propriétaires, a pu légitimement y faire des améliorations qui en ont augmenté la valeur; il ne serait pas juste qu'elle fût privée des bénéfices de ses travaux. Ce serait donner à la loi un effet rétroactif.

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Du droit de préemption sur les terrains qui cessent de faire partie du domaine public.

Ce droit a été consacré par le législateur.
Modifications dans le tracé des routes.

Route impériale devenant voie départementale ou communale.

(4) Contrà, Cons. d'Etat, 29 janv. 1863 (Lebon, Rec., 1863, p. 83).

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