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du droit des femmes, mineurs et interdits, sur le montant de l'indemnité, tant qu'elle n'a pas été payée ou que l'ordre n'a pas été réglé définitivement entre les créanciers. Les créan

ciers inscrits n'auront, dans aucun cas, la faculté de surenchérir; mais ils pourront exiger que l'indemnité soit fixée conformément au titre IV (Application de l'art. 17). L'art. 21 ajoute que les tiers intéressés au nombre desquels il faut comprendre les créanciers inscrits seront tenus de se faire connaître à l'administration dans un délai de huitaine à compter des notifications, à défaut de quoi ils sont déchus de tout droit à l'indemnité. Les actions en résolution, en revendication, et toutes autres actions réelles, ne pourront arrêter la cession ni en empêcher l'effet. Le droit des réclamants sera transporté sur le prix, et l'immeuble en demeurera affranchi » (Application de l'art. 18).

Le § 2 de l'art. 19 ajoute : « Cependant l'administration peut, « sauf les droits des tiers, et sans accomplir les formalités ci« dessus tracées, payer le prix des acquisitions dont la valeur " ne s'élèverait pas au-dessus de 500 fr. »

Tel est le système substitué à celui du Code Napoléon.

726. Il fallait d'abord déterminer à quelle époque les traités amiables devraient intervenir pour que le nouveau système pût leur être appliqué. Le premier projet de la loi du 3 mai 1841 portait que les dispositions des art. 16, 17 et 18, s'appliqueraient aux contrats amiables, à quelque époque que ces contrats aient été passés. Cette proposition donna lieu à une longue discussion dans la Chambre des pairs, qui finit par adopter l'amendement de sa commission, qui proposait de n'appliquer ces dispositions. qu'aux contrats passés postérieurement au dépôt des plans prescrit par l'art. 5 (Monit., 8 mai 1840, p. 956 et 957). A la Chambre des députés, M. Legrand, commissaire du roi, demanda la suppression du membre de phrase que nous venons d'indiquer. «La mesure n'a aucun inconvénient, a-t-il dit, pour les grands travaux, pour les canaux et les chemins de fer; mais pour les routes royales et départementales, ainsi que pour les chemins de grande communication qui sont compris dans la loi, l'obligation de lever et de déposer des plans parcellaires imposerait à l'administration une perte inutile de temps et d'argent. Voici comment on procède pour les routes: presque toujours, lorsque le tracé est approuvé, on le jalonne sur le terrain; on marque à droite et à gauche la limite de la route. Un appréciateur se rend ensuite sur la ligne des travaux et traite avec les propriétaires. -Si vous exigez la levée et le dépôt des plans parcellaires, il

faudra que toutes les formalités du titre II soient remplies. Qu'est-ce, en effet, qu'un dépôt qui ne serait point annoncé par la voie des affiches, et qui ne durerait pas pendant un temps déterminé? Sans ces conditions, le dépôt serait illusoire; cependant l'amendement ne règle rien à ce sujet. On déposera les plans ce soir, par exemple, et demain matin l'on pourra traiter amiablement. Pourquoi le dépôt ? N'est-il pas inutile dans ce cas? Et a-t-il d'autre résultat que d'avoir obligé l'administration à la dépense inutile de la levée des plans » (Monit., 3 mars 1841, p. 520)? La suppression de la phrase critiquée fut alors adoptée sans autre discussion (Ib.).

Lorsque le projet fut reporté à la Chambre des pairs, la commission demanda qu'il fût au moins énoncé que les dispositions rappelées ne s'appliqueraient qu'aux contrats passés postérieurement à l'accomplissement des formalités prescrites par le titre Ier (Monit., 20 avril 1841, p. 1042). Mais M. Teste, ministre des travaux publics, déclara que l'article ne pouvait être entendu autrement, et qu'il était inutile de faire un amendement pour expliquer plus nettement ce qui était sous-entendu. M. Legrand, commissaire du roi, confirma cette interprétation, et la commission déclara que, sous le bénéfice de ces explications, elle renonçait à son amendement (Mon., 24 avril 1841, p. 1100). Déjà, dans la première discussion, le Gouvernement avait lui-même proposé l'amendement que la commission avait reproduit ultérieurement (Monit., 8 mai 1840, p. 957).

Il résulte de cette discussion que, si l'administration traite à l'amiable après la déclaration d'utilité publique, mais avant le dépôt des plans parcellaires, la purge des hypothèques aura lieu conformément à l'art. 19 de la loi du 3 mai 1841.

727. De la combinaison de cet art. 19 avec les art. 15, 16 et 17, de la même loi, il résulte qu'en cas de traité amiable, pour parvenir à la purge des priviléges et hypothèques de toute nature, l'administration doit d'abord faire publier et afficher, dans la commune de la situation des biens, un extrait de ce traité. La loi ne dit pas ce que doit contenir cet extrait; mais il est clair que l'on doit y mentionner tout ce que les tiers et notamment les créanciers privilégiés ou hypothécaires, ont intérêt à connaître. En cas d'expropriation, on publie d'abord un extrait du jugement contenant les noms des propriétaires, les motifs et le dispositif de ce jugement (art. 15); puis on publie les offres qui sont le complément du jugement (art. 23, § 2). Pour le traité amiable, l'extrait doit indiquer les noms des vendeurs, la nature

et la situation de l'immeuble vendu, le prix et les charges faisant partie du prix (Voir l'art. 2183, C. Nap.). Cette publication atteint à elle seule le but des deux publications prescrites par les art. 15 et 23 pour le cas d'expropriation, parce que l'extrait du contrat peut réunir les énonciations qui, dans l'autre cas, ne peuvent être indiquées que successivement. Le contrat énonçant les sommes acceptées par les indemnitaires, ce sont celles-là qu'il importe aux tiers de connaître, et non les sommes offertes (Form., n° LXIV).

<< Le contrat amiable, a dit M. le comte Daru dans son second rapport, doit être publié et affiché dans la même forme que le jugement d'expropriation. Ces publications et affiches ont lieu dans l'intérêt des tiers. Il faut bien que les ayants droit connaissent les prix stipulés, pour pouvoir, au besoin, y former opposition, et réclamer le règlement de l'indemnité par le jury. La loi de 1833 n'imposait pas cette obligation; mais la nécessité, plus impérieuse que la loi, y a conduit, et, dans le nouveau projet, on a voulu donner à cette opération, consacrée par la pratique, le caractère légal et obligatoire qui lui manquait» (Monit., 20 avril 1841, p. 1042).

Cet extrait doit être publié et affiché de la manière indiquée en l'art. 6 de la loi, c'est-à-dire publié à son de trompe ou de caisse, et affiché tant à la principale porte de l'église qu'à celle de la maison commune. Ce même extrait est inséré dans l'un des journaux publiés dans l'arrondissement, ou, s'il n'en existe aucun, dans l'un de ceux du département. Rien ne s'oppose à ce que l'on réunisse les extraits de plusieurs contrats dans une seule publication, insertion ou affiche. L'accomplissement de ces diverses formalités est constaté de la manière indiquée n° 106.

728. [Après l'accomplissement de ces formalités, le traité est transcrit immédiatement au bureau de la conservation des hypothèques de l'arrondissement dans lequel les biens sont situés, conformément à l'art. 2181, C. Nap. (art. 16 de la loi du 3 mai 1841).

L'art. 58 de la même loi dit positivement, dans son § 2: « Il « ne sera perçu aucuns droits pour la transcription des actes au « bureau des hypothèques. »>

Cependant la Cour de cassation a fait une distinction par arrêt du 25 février 1846, ainsi conçu :

« Sur le 1er moyen :-Attendu que la transcription d'un acte de mutation au bureau des hypothèques donne ouverture à deux perceptions bien distinctes: la première en faveur du Trésor

public; la seconde au profit du conservateur des hypothèques ; Attendu que cette distinction, établie par la loi du 21 ventôse an vii et le décret du 21 septembre 1810, n'a point été méconnue par la loi du 3 mai 1841, et que cette loi, en disposant, par son art. 58, § 2, qu'il ne serait perçu aucun droit pour la transcription des actes, n'a exonéré les compagnies concessionnaires de travaux publics que des droits du Trésor, de l'impôt proprement dit, mais non point du salaire du conservateur, de son traitement, de la rémunération attribuée par des tarifs légaux dans la proportion de son travail et de sa responsabilité. Attendu que le salaire des conservateurs des hypothèques a déjà été réduit de moitié, au profit du Trésor, par l'ordonnance royale du 1er mai 1816, et que, pour leur imposer le sacrifice de l'autre moitié en faveur des compagnies concessionnaires de travaux publics, il aurait fallu une disposition tout aussi formelle; mais que cette disposition ne se trouve pas dans la loi du 3 mai 1841, qui n'a point dérogé aux lois fiscales, en ce qui touche le salaire des conservateurs; d'où il suit que le jugement attaqué, en décidant que le salaire des conservateurs devait être perçu dans l'espèce, n'a violé ni l'art. 58 de la loi du 3 mai 1841, ni aucune autre disposition législative;-Rejette.

Sur le 2e moyen: Vu l'ordonnance royale du 1er mai 1816 :— Attendu que, d'après la distinction rappelée sur le premier moyen entre le droit du Trésor et le salaire des conservateurs, la compagnie demanderesse était fondée à réclamer la restitution de la partie de ce salaire, perçue au profit du Trésor public, conformément à l'ordonnance ci-dessus visée; - Attendu que le jugement attaqué, méconnaissant cette distinction posée par luimême, a débouté la compagnie de son entière demande en restitution, alors qu'il aurait dû l'accueillir pour la moitié, et qu'en ne le faisant point, ledit jugement a fait une fausse application de l'art. 58, § 2, de la loi du 3 mai 1841, et a violé l'ordonnance royale du 1er mai 1816, et que, sous ce rapport et par ce second moyen, ledit jugement doit être cassé; Cass. » (Sirey, 1846. 1.238.) (Voir ci-après au chap. de la dispense des droits d'enregistrement.)]

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729. C'est dans la quinzaine de la transcription que les priviléges et les hypothèques conventionnelles, judiciaires ou légales, doivent être inscrites; sinon l'immeuble en est affranchi (art. 17). Cette disposition contient une dérogation complète aux règles établies par le Code Napoléon pour la purge des hypothèques légales; mais les formalités qui ont précédé la transcription sont

plus efficaces que celles indiquées par les art. 2193 et suiv., C. Nap., pour faire parvenir le traité à la connaissance des personnes qui ont des hypothèques légales à faire inscrire. On réduit le délai ordinairement accordé pour prendre inscription, mais on augmente les moyens de publicité. La loi du 7 juillet 1833 attribuait le même effet à la transcription du contrat, sans exiger qu'elle fût précédée des publications, affiches et insertions; mais l'administration avait reconnu l'utilité de ces formalités, et la nouvelle rédaction de l'art. 16 rend désormais cette marche obligatoire.

[Ce délai de quinze jours après la transcription accordé aux créanciers pour l'inscription des priviléges et des hypothèques, n'était que l'application, à la loi spéciale, du droit commun, c'est-à-dire de l'art. 834 du Code de procédure civile. La question soulevée (1, p. 238) relativement au point de savoir si la nouvelle loi sur la transcription du 23 mars 1855, en supprimant ce délai, par l'abrogation de cet art. 834, l'avait en même temps supprimé dans la loi du 3 mai 1841, est tranchée aujourd'hui par les documents législatifs, par la doctrine et par une

circulaire ministérielle.

Un mémoire, lu devant l'Académie de législation de Toulouse (1), par M. Bressolles, professeur à la Faculté de droit de Toulouse, et intitulé: « Exposé des règles de droit civil, résultant de la loi du 23 mars 1855 sur la transcription en matière hypothécaire, » constate que MM. les commissaires du Gouvernement devant la commission du Sénat, et le rapport au Sénat (2), ont reconnu « qu'il n'est pas dérogé à la loi du 3 mai 1841 «sur l'expropriation pour cause d'utilité publique (3). La spé«cialité de cette matière, ajoute M. Bressolles (4), met les dispositions des art. 17 et suivants de la loi du 3 mai 1841, relatifs à cette matière, hors de toute abrogation par la loi géné«ral du 23 mars 1855 : l'observation de M. le rapporteur du « Sénat et de MM. les commissaires du Gouvernement est par"faitement exacte.

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M. le premier président Troplong a dit, dans son commentaire sur la même loi (no 374, p. 312 et 313): « Nous avons déjà « établi précédemment, à propos des actes sujets à la transcrip

(4) A la séance publique du 29 juill. 4855 (Inauguration de la fete de Cujas). (2) Rapport au Sénat, p. 44 et 18.

(3) Recueil de l'Académie de législation de Toulouse, 1855, p. 349.

(4) Même recueil, p. 380.

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