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MÉMOIRES

SUR LA

RESTAURATION,

OU

SOUVENIRS HISTORIQUES

sur cette Époque, la Révolution de 1830, et les premières années
du règne de Louis-Philippe,

Par Madame la duchesse

D'ABRANTES.

TOME PREMIER.

PARIS.

IMPRIMÉ PAR LES PRESSES MÉCANIQUES DE BOULÉ ET C,

RUE COQ-HERON, 5.

1838.

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INTRODUCTION..

Lorsque je me décidai à écrire mes souvenirs sur l'époque de la Restauration, je vis d'abord que j'entreprenais une tâche non seulement difficile, mais d'une difficulté épineuse; ébranlée par les continuelles tempêtes que le vent des partis contraires soulève depuis 1790, la France, encore malade des violences qu'elle exerça pendant tout ce temps sur elle-même, souffre impatiemment la louange comme le blâme; car, n'importe les paroles proférées, elles blessent ou elles irritent, selon qu'elles caressent ou corrigent. Quelque effrayante néanmoins que puisse être cette lutte, je ne reculerai pas devant elle. Je dirai en toute vérité ce que

A

j'ai vu, ce que ma vie elle-même, sans rien demander à d'autres yeux, a dû me faire connaître, ce qu'enfin j'ai appris par mes relations intimes et par celles plus étendues, mais peut-être moins importantes, du monde. La certitude de ne dire que ce qui est, et surtout de ne parler que selon ma conscience lorsque je porte un jugement, devrait me rassurer; et pourtant, je le répète, je ne m'abuse pas sur la difficulté de cette mission. Il est des hommes dont l'ame doit être émue devant des pages dont le seul mérite sera d'être vraies, et de leur offrir comme dans une glace la réflexion de toute une vie dont leur pays peut et doit leur demander un compte sévère. Ces hommes ont été de tous les partis, de tous les pouvoirs. Parmi eux, il en est qui n'ont commis que des fautes, mais il en est aussi qui n'ont pas reculé devant des crimes quand ces crimes se sont présentés; qui même les ont provoqués. Ces hommes-là doivent être naturellement et doublement ennemis de mon livre, parce qu'ils sont en hostilité avec ceux que j'aime, et dont je regarde le talent comme le seul pilote qu'il eût fallu mettre au gouvernail de notre vaisseau en dérive. Quoi qu'il· en soit, je parlerai, et avec une égale franchise, de mes affections et de mes antipathies politiques, les unes et les autres n'influeront jamais sur mes jugemens. Quant à mes affections, il en est qu'on ne peut me reprocher non seulement d'avoir, mais de manifester; notre ame renferme quelquefois des sentimens qui, par leur nature élevée, ne doivent jamais être blâmés par un parti contraire; et soimême on n'est repréhensible que de n'avoir pas assez de fermeté pour les proclamer et les défendre. Mais si la re

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