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Le comté de Tonnerre fut le berceau de plusieurs de ces associations. Ceux qui le gouvernèrent, avant comme après 945, dévoués à la religion chrétienne, en furent les protecteurs; ce comté, situé sur les marches de la Bourgogne, fut exposé à changer de maître durant les guerres que se firent les enfants de Clovis.

En 574, Mondéric, petit fils du sénateur Ansberg, chef des Carlovingiens, fut choisi avec l'agrément de Gontran, roi de Bourgogne, pour succéder à Tétric, dix-septième évêque de Langres; il fut convenu qu'il gouvernerait le château de Tonnerre, avec le titre de Chorévéque. Sigebert, roi d'Austrasie, dont il était né le sujet, marchait contre Gontran; Mondéric alla à sa rencontre et lui procura des armes et des rafraîchissements pour ses troupes; Gontran le fit enlever et garder dans une tour sur les bords du Rhône, considérant son action comme la trahison d'un sujet.

Les Pagi ou cantons du diocèse de Langres, qui étaient entrés dans le partage du roi de Bourgogne, étaient Tonnerre, Châtillon-surSeine, Attouar et Bar-sur-Seine.

La géographie ecclésiastique est celle dont les divisions ont le moins varié.

Le diocèse de Langres était divisé en six archidiaconés; celui de Tonnerre se composait des doyennés de Tonnerre, Molesmes, MoûtierSaint-Jean et Saint-Vinnemer. Mondéric délivré à la prière de l'évêque de Lyon fut nommé évêque d'Aurillac par Sigebert.

En 613, Tonnerre passa avec le royaume de Bourgogne, sous l'autorité de Clotaire II. On ne connaît jusqu'en 877 qu'un petit nombre de gouverneurs du comté. La plupart de ceux dont les noms sont parvenus jusqu'à nous ont occupé le siège de Sens. Ils paraissent avoir gouverné le comté de Tonnerre à titre héréditaire. Le plus ancien est Bellon, cité comme père de Saint-Leu, archevêque de Sens, appelé aussi SaintLoup. C'est lui qui fit bâtir une chapelle sur le tombeau de Micomer; cette chapelle a porté le nom de Saint-Loup dans les derniers siècles. On la trouve dans plusieurs bulles sous celui de Micomer, et dans la donation de la cure de Saint-Agnan à Robert, abbé de Molesmes. Il y avait dans le château de Tonnerre, une église sous le nom de SaintAgnan, desservie par un prieur et des moines, et dans le Tonnerrois, trois associations religieuses, celle de Réomé ou Moutier-Saint-Jean, Saint-Michel de Tonnerre, et Molôme. Les religieux qui suivaient la vie commune, vivaient d'aumônes et de leur travail, les biens qu'ils possédaient étaient encore peu considérables.

Bellon vivait en 616, on ne croit pas que Guéry ait été son successeur immédiat. Ce seigneur abandonna le château de Tonnerre pour se faire

religieux à Saint-Pierre-le-Vif; il était devenu archevêque de Sens avant 696; il y mourut en 708.

Ebbon, son neveu, lui avait succédé dans le gouvernement du Tonnerrois; comme lui, il quitta ce château, ennuyé (dit l'auteur de sa vie) des délices de sa cour, pour prendre l'habit religieux à Saint-Pierre-le-Vif. Il succéda à l'abbé Egelin, qui était à la tête de ce monastère, et à son oncle sur le siège de Sens qu'il occupait en 722.

Le Tonnerrois avait été ravagé en 713, par Savaric évêque d'Auxerre, qui s'était emparé à main armée de l'Orléanais et du Nivernais; il périt en 715 par la foudre, comme il marchait sur Lyon.

En 731, Ebbon prit aussi les armes, mais pour défendre Sens contre les Barbares. Ce prélat sortit de la ville à la tête des habitants, et la délivra par sa valeur. Depuis, il se retira à Arces, ne venant à Sens que pour prêcher l'évangile. Honobert et Honulfe, ses parents, lui succédèrent. Honulfe était père d'Honobert; il occupa le siège après son fils, qui lui avait donné l'habit religieux. Honulfe mourut en 761; on ignore si ces deux archevêques gouvernèrent le château de Tonnerre. L'archevêché de Sens fut plus d'un siècle dans la première maison de Tonnerre. De Saint-Leu jusqu'à Honulfe, ily eut cinq archevêques de cette famille, tous canonisés.

A cette époque, Pepin, dans un voyage en Bourgogne, y supprima les titres de patrice et de duc, et créa, ou confirma ceux de comte. Depuis Guéry et ceux qui furent archevêques de Sens, on ne connaît plus de comte que Raoul en 820, Gérard en 845, homme puissant dans le diocèse de Langres; il y possédait plusieurs abbayes. En 871, Eudes gouvernait le comté de Tonnerre; il était abbé de Saint-Loup, de SainteGeneviève de Paris et maire du palais.

Les grands duroyaume se faisaient donner les bénéfices ecclésiastiques et les abbayes, ou s'en emparaient. Il y avait dans les affaires de l'église une confusion qui augmenta sur la fin des Carlovingiens.

Charles-le-Chauve étant à Auxerre, donna à l'abbaye de Tours le petit monastère de Chablis dans le Tonnerrois. Les chanoines vinrent en 888, s'y mettre à l'abri de la fureur des Normands, ils y fondèrent une collégiale.

En 877, ce même roi donna le duché de Bourgogne à Richard, comte d'Autun, surnommé le Justicier. Ce duché comprenait les comtés de Bar-sur-Seine, Bar-sur-Aube et Tonnerre; c'est ce qu'on appelait les comtés adjacents. Les Normands s'étaient jetés sur la Bourgogne; ils avaient ravagé le Tonnerrois et ruiné les abbayes de Molôme et de Tonnerre; Richard les arrêta près d'Argenteuil et les mit en fuite; il les avait déjà battus près de Chartres en 905.

Raoul, l'aîné des fils de Richard, fut élu roi de France; étant à Auxerre, il vint à Dyé dans le Tonnerrois, où il tua de sa main un seigneur qui avait usurpé les biens du monastère de Fleury-sur-Loire. Ces princes montrèrent beaucoup de zèle pour la religion chrétienne et pour les biens de l'église que les laïcs mettaient souvent sous leur main.

Le fils de Raoul, sa femme et son frère Boson le précédèrent au tombeau. Hugues-le-Noir, son second frère, disputa à Gislebert, son beaufrère, déjà duc de Lorraine, le duché de Bourgogne, dont ce dernier avait joui paisiblement, depuis la mort de Richard son beau père. Hugues-le-Blanc, depuis surnommé le Grand, se mêla de la querelle; ils forcèrent Gislebert à partager la Bourgogne. Hugues-le-Blanc eut pour sa part les comtés d'Auxerre, Bar-sur-Seine, Bar-sur-Aube et Tonnerre; en 943, Hugues-le-Blanc ayant été fait duc de France, les quatre comtés furent réunis à ce duché.

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Depuis cette réunion, le comté de Tonnerre à été regardé comme distrait du duché de Bourgogne, mis spécialement sous l'autorité et justice des rois de France, par l'avénement de Hugues Capet, fils de Hugues-le-Grand, sans pour cela cesser de relever des évêques, comtes de Langres.

Hugues-le-Grand, duc de France, voulant récompenser les services que lui avait rendus Miles, lui donna, en 954, à titre héréditaire, le comté de Tonnerre.

Miles s'occupa des établissements religieux; l'église de Saint-Michel, située au midi de la ville, avait été visitée et dotée, à la fin du neuvième siècle, par Thibault évêque de Langres. Le motif des dons de ce prélat est que ses parents et plusieurs nobles ont été enterrés dans ce monastère. Depuis, les Normands en avaient chassé les moines, et Héric, autre évêque de Langres, avait donné à titre de bénéfice au chevalier Acton, à sa femme et à son fils, Saint-Michel, à charge d'y faire célébrer le service divin. La famille Acton en avait joui 41 ans. Miles se concerta avec Vidric, un des successeurs d'Héric; il fit rebâtir le monastère de Saint-Michel, souvent appelé église de Tonnerre, malgré qu'il y eût dans la ville du château, l'église de Saint-Agnan. L'évêque établit à SaintMichel la règle de Saint-Benoist. En 980, il y fit venir de Sainte-Bénigne de Dijon, des religieux, et à leur tête Dodon, qui en fut le premier abbé. Vidric établit la même réforme dans le monastère de Molôme. Le comte donna à Saint-Michel des biens à Argenteuil, Moulins et Tonnerre, la plupart de ceux-ci situés hors la ville la chartre de donation est signée de Miles, de Vidric, et de plusieurs nobles et prêtres.

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Les nombreux villages du comté de Tonnerre étaient bâtis, mais il y avait encore peu d'églises; le plus grand nombre n'avait que des

chapelles; les unes et les autres étaient desservies par des religieux, qui y résidaient autant qu'ils le pouvaient. Malgré la disparition du paganisme et les progrès de la religion chrétienne, il restait beaucoup à faire pour l'instruction d'un peuple attaché à la glèbe, sans intérêt, et par conséquent sans avenir; les nobles n'étaient pas beaucoup plus avancés. Les nouveaux comtes de Tonnerre comprirent que pour répandre dans ce peuple la morale et l'instruction, il fallait avoir recours aux ministres de l'évangile, rétablir la régularité dans le cloître et les connaissances parmi les religieux, ce qui était difficile; car cinq ans après la réforme introduite par Vidric, en 980, Brunon de Roucy, son successeur, fut obligé d'en opérer une nouvelle.

Après Miles, ses descendants suivirent le même système. Les églises et chapelles furent données aux monastères de Saint-Michel, Molome et Molesme qui furent fondés au onzième siècle.

Miles premier prit l'habit religieux à Saint-Michel ; il y mourut et y fut enterré.

Guy, son fils, était comte de Tonnerre en 987; sous son gouvernement et celui de son père, Tonnerre prit beaucoup d'accroissement, et le bourg Saint-Michel se bâtit.

Guy gouverna le comté peu de temps; Miles II son fils lui succéda en 992; il eut d'Hermangarde quatre fils, Achard, Rainard, Albéric et Miles; il donna Cousegré, à deux lieues de Tonnerre, à l'abbaye SaintMichel; la chartre dit : et tout ce qu'il possède, les terres, les bois, les prés et les hommes avec l'église sous l'invocation de la vierge. La donation de l'église est ratifiée plus tard par l'évêque de Langres, Brunon de Roucy. Miles fut enterré à Saint-Michel.

Rainard, son second fils, qui lui succéda, eut deux fils et une fille; celle-ci porta le comté de Tonnerre dans la maison de Nevers. Oton, l'aîné de ses fils, mourut jeune; le second, Hardouin, occupa le siège de Langres de 1050 à 1065.

Le comte Rainard donna, par une première chartre de 1003, à l'abbaye Saint-Michel, les fiefs de la Chappe et de Chéron-sur-Tonnerre, et par deux autres, Pimelle et Ancy-le-Serveux, sans distraction, ni diminution, dit-il, des serfs et des servantes, des terres incultes et cultivées, des forêts, des prés, des eaux et de leurs cours; il y joignit encore d'autres biens. Les moines pouvaient user de ces dons comme bon leur semblait, les vendre, les donner ou les échanger. Rainard fut enterré à Saint-Michel.

Miles III eut après lui le comté de Tonnerre; il épousa Azeca, héritière des comtes de Bar-sur-Seine; il en eut quatre fils, Gui, qui mourut jeune, Valéran et Geoffroi dont on ignore le sort, et Hugues, qui fut comte de Tonnerre et évêque de Langres.

Miles III, donnant Cheney à l'abbaye de Saint-Michel, prend dans la donation le titre de comte par la grâce de Dieu; il vivait encore en 1057.

Hugues, son fils, devint par sa mort, comte de Tonnerre et de Barsur-Seine: il donna à Saint-Michel l'église de cette ville, du consentement d'Hardouin, son cousin germain. Les religieux de Saint-Michel y établirent un prieuré; Hardouin étant mort en 1065, Hugues fut appelé à lui succéder; il est considéré comme un homme d'un grand mérite, habile dans les lettres grecques et latines.

En 1075, Robert, son parent, qui avait pris l'habit religieux à quinze ans, dans le monastère de Saint-Pierre-de-Celle, quitta avec ses religieux le désert de Collan, où il s'était retiré, après avoir été abbé de SaintMichel. Il vint s'établir à Molesme, et fut le fondateur de cette riche abbaye. Mécontent de ses moines, il alla s'établir à Cîteaux; il revint à Molesme par ordre du pape, où il mourut en 1100, et fut canonisé en

1222.

Molesme était situé dans le comté de Tonnerre; les comtes contribuèrent par leurs largesses à l'accroissement de ce monastère. Un des successeurs de Hugues donna à Robert l'église de Saint-Agnan, les chapelles et les dîmes qui en dépendaient. Robert y mit un prieur et des religieux pour desservir le château. Cette donation fut la source d'une foule de contestations entre Saint-Michel d'une part, Molesme et le prieur de Saint-Agnan de l'autre, chacun prétendant au titre de curé primitif de la ville.

Les églises et les chapelles qui existaient alors dans le comté, et par conséquent les dîmes furent données à différents monastères, Molôme, St-Michel et Molesme eurent la plus grande part. Une bulle d'Innocent. II en 1131 confirme les donations faites à l'église Saint-Michel. Plus tard on bâtit d'autres églises et chapelles dont les titulaires furent nommés par les fondateurs ou par ceux qu'ils avaient désignés.

Hugues quitta en 1084 l'administration des comtés de Bar et de Tonnerre ; il mourut en 1085. Hermangarde, fille de Rainard, et d'Hervix sa cousine, avait épousé Guillaume Ier, comte de Nevers et d'Auxerre: elle porta dans cette maison le comté de Tonnerre.

Ces seigneurs, depuis Miles Ier, avaient prêté leur appui au catholicisme; ils avaient comblé les monastères et les églises de leurs dons; leur noblesse et les possesseurs de fiefs les avaient imités. A la fin du onzième siècle, les religieux furent contraints de faire desservir les églises qu'on leur avait données, par des prêtres séculiers. Il se forma un nouveau clergé, sous l'autorité des évêques; les droits de paroisses s'établirent; les moines ne conservèrent que certains droits de nomination et quelquefois le titre de curé primitif; dans ce cas, ils jouirent de la

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