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à quatre ou cinq millions, et à une quantité beaucoup plus forte pour la marine militaire.

Ces masses énormes de bois, celles plus considérables encore qu'exigent les constructions civiles, les usines et le chauffage, et qui chaque année, disparoissent des forêts; les ravages exercés pendant la révolution, les défrichemens immodérés qui ont eu lieu, les dégradations, l'abus, l'irréparable abus des pâturages, et le défaut de toute restauration pendant long-temps, voilà des causes qui réaliseroient bientôt l'effrayante prédiction de Colbert, si l'administration actuelle ne faisoit de continuels efforts pour réparer le mal, et ne communiquoit à ses agens l'ardeur dont elle même est animée pour le rétablissement des forêts. Chaque année les améliorations augmentent, les délits diminuent et les aménagemens se régularisent. Plusieurs agens se montrent dignes de l'importance de leur emploi, et de simples gardes jaloux d'obtenir des marques de satisfaction de la part de leurs chefs, et la médaille que décerne annuellement la société d'agriculture de Paris, à celui qui se distingue le plus, rivalisent de zèle et d'activité.

Des concessions nombreuses de terrains vains et vagues, ont été faites à charge de repeuplement et chaque année, amenant le terme de ces concessions, présente les améliorations qui en sont le prix. A cet égard M. Chevalier, présente des observations qu'il nous paroît important de rectifier. Il dit que l'on a tort de donner les clairières des forêts à défricher pour y semer de l'avoine quelques années avant de les replanter en bois; qu'on devroit les défricher, mais n'y rien semer, et les tenir en jachère. D'abord il n'a point considéré, que ce n'est qu'au moyen de la faculté laissée aux concessionnaires des terrains, de faire quelques récoltes, qu'on obtient

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le repeuplement de ces terrains, et que ce moyen à la fois sûr et économique, procure des résultats qu'il seroit impossible d'obtenir, sans des mises de fonds considérables; en second lieu, est-il bien certain que cette culture préliminaire soit si nuisible dans des terrains reposés depuis des siècles, et qui ont besoin d'être ameublis? On est fondé à croire au contraire, que quelques cultures en grains ne peuvent que leur faire du bien, et détruire les mauvaises herbes qu'on n'extirperoit jamais, si on laissait ces terres en jachère, comme il le conseille. Au reste nous pensons avec tous les bons agronomes, que des cultures prolongées seroient très-nuisibles à la réussite du bois, en privant le sol des sucs qu'il renferme. La preuve de cette vérité se trouve dans toutes les forêts où ces cultures indiscrètes ont eu lieu; elle est frappante dans la forêt de Fontainebleau aux endroits qui avoient été défrichés par des Riverains pendant la révolution. Ces terrains, mis depuis en culture de bois, en même temps que d'autres parties même d'une qualité inférieure, ne se repeuplent que difficilement, et présentent une différence énorme dans l'accroissement de la plantation. Mais si l'excès des cultures en céréales est nuisible, l'usage modéré de ces cultures est à la fois utile au gouvernement à qui il épargne des dépenses considérables, à la société dont il augmente les moyens de subsistance, et au repeuplement luimême des terrains dont il est la meilleure préparation. C'est à MM. les agens forestiers à éviter les inconvéniens de concessions temporaires, et à savoir faire tourner au profit de la restauration des forêts les avantages que ce moyen présente.

M. Chevalier passe en revue les friches immensés et les marais incultes qui seroient susceptibles de pro

duire des bois. Il en présente un tableau de 395,000 arpens, sans y comprendre ceux de Sailly-SaintQuentin, qui, dit-il, ont dix-huit à vingt lieues, ni ceux de Bretagne qui sont sans nombre, ni les landes de Bordeaux qui ont plus de trente lieues. Il pense que tous ces terrains pourroient être plantés, moyennant une dépense annuelle de 10 millions pendant dix ans. Puis, il fait envisager les avantages qui résulteroient de ces importantes plantations, et qui seroient, d'abord, d'employer des milliers de bras, et de soulager par là une grande quantité de pauvres, et ensuite de préparer, dans dix à vingt ans, des revenus considérables à l'état, et de salubrifier l'air que le voisinage des marais rend malsain. A ce sujet, l'auteur parle des canaux envasés de l'Egypte, des eaux stagnantes de la Hollande, des vieux aquéducs de Rome, des marais pontins, des marais salans de Brouage, etc. Il y place le foyer de la peste, des épidémies, du scorbut, etc. Il conseille les plantations dans tous les sols marécageux qui fournissent des émanations meurtrières, et se fonde sur ce que les végétaux ont la propriété de les absorber en partie.

Après avoir calculé l'étendue des friches et des landes qui attendent des plantations, il parle de la nécessité de repeupler nos forêts, en replantant les vides et les clairières. D'après son évaluation, l'étendue de ces vides peut être de 661,156 hectares, ou 1,322,312 arpens, qui, divisés par cinquante années, présentent pour les coupes une perte annuelle de 13,223 hectares, ou 26,446 arpens; ce qui fait dans les produits une perte de plus de 6 millions, en évaluant le revenu moyen d'un hectare à 500 francs.

Les chapitres suivans, jusqu'au vingt-quatrième, sont consacrés à la description des arbres forestiers, et à l'exposition de la culture qui leur convient. L'au

teur cite plusieurs arbres d'un accroissement prodigieux: voici ce qu'il rapporte à cet égard (page 44).

En Bohème, un chêne, qu'un ouragan terrible, « arrivé en 1747, arracha, s'élevoit à plus de cent << pieds; son tronc avoit neuf brasses de pourtour; on «assure qu'il avoit plus de cinq cents ans.

«En l'an X, on abattit un chêne dans les bois de « Maingnelai, près Saint-Just, département de l'Oise « qui, tout équarré, avoit cinq pieds de diamètre sur « toutes faces.

« Il y en avoit un aussi dans la forêt de Montmo«rency, près la route de Saint-Prix à Chauvry, et « du carrefour de la pointe, que cinq hommes pou" voient à peine embrasser; mais le plus gros chêne << qui se puisse voir, est celui qui existe dans la forêt « des Ardennes : il a 25 pieds et demi de tour. » (Ce chêne qui a été abattu pendant la révolution, étoit près de Saint-Hubert)

On peut ajouter à ces prodiges de végétation un chêne qui existe encore dans la forêt de Hagueneau; il a trente-cinq pieds du pourtour, et peut, d'après le calcul des forestiers, porter cinquante-quatre pouces d'équarrissage jusqu'à trente-cinq pieds de hauteur, et quarante-huit pouces jusqu'à quarante cinq pieds. En voilà assez pour prouver le degré de force et l'âge auxquels les chênes parviennent quelquefois, et pour faire connoître qu'en général cette essence, plantée en bon terrain, peut atteindre à une longévité comme à une grosseur étonnantes. Mais ce mérite que le chêne partage avec plusieurs autres arbres, n'est pas le seul qui doive le faire estimer. Il y joint des qualités précieuses qui le placent au premier rang des arbres des forêts. C'est, pour nous servir de l'expression d'un auteur allemand, le roi des bois (Die Eiche, ist die Konigin aller Hælzer.)

Ce même auteur allemand dit que les chênes croissent en hauteur pendant trois ou quatre cents ans, et qu'ils parviennent jusqu'à six, et huit cents ans, et quelquefois plus. Il conseille pour cette raison de les employer de préférence à tous autres, comme arbres de limites.

Aprés le chêne vient le hêtre.

L'auteur que nous analysons, l'appelle avec raison l'ami et le compagnon du chêne. « Aussi, dit-il, les « voit-on presque partout ensemble, s'élevant à la «< même hauteur, offrant des tiges grosses, droites, «et se balançant dans les airs à plus de cent pieds de «haut. Ils forment ensemble les plus belles futaies. « M. de Buffon s'est trompé, ajoute-t-il, en disant << qu'il ne faut point planter le chêne et le hêtre ensemble, parce qu'ils pivotent et poussent tous deux « de grosses racines dans la profondeur du ter<<< rain, etc. »

On ne peut disconvenir qu'en cela ce célèbre naturaliste n'ait avancé une erreur. L'expérience prouve que ces deux arbres se plaisent d'autant mieux; que l'un, par ses racines pivotantes, va chercher au fond du sol les sucs qui lui sont nécessaires; tandis que l'autre, étendant ses racines à la superficie, y trouve la portion de nourriture que le premier semble lui avoir abandonnée. Ce sont deux amis qui se partagent le domaine qu'ils occupent. Dans les bons terrains, il faut, ainsi que M. Chevalier et tous les auteurs instruits le recommandent, en former des futaies et les tenir en taillis dans les terrains médiocres ou de mauvaises qualité. Les autres arbres forestiers appellent successivement l'attention de l'auteur. Il les examine et passe en revue les qualités de chacune. Ses préceptes de culture annoncent les connoissances d'un praticien; mais sa synonymie

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