Page images
PDF
EPUB

vingt-dix ans. Tous les agriculteurs savent que les arbres viennent mal lorsqu'ils sont plantés sur-le-champ à la place d'un arbre nouvellement arraché; cet inconvénient n'aura pas lieu.

« Il est aisé de sentir que cet intervalle, suppose de trente ans, peut varier dans ses combinaisons; celui depuis vingt ans, jusqu'à quarante, peut facilement lui-être subtitué: il sera même nécessaire de le faire suivant les localités, les situations, les différentes qualités de terre; enfin, suivant les espèces d'arbres qu'on voudra planter, il suffira seulement de combirer les plantations, de manière que, quand on exploitera les arbres dans les intervalles les autres restent d'une force suffisante pour former

une avenue.

Peut-être, objectera-t-on, que leur éloignement rendra ces rangs d'arbres maigres.

ou go. ans,

J'observerai d'abord que quelques années suffiront pour leur donner de l'apparence; au surplus, les grands arbres qui donneront une jouissance de 60 auront une grandeur et une élévation majestueuses. Nous voyons des allées, dont les arbres sont autant écartés, former à eux seuls, sans intermédiaires, de surperbes avenues; il n'est pas rare de voir des arbres, avant trente ans, acquérir 8 ou 10 mètres d'étendue; d'ailleurs, je n'ai fait qu'une supposition en les désignant à 12 mètres (36 pieds). On peut rapprocher, sans inconvénient. L'avenue qui conduit à Vincennes n'est plantée qu'à cinq mètres de distance; ce sont donc, comme je l'ai déjà dit, les distances qui doivent tout fixer. J'ajouterai cependant que tous les auteurs les plus renommés, en parlant des plantations, se plaignent de ce qu'en général on met les arbres beaucoup trop près les

uns des autres, et je pense qu'ils ont fortement

raison.

« L'idée de créer des avenues perpétuelles, de ne jamais perdre la jouissance des grands arbres qui, doivent les former, m'est venue depuis long-temps, puisque je l'ai exécutée dans une maison de camipagne à Ecully, près Lyon. J'y ai planté des allées d'érables et de platanes, et j'ai placé entr'eux des peupliers d'Italie; ceux-ci, dans vingt-cinq ans, quoique le terrain ne leur fût pas propice, ont acquis plus d'un mètre de circonférence. Je viens de les faire abattre, et de les remplacer par des arbres verts. Les anciens arbres plantes forment déjà une belle avenue; ils ne sont, il est vrai, qu'à sept mêtres de distance; mais aussi je n'avois mis qu'un seul peuplier entre deux, et je n'y mets à présent qu'un seul arbre vert; mes successeurs n'auront pas l'avantage, lors d'une même plantation, de pouvoir laisser reposer le terrain pendant trente ans, comme dans la précédente disposition.

« Il est aisé de reconnoître la simplicité de cette idée, pour perpétuer l'existence d'une allée d'arbres. N'est-il pas bien étonnant, qu'on ne l'ait pas eue plutôt, ou du moins qu'on ne l'ait pas mise à exécution.

[ocr errors]

« Je n'ai pas besoin de rappeler la variété considérable d'arbres de pleine terre que nous avons déjà en France, et dont nous jouissons; le choix qu'il est possible d'en faire, remplira sûrement nos désirs et nos vues par leur diversité, soit dans leur croissance, soit dans les bornes de leur vie. J'ai chez moi vingt espèces ou variétés de frénes plantés depuis dix-huit ans, à la suite les uns des autres, et par conséquent dans le même terrein et à la même exposition. Il y a une grande diversité dans leur granNo. 6.

18

deur, je présume que leur vie suit à-peu-près la même gradation. Le frêne à fleur (fraxinus ornus celui à la manne ou de calabre fraxinus rotondi folia), et le verrucosa sont restés moyens, tandis que l'excelsior, l'americana, le monophylla se sont fortement élevés.

<< Cette comparaison se fait aussi chez moi sur dix neuf variétés d'érable (acer), plantées également sur la même ligne. L'acer pseudo platanus, le rubrum, le platanoïdes se sont prodigieusement élevés, tandis que le tartaricum, le canadense, le monspessulanum, même le vrai saccharinum sont restés ou petits, ou moyens.

"Si dans deux espèces seulement, on trouve tant de variétés, que seroit-ce, si l'on calculoit sur celles d'une multitude d'autres arbres, tels que les ormes, les noyers, les peupliers, etc., que sera-ce si nous jetons les yeux sur les arbres encore inconnus ou non cultivés en France ? Pour être étonné de leur nombre, considérons seulement le bel ouvrage que vient de publier M. Michaux, sur les chênes de l'Amérique septentrionale, dont il donne la description et la gravure de plus de trente variétés bien distinctes. D'après cela, quelle richesse, dans les diverses espèces d'arbres, ne devons-nous pas espérer, surtout, si en faisant le tour de notre globe, on met à contribution les pays qui se trouvent sous la zone tempérée pareille au climat de la France ?

« Enfin, quand nous serions forcés de nous borner aux arbres indigènes ou nouvellement acclimatés, nous aurions de quoi nous satisfaire. Peuton se méprendre sur l'agrément que nous donneroient, en grands arbres, les micocouliers (celtis), les châtaigniers, les hêtres (fagus), le vernis du Japon (aylantus glandulosa); superbe arbre déci

[ocr errors]

dément acclimaté, qui, dans dix neuf ans a pris chez moi une croissance de plus d'un mètre de circonférence, qui joint à cette vive végétation, le mérite d'être un bois, pesant et beau.

« En arbres moyens pour orner nos grandes routes et nos promenades, quoi de plus joli que le sorbier des oiseaux (sorbus aucuparia, le catalpa (bignonia catalpa), plusieurs variétés de crategus et mespilus, le faux ébenier (citisus laburnum), l'arbre de Judée (cercis siliquastrum), les pommiers qui donnent de jolies fleurs et des fruits utiles; enfin, est-il possible de passer sous silence les arbres verts et résineux que l'expérience a arrachés de nos moutagnes, où on les croyoit fixés à jamais, et qui réussissent et végètent presque partout? Quel bel aspect nous présenteront dans nos grandes routes les superbes melèzes (pinus larix), les fameux cèdres du Liban! Mais je m'arrête, les amis de l'agriculture connoissent tout ce qu'il faudra faire pour embellir nos avenus, les rendre perpétuelles, et procurer une jouisssance non-interrompue à nos neveux les plus reculés. Au moins avec de telles vues, on ne pourra pas nous accuser de l'égoïsme que l'on impute au siècle présent; nous aurons la gloire de prouver que ceux qui s'adonnent à l'agriculture sont exempts de ce vice.

Note des Rédacteurs.

La planche que M. Rast-Maupas a jointe à son mémoire, est un tableau relatif au projet d'une avenue perpétuelle.

Ce tableau fait connoître les plantations successives, à trente ans d'intervalle chacune; il en pré

sente dix, et par conséquent une succession de trois cents ans. Ces plantations, trentenaires peuvent, dit-il, se suivre éternellement dans le même sens, et on peut, sans inconvénient, laisser subsister la première plantation huit ou dix ans de plus.

Nous avons changé la planche qu'avoit donnée M. Rast-Maupas, pour faire connoître son système de plantation, parce qu'elle nous a paru difficile

à entendre; en ce que les arbres qui y figurent, quoique d'espèces et d'âges différens, y ont la même forme, le même aspect, et absolument les mêmes dimensions.

La planche que nous avons substituée à celle de l'auteur, indique les noms des arbres, tant de ceux de première plantation, que de ceux de remplacement, la différence de leur port et de leur grosseur, selon l'âge et les époques successives de leur coupe. Nous avons choisi pour arbre intermédiaire et de prompte croissance, le peuplier d'Italie; parce que sa forme pyramidale et élancée contraste mieux que celle d'aucun autre, avec la forme des érables et des ormes que nous avons employés comme arbre de plus longue durée, et qu'elle sert ici à l'intelligence de la planche.

Nous supposons que dans la première plantation on emploie des érables; comme pouvant vivre soixante ans, et des peupliers d'Italie, comme vivant trente ans, quoiqu'ils viennt l'un'et l'autre davantage. Dans la seconde plantatien, nous remplaçons les peupliers par des ormes, comme pouvant vivre go ans. Ces âges sont ceux supposés par M. Rast-Maupas. Mais on doit observer que ce n'est ici qu'une supposition, qui a opur objet de rendre plus intelligible ce système de plantation, et qu'on peut em

« PreviousContinue »