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tantôt rivalisent de fraîcheur avec l'onde qui coule à leurs pieds. Ce sont autant d'abris, non-seulement pour les oiseaux et pour une foule d'autres animaux, mais pour l'homme même, que la chasse la pêche et ses différens besoins conduisent dans ces lieux. Le voyageur s'y repose de ses fatigues, et le berger vient y conduire ses troupeaux pendant la chaleur du jour.

Les pays garnis de futaies, sont en hiver moins exposés que les autres au souffle de l'Aquilon, et en été, ils sont garantis en partie des vents brûlans du midi. Ces pays sont en général plus sains, parce que les bois qui les environnent purifient l'air en pompant les vapeurs malfaisantes de l'atmosphère. Ils procurent encore un autre bienfait au cultivateur; leur présence attire les nuages qui se fixent audessus d'eux, et se fondent bientôt en eau pour arroser les campagnes, et pour former les sources et les rivières. Tant d'avantages réunis ont frappé tous les peuples agricoles qui, convaincus de l'importance et de l'utilité des bois, se sont toujours occupés avec soin de leur conservation et de leur renouvellement.

Le mot bois, a, dans notre langue, deux acceptions principales; savoir, celle qui vient de lui être donnée, et alors il signifie comme il a été dit, une grande étendue de terre plantée d'arbres, propres à la construction des édifices, à la menuiserie, au charronage, au chauffage, etc. Dans sa seconde acception, il désigne la substance dure et compacte qui enveloppe l'écorce des arbres et des arbrisseaux. Cet article, par conséquent, se trouve naturellement divisé en deux sections, qui demandent à être traitées l'une après l'autre, quoiqu'elles embrassent, pour ainsi dire, le même objet. Nous allons

donc parler d'abord des semis et plantations de bois, de leur aménagement, de leur coupe, exploitation, débit. Nous examinerons, après, les qualités intrinsèques des différentes espèces de bois, et les divers usages auxquels ils sont employés, tant dans l'architecture civile et navale, que dans les arts.

Comme les objets que traite M. DUTOUR dans le nouveau dictionnaire d'histoire naturelle, se trouvent déjà en grande partie dans les ouvrages forestiers les plus répandus, nous nous contenterons d'en faire une analyse succincte, dont une partie sera réservée pour un prochain numéro des Annales. Nous allons commencer par l'extrait des deux paragraphes suivans, qui contiennent les plaintes d'un sage économe, sur les abus de la consommation du plus précieux des combustibles, et les vues d'un naturaliste et d'un administrateur éclairé, sur les moyens de remédier au mal, en y faisant succéder l'abondance des bois de toute espèce.

<< Il existe, continue M. DUTOUR, des bois et des forêts, dans tous les pays, et à toutes les latitudes. Les bassins, formés par les chaînes des montagnes, les sommets sourcilleux des Alpes et des Cordilières, les déserts de la Sibérie, les rivages baignés par le Gange ou la mer Caspienne, les côtes brûlantes de l'Afrique, les marais immenses qui bordent les lacs et les grands fleuves de l'Amérique septentrionale, les îles nombreuses jetées, comme par hasard, dans les mers du sud, ou rassemblées en groupe dans les Archipels du Mexique et des Indes, toutes ces contrées différentes sont couvertes de bois, dont l'étendue plus ou moins grande, se trouve presque partout en raison inverse des besoins de l'homme.

Cette disproportion n'est pas la faute de la nature, mais celle de l'homme même, qui, dans l'état sau

vage, porte aux forêts qui l'ont vu naître, un respect d'enfant entretenu par sa paresse, et qui, dans l'état de civilisation, au contraire, pressé de consommer, ou tourmenté par une insatiable cupidité, ne respecte rien, et d'une maiu dévastatrice et meurtrière, abat de tous côtés les bois qui l'entourent, et détruit en un seul jour l'ouvrage de plusieurs siècles. Ainsi, à mesure que les habitans d'un pays deviennent plus éclairés, plus actifs et plus industrieux; c'est-à-dire, plus avides de toute espèce de jouissances, le nombre et l'étendue des forêts de ce pays diminue nécessairement. Voilà pourquoi l'Angleterre n'en a plus aucune; et pourquoi la France en compte aujourd'hui si peu qu'on puisse comparer à celles qui s'y trouvoient du temps de César. La plupart dira-t-on, ont été converties en champs couverts de grains, en vignobles précieux ou en prairies qui nourrissent d'innombrables troupeaux. Cela est vrai. Mais combien de millions d'arbres notre luxe effrené n'a-t-il pas dévorés? Combien n'en dévore-t-il pas chaque année, sans que pesque personne s'occupe à en remplacer même une partie (1)? Autrefois un seul feu suffisoit à toute une famille; elle n'en vivoit que plus unie et heureuse. Aujourd'hui l'égoïsme et la vanité isolent tout le monde; et l'on voit, dans la maison d'un simple citoyen, presqu'autant de feux que d'individus. Qu'on ajoute à cela l'incalculable et énorme quantité de bois qui se brûle, non-seule

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(1) On doit observer que cet article a été rédigé vers la fin de la révolution, et qu'alors on ne s'occupoit pas encore de planter; mais depuis, le goût des plantations est devenu général parmi les grands propriétaires; et il n'est pas d'année qu'il ne sorte des millions de plants de nos forêts, pour mettre en bois des terreina incultes ou de peu de produit. (Note des Rédacteurs).

ment dans les bureaux administratifs de tout genre que nécessitent le cours des affaires publiques et la sûreté des administrés, mais encore dans les salles de spectacles, dans les cafés, dans les clubs, et dans une foule d'établissemens semblables, entretenus par le désœuvrement, et multipliés jusqu'à la satiété; et l'on s'étonnera sans doute que ce qui nous reste des anciennes forêts, puisse fournir à une telle consommation. La nature à beau se montrer libérale et même prodigue envers nous dans la reproduction des bois, plus prodigues qu'elle encore, nous trouverons bientôt le moyen d'épuiser les ressources qu'elle nous offre; car le mal va toujours en croissant. Il est temps de l'arrêter, surtout après les années orageuses qui viennent de s'écouler et pendant lesquelles la dévastation a été générale.

« Nous insistons beaucoup sur cet objet, parce qu'il n'en est point qui mérite plus de fixer l'attention d'un Gouvernement sage et éclairé. Il lui est aisé de remédier au mal, en réprimant sur ce point les abus; en faisant revivre les anciennes ordonnances sur les bois; en naturalisant, en France, les arbres forestiers exotiques dont la croissance est rapide; en accordant des encouragemens aux citoyens qui planteroient, dans leurs domaines, une étendue de bois proportionnée à leurs facultés; en obligeant, autant qu'il seroit possible, les maîtres de forges et de verreries qui absorbent des forêts entières, de ne s'établir que dans les endroits où le bois ne peut avoir de débouché; en donnant enfin lui-même l'exemple d'une consommation plus économique et mieux entendue, qui reporteroit nécessairement vers les arts utiles, le superflu de celle qui a lieu dans toutes nos grandes villes, et surtout à Paris, Tels sont les moyens que nous proposons pour éviter à nos neveux le malheur

peut-être de se voir réduits, comme nos voisins, à brûler de la tourbe ou du charbon de terre (1) ». Les avis que donnoit M. DUTOUR, et les moyens qu'il proposoit, pour éviter la disette du bois, entroient, à peu de chose près, dans presque tous les projets qui furent présentés pour la restauration de forêts. Une partie de ces moyens s'exécute déjà; des plantations importantes dans les forêts du Gouvernement et dans celles des communes et des particuliers, réparent, autant qu'il est possible, les coupes immodérées, et les dévastations qui ont anéanti ou dégradé d'immenses étendues de bois; des importations de graines d'Amérique, ont été faites, et fourniront des étalons ou portes - graines qui donneront à nos descendans les moyens de réaliser, en grand, le projet de la naturalisation des espèces étrangères ; les abus et les délits qui ravageoient les forêts sont devenus moins fréquens; la consommation du bois dans les établissemens du Gouvernement est bien

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(1) Sera-t-il permis d'observer ici que nous ne regarderions pas comme un malheur, que l'usage de la tourbe et du charbon de terre se répandit plus généralement ?

Déjà dans plusieurs de nos manufactures, le charbon de terre a remplacé le bois, et on y trouve un véritable avantage: nous saisirons cette occasion de remarquer cependant qu'il semble exister en France, contre la possibilité d'employer la houille à la fusion du minerai de fer, une sorte de fatalité qui s'oppose au perfectionnement de ce genre d'industrie, importé chez nous, depuis plus de 25 années, et dont les Anglois sont en possession bien antérieurement, car nous l'avons pris chez eux. Puissent les écoles pratiques des mines, rendre aux arts et au commerce l'important service de propager ce mode de traitement du minerai de fer, et économiser ainsi une grande partie des bois qui se consomment dans les usines où l'on fond et l'on alline ce métal. (Note des rédacteurs.

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