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avantages. M. de Limbourg propose un moyen pour donner en même-temps à la tige et aux branches du chêne, une courbure propre à les faire servir à la construction des vaisseaux, et à en former surtout ces chevrons ou pièces qu'on appelle varangues. Voici son procédé aussi ingénieux qu'utile. On retranche d'abord les branches de toute la partie destinée à être écorcée. Ensuite on fend avec une scie de refente la partie ébranchée, en commençant un peu en-dessus, afin de laisser quelques branches à chacune des divisions pour y attirer la séve. On continue à scier, en allant du haut vers le bas, jusqu'à ce qu'on soit descendu à l'endroit du tronc qui est sans noeud; alors au lieu de scier le reste du tronc, on achève de le fendre avec un coin de bois chassé à coups de marteau, et qu'on y laisse. Au moyen d'un ciseau ou rabot, on unit les deux nouvelles surfaces formées par la scie; et, pour les garentir des insectes et des impressions prématurées de l'air, on les enduit d'une couche d'un mélange fondu de poix et de cire. Le bois étant ainsi fendu, on écorce toute la partie dépouillée de branches et la tige même, jusqu'à deux ou trois pieds au-dessus de la racine. Au bout de deux mois, et environ de deux en deux mois, on écarte de plus en plus et insensiblement les deux parties du bois refendu pour leur faire prendre les courbures convenables. Quand l'arbre est abattu, l'aubier se trouve aussi dur que le reste du bois ; il se sèche sans se fendre, et le bois retient la courbure qui lui a été donnée sur pied. Ce bois peut servir à faire diverses pièces pour la construction navale. Les chevrons courbes qu'il fournit doivent être plus propres à former la carène des vaisseaux, que ceux dont on fait communément usage; ils ne sont pas aussi pesans; ils se joignent mieux

aux planches dont ils sont revêtus; ils ne peuvent faire aucune saillie dans l'intérieur du bâtiment ; par leur ressort et leur soupplesse, ils résistent mieux aux chocs; étant plus minces et plus légers par leur extrémité supérieure que l'autre, ils laissent mieux le vaisseau dans l'équilibre favorable à son

mouvement.

« Il ne suffit pas de choisir l'espèce de bois qui convient le mieux au service qu'on en attend, il faut encore le couper dans le moment indiqué par la nature; ne point l'employer trop tôt, et savoir le conserver sain avant et après sa mise en œuvre. La séve qui existe dans tous les bois, est la cause de leur altération; dans les meilleurs, elle travaille jusqu'à ce qué le temps l'ait détruite ; dans ceux d'une inférieure qualité ou coupés hors de saison, elle s'échauffe, se corrompt, attire les vers, et fait bomber, fendre, gercer et même pourrir le bois avant le temps; surtout s'il a été employé n'étant pas assez sec et s'il est exposé à l'air, ou plongé dans l'eau douce ou salée, ou enveloppé de plâtre, comme dans certaines charpentes. Des différens moyens mis en usage pour lui enlever promptement cette séve surabondante, celui qu'a imaginé, il y a vingt ans, Mugueron, maître charron à Paris, est un des plus ingénieux. C'est l'ébullition du bois, séché ensuite à l'étuve; par elle il se dépouille de sa partie extractive, et ses fibres deviennent susceptibles de se remplir de différens ingrédiens qui le pénètrent jusqu'au cœur, augmentent sa force, et en assurent la conservation.

« La découverte de Mugueron a eu l'approbation de l'Académie des Sciences; et voici le résultat des épreuves faites sous ses yeux. 1°. Le meilleur bois acquiert un tiers de force de plus que la force na

turelle; 2°. le bois vert auquel il falloit plusieurs années pour être employé, peut l'être à l'instant; 3°. celui qu'on croit n'être plus propre à rien, devient utile dans différens ouvrages; 4°. il en résulte la facilité de pouvoir faire cintrer les bois sur tous les sens, quand ils sortent de la chaudière, et de pouvoir redresser ceux qui seroient courbés ou seseroient déjetés; 5° on peut, dans l'emploi, diminuer d'un tiers la grosseur de certains bois, puisqu'ils en acquièrent un en force adoptive; 6o. il faut plus de temps à l'eau froide pour pénétrer et ouvrir les fibres engorgés d'ingrédiens par l'ébullition et rétrécis par l'étuve; 7°. les bois sont moins sujets à être fendus, gercées ou vermoulus. Cette découverte présente une difficulté, c'est celle d'avoir des chaudières capables de contenir de très-grosses pièces de bois. Mugueron en a fait construire une de vingt pieds de long; il seroit possible d'en établir de plus grandes.

<< Par une ébullition particulière et chargée de lessive saline, telle que l'alun et autres, on enlève au bois une partie de son principe inflammable, et on le rend plus difficile à brûler; c'est-à-dire que de pareil bois brûle, mais sans flamme, ce qui est trèspropre à prévenir les suites des incendies, qui ne doivent leur progrès qu'à la flamme; il suffit même, suivant Faggot(Voyez les Mémoires de Stockholm), pour garantir le bois de charpente de l'action du feu, de le faire séjourner quelque temps dans une eau qui a dissous du vitriol ou de l'alun.

«Le bois qu'on imbibe d'huile ou de graisse et qu'on tient ainsi exposé pendant un certain temps à une chaleur modérée, devient lisse, luisant et sec après son refroidissement, et contracte quelquefois une telle dûreté, qu'il tranche et perce comme une arme de

fer. Dans certains pays, où le travail de ce métal est inconnu, les nègres préparent ainsi leurs haches de bois, avec lesquelles ils tranchent tous les autres bois; leurs zagaies trempées de cette façon, lancées contre les arbres, à la distance de quarante pieds, y entrent de trois ou quatre pouces, et pourroient traverser le corps d'un homme. Dans cette trempe, comme dans la première des deux ébullitions dont nous venons de parler, les parties aqueuses du bois sont remplacées par des substances qui lui sont plus analogues, et qui en rapprochent les fibres de plus près. En général, le bois durcit en passant au feu. La présence du feu le redresse aussi quand il est courbe, on lui donne, au contraire, la courbure qu'on désire. Ce moyen est fréquemment employé par les charpentiers de navires.

<< Toutes les fois qu'on emploie des pièces de bois en poteaux, soit d'indication, soit de bornes ou limites, soit de bâtisse et cloisons au rez-de-chaussée, soit de treillage ou berceaux, si l'on veut en prolonger la durée, on doit endurcir au feu la partie destinée à être mise en terre, et peindre sur pied celle qui reste exposée à l'air. Voici une peinture dont chacun doit se servir à cet effet. On fait fondre douze onces de résine dans un pot de fer; on y met douze pintes d'huile la plus commune, et trois ou quatre bâtons de soufre; lorsque la résine et le soufre sont fondus et bien mêlés, on ajoute de l'ocre ou autre terre à peindre, de la couleur qu'on désire, on applique cette peinture la plus chaude qu'il est possible; et quand la première couche est sèche, on la couvre d'une seconde.

Nous croyons ne pouvoir mieux terminer cet article, qu'en offrant au lecteur le tableau suivant, extrait de l'ouvrage de Fenille, déjà cité. Il in

indique, tant en anciens poids, qu'en nouveaux, et par pied cube, la pesanteur spécifique de plusieurs bois pris dans leur état de dessication parfaite.

TABLEAU

De la pesanteur spécifique du pied cube des bois indigènes à la France et de quelques autres, rangés dans l'ordre de pesanteur.

Nota. Comme les nouvelles mesures de pesanteur doivent être connues et employées, nous avons cru faire une chose utile, en mettant vis-à-vis les poids anciens exprimés en livres, onces, et gros les kilogrames et les grames. Il eût peut-être été utile de présenter ici une table de comparaison de ces mesures, parce qu'elle ne se trouve pas dars l'instruction donnée, il y a quelque années, par l'administration. Nous présenterons cette table par la suite, si quelques personnes désirent pouvoir la trouver dans ces Annales.

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