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à celle qui fixerait un délai pour la réclamation. Ce délai, quel qu'il soit, peut être trop court dans certaines circonstances. Il vaut donc mieux que les circonstances soient pesées par le juge, et qu'il se décide d'après les preuves qui en résultent.

M. REAL dit que l'action du père serait inutilement prolongée au-delà de la majorité du fils, parce qu'alors le consentement du père ne lui étant plus nécessaire, le fils rétablirait son mariage en le contractant de nouveau. On ne doit pas perdre de vue que la mème loi qui se montre très-facile lorsqu'il ne s'agit que de retarder ou même d'empêcher un mariage que la raison désapprouve, se montre très-réservée, très-sévère, lorsqu'il s'agit de rompre des nœuds formés. Elle balance alors les inconvéniens; et tels moyens qui auraient paru assez forts pour empêcher une union de se former, sont impuissans pour la dissoudre. La loi se refuse surtout à un mal, à un scandale inutiles; et, dans l'espèce, ce serait bien inutilement que la loi ferait mal et scandale, puisque, si les époux sont de bonne intelligence, ils pourront rènouër le lendemain les liens qui auront été brisés la veille; et la puissance paternelle aura reçu une double injure. Si les époux ne sont plus en bonne intelligence, si le mari est devenu inconstant, on lui offre, et à lui seul, à sa fimille seule, une ressource équivalente au divorce par incompatibilité, qui sera justement proscrit. C'est à lui seul, à sa famille seule; car cette espèce de divorce, qui laissé la mère et les énfans dans la misère et l'opprobre, ne sera jamais demandé par la femme ni par ses parens.

LE CONSUL CAMBACÉRÉS dit que M. Real ne résout point la difficulté, puisqu'il demeure toujours constant qu'un père n'a pas le temps de réclamer contre un mariage contracté trois jours avant la majorité du fils, si cette majorité est le terme de la faculté de réclamer.

M. REAL dit que le cas d'un tel mariage sera très-rare, puisque, pour le valider, il suffirait au mineur de le différer

de trois jours; mais qu'il est dangereux et contraire aux mœurs de permettre la cassation d'un mariage qui serait ensuite contracté de nouveau.

LE PREMIER CONSUL dit qu'en principe le consentement du père, et le droit de réclamer contre le mariage de son fils mineur, lorsqu'il n'y a pas consenti, sont une précaution établie, non pour l'intérêt du père, mais pour l'intérèt du fils; qu'elle est inutile au fils devenu majeur, puisqu'alors la loi suppose qu'il est en état d'agir par lui-même, et de connaître ce qui lui est avantageux : le droit de réclamer contre son mariage ne doit donc appartenir qu'à lui seul.

M. REAL dit qu'il ne peut revenir contre le consentement qu'il a donné étant mineur; car la loi qui admet son consentement le répute majeur, et suppose qu'il savait par luimême ce qui lui était avantageux.

LE PREMIER CONSUL répond qu'il n'a pu consentir, puisqu'il était incapable de contracter.

M. TRONCHET dit que ceci rentre dans la question de savoir si un époux peut réclamer lui-même contre son mariage.

Ici, la difficulté se résout par un principe fort simple; c'est que celui qui ne peut disposer de ses biens peut encore moins disposer de sa personne.

M. BOULAY rappelle la discussion à l'objet sur lequel elle est établie; il persiste à croire que le classement proposé par MM. Portalis et Tronchet sera très-difficile.

LE PREMIER CONSUL dit qu'en général le projet de Code civil ne laisse pas assez de latitude aux tribunaux, et qu'il n'est pas assez dogmatique. Si la loi n'indique pas le but qu'elle veut atteindre, et n'explique pas ses intentions, on décidera souvent contre son vœu par l'analyse de ses dispositions.

M. BOULAY dit que le procès-verbal levera les doutes, et expliquera l'intention de la loi.

Les articles discutés, et ceux qui ne l'ont pas été, sont renvoyés à la section de législation pour en présenter une

rédaction nouvelle, d'après le plan tracé par MM. Portalis et

Tronchet.

Les articles non discutés sont ainsi conçus :

Art. 8. « Les père et mère, aïeul et aïeulé, dans le cas où 182 leur consentement au mariage est requis par la loi, peu

« vent demander la nullité du mariage qui a été célébré sans

« ce consentement. »>

Art.

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« Le conseil de famille, dans le cas où son consen- ib. 9. «tement au mariage est requis par la loi, peut demander la « nullité du mariage qui a été célébré sans que le consente«<ment du conseil ait été donné ou suppléé par la loi. »

Art. 10. « La demande en nullité, résultant du défaut de 183 « consentement des père, mère, aïeul, aïeule, ou du conseil « de famille, ne peut plus être formée par les père, mère,

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aïeul, aïeule, ou le conseil de famille de celui des époux « qui aura cessé, par sa majorité, d'être sous la puissance « des ascendans ou du conseil. »

"

Art. 11. « Les héritiers ne sont pas recevables à attaquer 187

de nullité le mariage pendant la vie du conjoint dont ils « sont parens ; et ils ne le peuvent, au décès de ce conjoint, « qu'autant qu'ils y ont un intérêt civil et personnel, et dans <«<les seuls cas où le mariage a été contracté en contraven« tion de l'article 2, des deux premiers paragraphes de l'article 3, des articles 5, 14 et 15 du chapitre Ier. »

Art. 12. « Tout mariage prétendu contracté en France 191 << entre Français, ou entre Français et étranger, lequel n'a « point été célébré, conformément à l'article 6 du chapitre II, « devant l'officier public, est radicalement nul, et ne pro« duit aucun effet civil ni aucun lien civil entre les deux époux. »

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Art. 13. « L'action résultant de ce qu'un officier public, « devant lequel un mariage aurait été réellement célébré, « n'en aurait rédigé l'acte que sur une feuille volante, peut «< être intentée tant par les époux eux-mêmes, que par le « commissaire du gouvernement. »

198

201

Art. 14. « Elle est dirigée, par le commissaire du gouver«nement, tant contre l'officier public que contre les époux « eux-mêmes, si le délit a été commis de concert avec eux, « ou contre celui des deux époux qui aurait seul concouru à « la fraude; et, dans ce dernier cas, l'action peut être inten«tée contre cet époux par l'autre. »

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Art. 15. « Dans le cas où la preuve de la célébration du mariage se trouve acquise par l'événement d'une procédure criminelle, l'inscription du jugement sur les registres de « l'état civil assure au mariage, à compter de sa célébration, « tous les effets civils, tant à l'égard des époux qu'à l'égard des enfans. »

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Art. 16. « Le mariage auquel on ne peut opposer que l'o« mission des formalités prescrites par les articles 1, 2, 3, 4 et 5 du chapitre II, ou de quelqu'une de ces formalités, « si d'ailleurs il ne contient aucune contravention aux dispo«sitions contenues dans le chapitre I" du présent titre, doit « être réhabilité, soit à la réquisition des époux, soit à la diligence du commissaire près le tribunal de première ins

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«<tance.

« Le défaut de réhabilitation n'autorise pas néanmoins les époux ni les tiers à en demander la nullité; mais si la réha«bilitation n'en est provoquée que par le ministère public, « les parties contractantes, ou leur tuteur, si elles étaient « mineures, sont condamnées à une amende proportionnée « à leurs facultés, laquelle ne peut être inoindre de cent francs, et ne peut excéder mille francs. »

་་

Art. 17. « La réhabilitation, qui a lieu dans les cas de l'article précédent, valide le mariage, du jour de sa première « célébration, tant à l'égard des époux que des enfans issus «de ce mariage. »

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Art. 18. «Tout mariage qui a été déclaré nul produit «< néanmoins les effets civils, tant à l'égard des époux qu'à

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l'égard des enfans, lorsqu'il a été contracté de bonne foi « par les deux époux.

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Si la bonne foi n'existe que de la part de l'un des deux 202

« époux, le mariage ne produit les effets civils qu'en faveur

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M. REAL présente le chapitre IV, intitulé, des Obligations qui naissent du mariage, et de ses Effets civils.

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Les époux contractent ensemble, par le fait seul du ma- 203 «riage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs

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«L'enfant n'a point d'action contre ses père et mère « un établissement par mariage ou autrement. »

pour 201

M. MALEVILLE rappelle qu'en pays de droit écrit, la fille avait action contre son père pour en obtenir une dot. Cette action était autorisée par le chapitre 35 de la loi Julia.

en

Le tribunal d'appel de Montpellier et plusieurs autres demandent qu'elle soit conservée. Eh! que deviendraient effet les filles, si, par caprice ou par un sordide intérêt, un père s'opposait constamment à leur mariage? Elles ne pourraient s'en venger qu'au préjudice des mœurs et à la honte des familles. On sait bien que ces cas doivent être rares; mais il suffit qu'ils existent pour que la loi doive y pourvoir. A Athènes, la loi dispensait les enfans de fournir des alimens à leurs pères, lorsque ceux-ci ne leur avaient pas donné le moyen de fournir à leurs propres besoins; mais le mariage est aussi un besoin des filles. Cependant cet article, loin de laisser subsister tacitement l'usage des pays de droit écrit, établit une disposition toute contraire.

M. BOULAY dit que l'action dont on parle était juste dans le droit romain. Là, le père était maître absolu de la personne et des biens de ses enfans; tout étant contre eux, il fallait bien que ce droit rigoureux fût modifié par quelque tempérament.

M. REAL dit que l'expérience des pays coutuiniers a prouvé que cette action n'était pas nécessaire.

Au reste, c'est précisément parce qu'il y a une jurispru

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