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2° Quant à la revision, la question n'a pas moins intéressé la Commission Comité. (Voir les Procès-Verbaux mentionnés plus haut.)

que 13

M. de Martens, crut devoir sacrifier les considérations favorables à la revision à la nécessité pratique de fortifier l'arbitrage qu'il ne fallait pas, dit-il, confondre avec une juridiction ordinaire : « L'arbitrage a pour objet non seulement de rendre la « justice, mais de faire cesser un conflit. Si vous admettez la revision, vous éternisez ⚫ le conflit, vous affaiblissez votre œuvre. »

Malgré le discours éloquent qu'il prononça devant la troisième Commission, la thèse de M. de Martens ne prévalut point et, finalement, après une longue réplique de M. Holls, le principe de la revision fut inscrit dans l'Acte de la Haye.

Une question fut encore soulevée par M. Holls concernant les incompatibilités (voir le 18o procès-verbal du Comité d'examen).

Restait la question de l'accession: savoir si toutes les Puissances non représentées à la Conférence auraient ou n'auraient pas le droit d'adhérer à la Convention de la Haye, et, si elles avaient ce droit, dans quelles conditions elles l'exerceraient.

Cette question si grave, ayant été réservée au Comité de l'Acte Final, n'a été qu'effleurée dans le Comité d'examen; elle ne doit donc être mentionnée ici que pour

mémoire.

DISCUSSION DE L'ARTICLE 27 DEVANT LA TROISIÈME COMMISSION. - En résumé, le travail du Comité fut, à peu de chose près, en première et en seconde lecture, complètement adopté par la troisième Commission; il ne donna lieu qu'à un seul débat vraiment capital, le débat sur l'article 27. C'est sur ce point, comme on l'a vu, que

s'était concentrée toute la résistance.

Ce fut le délégué de Roumanie, M. Beldiman, qui souleva la question. Il demanda que les premiers mots de l'article 27: « Les Puissances considèrent comme un devoir » fussent supprimés et remplacés par ceux-ci : « Les Puissances jugent utile ». D'après lui, cette modification devait enlever à l'article 27 son caractère obligatoire et sa nature impérative.

M. d'Estournelles s'attacha à dissiper ce malentendu : « Nous n'imposons aucune obligation aux parties, dit-il, elles restent libres; nous avons imposé un devoir aux Puissances signataires, ce qui est tout différent. »

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Après lui, le délégué de Serbie s'efforça de démontrer que l'article à rien moins qu'à établir indirectement l'arbitrage obligatoire.

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27 ne tendait

C'est le Docteur Zorn, lui-même, qui lui répondit : « Non, ce n'est pas l'arbitrage obligatoire, et c'est précisément pour cette raison, c'est parce que le Comité a consenti à ne pas voter le principe de l'obligation, dont l'Allemagne ne voulait pas, qu'en échange de cette concession nous avons voté l'article 27, lequel implique une simple recommandation d'ordre purement moral. » Cette déclaration fut bien accueillie.

L'idée d'un devoir international avait d'ailleurs fait des progrès. D'autres délégués français la soutinrent alors, notamment le Représentant de la Suisse, M. Odier, et par des arguments nouveaux autant que frappants.

que

les

« En préparant la Convention qui vous est soumise, dit-il, nous avons cherché à

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« ouvrir une ère nouvelle dans les rapports internationaux à cette ère nouvelle « doivent correspondre des devoirs nouveaux, particulièrement pour les neutres, lesquels jusqu'ici ne pouvaient empêcher la guerre. Dorénavant ils ne pourront plus se borner à garder un silence plus ou moins désapprobateur; ils seront, suivant

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« une expression heureuse, des «pacigérants », et c'est ce devoir que consacre en ce qui les concerne l'article 27. »

M. Holls, au nom des États-Unis, ne fut pas

moins catégorique :

« L'absence de l'article 27, dit-il, eût été fatale à la Convention. Sans cette expres

sion d'un devoir moral la Convention restait illusoire; cette notion, ce

inaugurent une ère nouvelle, c'est le couronnement de notre œuvre! »

simple mot

Le Délégué de Serbie n'en persista pas moins à faire des réserves, sous le bénéfice desquelles il devait aller jusqu'à accepter l'article 27.

M. Léon Bourgeois, tant au nom de la Délégation française que comme Président, lui adressa alors un dernier appel :

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Depuis l'ouverture de la Conférence, dit-il, nous avons plus d'une fois réussi à « nous unir, à dégager un sentiment unanime sur des questions qui d'abord nous divisaient. Ce serait un résultat considérable, et dont l'importance morale dépasse,

a

« à mes yeux, toute expression, si, sur cet article 27 qui marque l'un des points essentiels de l'institution de l'arbitrage, nous parvenions, là aussi, à donner au « monde le spectacle de notre unanimité. »

Après avoir souligné, pour répondre aux inquiétudes des petits États des Balkans, le caractère à la fois équitable et pratique de l'article 27, M. Léon Bourgeois, croyant répondre au sentiment général de l'assemblée, élargit le débat :

«

Il ne s'agit pas seulement, déclara-t-il, de l'utilité pratique de cette disposition. Soyez sûrs, Messieurs, que ce qui nous détermine à la défendre si énergiquement, c'est qu'elle nous paraît avoir une utilité morale dont chaque jour qui s'écoulera après la fin de nos travaux fera mieux comprendre la grandeur.

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Messieurs, certains, ignorant la puissance de l'idée, voudraient prétendre que ce que nous avons fait ici est peu de chose. Je suis au contraire convaincu que lorsque nous serons sortis de cette Conférence, lorsque nous n'aurons plus le souci légitime de la défense des intérêts spéciaux à chaque Nation dont nous devions tenir compte, nous-mêmes nous jugerons mieux l'importance de notre œuvre, et plus l'on s'avancera sur la route du temps, plus clairement apparaîtra cette importance.

« L'utilité morale des dispositions de l'article 27 est tout entière dans ce fait qu'un devoir commun, pour le maintien de la paix entre les hommes, est reconnu et affirmé entre les Nations.

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Croyez-vous que ce soit peu de chose que, dans cette Conférence, c'est-à-dire non pas dans une réunion de théoriciens et de philosophes, discutant librement et sous leur seule responsabilité personnelle, mais dans une assemblée où sont officiellement représentés les Gouvernements de presque toutes les nations civilisées, l'existence de ce devoir international ait été proclamée et que la notion de ce devoir, désormais introduite pour toujours dans la conscience des peuples, s'impose dans l'avenir aux actes des Gouvernements et des Nations?

Conférence de la Paix.

6

«Que nos Collègues qui ont fait opposition à cet article me permettent de le leur dire. Je crains qu'ils n'aient point les yeux tournés vers le but qui vraiment doit être le leur. Ils ont semblé préoccupés des intérêts opposés des grandes et des petites Puissances dans cette question de l'arbitrage. Je répéterai, après le comte Nigra : Il n'y a ici ni grandes, ni petites Puissances; toutes sont égales devant l'œuvre à accomplir. Mais si l'œuvre devait être plus utile à quelques-unes, n'est-ce pas aux plus faibles qu'elle profiterait certainement? Hier au Comité d'examen, je le disais à nos Collègues opposants: toutes les fois qu'un tribunal a été institué dans le monde et qu'une décision réfléchie et impartiale a pu ainsi s'élever au-dessus de la lutte des intérêts et des passions, n'est-ce pas une garantie de plus qui a été ainsi donnée aux faibles contre les abus de la force?

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Messieurs, entre les Nations, il en sera de même qu'entre les hommes. Les institutions internationales comme celle-ci seront la garantie des faibles contre les forts. Dans les conflits de la force, quand il s'agit de mettre en ligne des soldats de chair et d'acier, il y a des grands et des petits, des faibles et des forts. Quand dans les deux plateaux de la balance il s'agit de jeter des épées, l'une peut être plus lourde et l'autre plus légère. Mais lorsqu'il s'agit d'y jeter les idées et les droits, l'inégalité cesse et les droits du plus petit ou du plus faible pèsent dans la balance d'un poids égal aux droits des plus grands.

C'est ce sentiment qui nous a dicté notre œuvre et c'est aux faibles surtout que nous avons songé en la poursuivant. Puissent-ils comprendre notre pensée et répondre à notre espérance en s'associant aux efforts tentés pour régler de plus en plus par le droit l'avenir de l'humanité!

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Il n'y avait plus alors qu'à passer au vote. L'article 27 fut adopté à l'unanimité.

Il ne restait, semblait-il, qu'à attendre la réunion de la Conférence plénière, séance de pure forme où devait être ratifié solennellement le vote des trois Com

missions.

Un dernier obstacle pourtant restait à franchir et une intervention inattendue se produisit qui parut tout remettre en question. Les Délégués des États-Unis d'Amérique déclarèrent à leurs Collègues de France qu'ils venaient de recevoir des instruc tions télégraphiques de Washington et ne pourraient finalement signer la Convention si l'article 27 n'était pas modifié. « Aux yeux d'une partie de l'opinion américaine, disaient-ils, cet article pouvait recevoir une interprétation des plus dangereuses, être considéré comme la première infraction, la plus grave possible, aux principes généraux qui réglaient la politique étrangère des États-Unis. En effet, ces principes, doctrine de Washington et doctrine de Monroë, recevaient du même coup une double et profonde atteinte, puisque l'article 27 imposait aux Etats-Unis le devoir, soit d'accepter une ingérence étrangère s'ils étaient eux-mêmes en conflit avec une autre Puissance, soit d'intervenir dans les différends des États européens. Avec la meilleure volonté du monde, le Gouvernement des États-Unis pouvait-il consentir à une pareille dérogation? N'était-il pas sûr, s'il y consentait, de courir à un échec devant le Sénat, etc.?»

Après des négociations, qui se poursuivirent pendant plusieurs jours, les Délégués

des États-Unis annoncèrent qu'ils se contenteraient d'insérer dans le procès-verbal de la Conférence une déclaration leur permettant de voter l'article 27 en l'interprétant dans un sens que la politique intérieure pût concilier dans leur pays avec les principes de Washington et de Monroë.

Ce fut la dernière résistance; dans sa séance du 25 juillet, la Conférence plénière approuva définitivement la Convention telle qu'elle lui était soumise par sa troisième Commission. Au jour de la clôture des travaux, cette Convention, si longuement, si passionnément discutée, était revêtue, sans délai, de la signature de 16 Puissances (Belgique, Danemark, Espagne, États-Unis, France, Grèce, Mexique, Montenegro, Pays-Bas, Perse, Portugal, Roumanie, Russie, Siam, Suède et Norvège, Bulgarie), auxquelles se sont jointes depuis lors, l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Chine, la Grande-Bretagne, l'Italie, le Japon, le Luxembourg, la Serbie, la Suisse et la Turquie c'est-à-dire qu'au jour de la clôture des protocoles, le 31 décembre 1899, toutes les Puissances représentées à la Conférence de la Paix ont, sans une seule exception, signé la « Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux ».

COMITÉ DE RÉDACTION DE L'ACTE FINAL.

Vers la fin de ses délibérations, la Conférence avait constitué une Commission spéciale chargée d'arrêter le texte de l'Acte final. Cette Commission, présidée par M. Asser, reçut aussi la mission de rédiger les clauses destinées à compléter les Conventions et Déclarations élaborées par les diverses Commissions. Sur la proposition du Comte Nigra, M. Renault en fut nommé rapporteur.

En ce qui touche l'Acte final lui-même, des questions de forme furent soulevées pendant quelque temps. Des divergences se produisirent au sujet de la dénomination à donner au document destiné à constater les résultats des travaux de la Conférence. Le qualifierait-on d'Acte, de Protocole, de Procès-verbal? Certains auraient voulu la désignation la plus modeste. Nous nous sommes efforcés de faire prévaloir le titre d'Acte final, que désiraient les Délégués russes et qui nous a paru plus en harmonie avec l'importance de la Conférence, et nous y avons réussi non sans peine.

Il fallait ensuite rédiger l'Acte de manière à ménager toutes les susceptibilités et à obtenir que personne ne pût refuser sa signature. Une question secondaire fut soulevée à raison de ce que tous les Délégués n'étaient pas dans la même situation, n'avaient pas le titre de plénipotentiaires. Elle a été résolue par une rédaction qui énumère tous les Délégués ayant pris part aux travaux de la Conférence et qui indique en même temps que seuls les plénipotentiaires signent l'Acte final.

L'Acte porte que la Conférence a adopté le texte de trois Conventions et de trois Déclarations qui forment autant d'actes séparés et qui ne seront transformées en actes obligatoires qu'autant qu'elles auront été signées par des représentants des Gouvernements munis de pleins pouvoirs. La signature de l'Acte final n'implique done aucun engagement par rapport à ces Conventions et Déclarations. Un État pourra n'en signer aucune, les signer toutes ou en signer quelques-unes. Il était à supposer que plusieurs Puissances ne seraient pas en situation de signer les Conventions ou Déclarations en même temps que l'Acte final, mais pourraient le faire peu après. Pour établir un lien entre les diverses signatures, on a donné aux Conventions et Déclarations, la même date qu'à l'Acte final et les Conventions et Déclarations, portant cette date uniforme, resteront ouvertes à la signature jusqu'au 31 décembre 1899. Ainsi donc toutes les Puissances qui auront signé à cette dernière date seront considérées comme également Parties contractantes du 29 juillet 1899. Quant à celles qui laisseraient passer le 31 décembre de cette année, elles auraient à adhérer suivant la procédure réglée par les diverses Conventions.

L'Acte final reproduit la Résolution votée par la Conférence sur la Proposition de M. Léon Bourgeois, en ce qui touche la limitation des forces militaires ainsi que les différents vœux.

La Commission de l'Acte final a eu aussi à arrêter le texte des préambules des diverses Conventions et Déclarations comme des clauses complémentaires (effet obligatoire, dénonciation, ratification, adhésion). Des explications ont déjà été données

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