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Départements de la justice, de l'intérieur et des colonies nommés par décret sur la proposition du Ministre de l'intérieur (1).

Les dossiers établis avec beaucoup de soin permettent à la Commission de contrôler la situation pénale des relégués et leurs antécédents judiciaires. En outre, ils contiennent des indications générales sur les ressources du relégué, ses relations de famille, sa santé, ses aptitudes physiques, sa profession, son utilisation possible dans les colonies, son état moral, sa conduite en prison et dans la vie libre.

D'après ces renseignements, la Commission examine d'abord si l'état de santé du relégué permet son transfèrement aux colonies; dans le cas de l'affirmative, s'il doit être classé à la relégation individuelle ou à la relégation collective.

Les avis motivés de la Commission portent donc sur les points suivants :

1° Dispense provisoire de départ lorsque le relégable se trouve dans un état de santé qui ne permet pas son trans

(1) Actuellement cette commission est ainsi composée :

MM. JACQUIN, conseiller d'État, président;a

YVERNES, chef de division au Ministère de la justice et des cultes, vice-président;

COMMOY, Conseiller à la cour d'appel de Paris;

REYNAUD, chef de bureau au Ministère de l'intérieur;

BOURSAUS, inspecteur général des services administratifs au Ministère

de l'intérieur;

DE LAVAISSIÈRE DE LAVERGNE, chef de bureau à l'Administration des colonies;

DALMAS, chef de bureau à l'Administration des colonies.

M. JACQUIN a remplacé M. Paul DISLERB, conseiller d'État, qui a occupé les fonctions de président pendant plus de trois ans.

fèrement immédiat (art. 11 du décret du 26 novembre

1885);

2o Dispense définitive lorsqu'il peut être considéré comme incurable (art. 6 et 11 du même décret);

3o Admission au bénéfice de la relégation individuelle lorsque le relégué a des moyens d'existence suffisants, soit par suite de ressources personnelles, soit par l'exercice d'une profession et d'un métier, et lorsque, en outre, il mérite cette faveur par son attitude en prison, les sentiments de repentir qu'il semble manifester et lorsque ses antécédents judiciaires permettent de croire qu'il n'est pas complétement gangréné, (art. 6 du même décret et décret du 25 novembre 1887);

4° Admission du relégué dans un groupe ou détachement employé sur les chantiers de travaux publics (art. 4 du décret du 26 novembre 1885 et décret du 18 février 1888):

Actuellement, il existe trois sections mobiles:

La première, créée à la Nouvelle-Calédonie pour effectuer les travaux destinés à mettre en valeur le domaine de la Ouaménie (décret du 12 février 1889);

La seconde, à la Guyane, pour assurer l'exploitation des forêts qui se trouvent dans le Haut-Maroni (décret du 12 février 1889);

La troisième, à Diégo-Suarez, pour la construction de routes et de travaux d'utilité publique (décret du 13 juin 1889).

Sont désignés pour la première et la troisième sections, les hommes de bonne conduite qui paraissent manifester des sentiments de repentir et dont les condamnations antérieures présentent peu de gravité, mais qui en l'absence de moyens d'existence reconnus, ne peuvent être mis immédiatement en relégation individuelle.

Sont désignés pour être affectés à la seconde section les

Mesures prises

par

tion

hommes qui se trouvent dans les conditions ci-dessus indiquées, mais dont les condamnations antérieures, plus nombreuses et plus graves, sont de nature à inspirer moins de confiance dans les chances de relèvement.

Dans la pensée du Département, les sections mobiles sont une étape entre la relégation collective et la relégation individuelle.

Enfin le classement à la relégation collective comprend :

1o Les individus envoyés à l'île des Pins (Nouvelle-Calédonie (décret du 20 août 1886) et la baie du Prony, sur la Grande-Terre (décret du 2 mai 1889) lorsqu'ils sont âgés, lorsque leur état de santé est moins favorable ou quand ils ne sont pas considérés comme des malfaiteurs dangereux;

2o Les individus envoyés à Saint-Jean-du-Maroni (Guyane) (décret du 24 mars 1887) lorsqu'ils sont vigoureux et lorsque leurs antécédents judiciaires, leur conduite en prison, leurs habitudes d'indiscipline, les signalent plus particulièrement à l'attention de l'Administration comme devant être soumis à une surveillance plus étroite et plus sévère.

Après avoir indiqué dans les pages qui précèdent les condil'administrations préliminaires du fonctionnement de la loi en France, il des colonies me reste à parler des mesures prises par l'Administration des transfèrement colonies pour assurer son application dans nos possessions relégués. d'outre-mer.

pour le

des

Dès 1883, après l'adoption de la loi en première lecture par la Chambre des députés, M. Brun, alors Ministre de la marine et des colonies, invita les Gouverneurs de la Guyane française et de la Nouvelle-Calédonie à étudier dans quelles conditions la foi en discussion pouvait être appliquée dans nos deux colonies pénitentiaires principalement désignées dans le projet pour recevoir des récidivistes.

« C'est une œuvre de salut, disait le Ministre, à laquelle la Marine doit s'associer, malgré les difficultés que son application pourra faire naître. De leur côté, les colonies, comme «l'a fait remarquer le rapporteur, doivent également prêter « leur concours à cette œuvre et seconder ainsi dans la mesure du possible les efforts de l'Administration métropolitaine. »

Je dois noter qu'à cette époque ces deux colonies exprimèrent des craintes très vives au sujet de l'internement des relégués dans nos possessions de l'Amérique et de l'Océanie. Mais il y a lieu de considérer que, dans les travaux préparatoires de la loi, le régime auquel devaient être soumis ces individus n'était pas suffisamment indiqué et que l'on pouvait craindre alors qu'ils ne fussent considérés comme des libérés non astreints au travail et non soumis à une surveillance effective.

Les colonies de la Guyane et de la Nouvelle-Calédonie ont pu se convaincre depuis que leurs craintes n'étaient pas fondées et que les mesures d'ordre et de surveillance édictées par la suite à l'égard des relégués étaient suffisantes pour défendre nos colonies pénitentiaires contre les entreprises criminelles de cette catégorie d'individus.

Cependant, il faut reconnaître que ces préoccupations n'ont pas complétement disparu parmi les populations des autres colonies françaises et que les tentatives faites par le Département pour les amener à utiliser la main-d'œuvre des relégués n'ont pu jusqu'ici aboutir. Deux circulaires du service des colonies, en date des 10 novembre 1885 et 2 avril 1886, avaient prescrit aux administrations coloniales d'étudier s'il ne serait pas possible d'employer les relégués à des travaux d'utilité publique et si ceux admis au bénéfice de la relégation individuelle ne pourraient pas trouver certaines facilités pour s'établir et vivre du produit de leur travail.

Toutes les colonies ont répondu par une fin de non-recevoir en s'appuyant, soit sur la situation économique de nos possessions d'outre-mer, soit sur le prix peu élevé de la main-d'œuvre indigène comparé à celui qu'il serait nécessaire d'attribuer aux relégués pour lui permettre de faire face à leurs dépenses d'entretien, soit enfin sur la répugnance manifestée par nos colonies au point de vue du contact possible avec cette population de malfaiteurs d'habitude.

Mayotte avait cependant, par l'organe de son Gouverneur, M. Gerville-Réache, aujourd'hui gouverneur à la Guyane, admis la possibilité de l'envoi de quelques relégués individuels, mais le Département dut ajourner cette expérience devant les protestations du délégué de cette colonie, qui se fit l'écho auprès du Ministre des craintes exprimées par les habitants de la colonie au sujet de l'introduction de ces individus dans nos possessions de l'Océan Indien.

Faut-il en conclure qu'il est impossible d'appliquer la relégation individuelle ou collective dans des colonies autres que la Guyane et la Nouvelle-Calédonie ? Nous ne le pensons pas. Il est certain que, dans nos vieilles possessions françaises comme les Antilles et la Réunion, il ne faut pas penser à utiliser cette main-d'œuvre. Mais il y a dans les autres colonies des travaux d'utilité publique et de colonisation qui peuvent être exécutés par des récidivistes organisés surtout en sections mobiles. Les conditions d'ordre et de displicine qui résultent des règlements d'administration publique garantissent suffisamment la sécurité de nos établissements coloniaux, et l'on peut affirmer que bien dirigés et bien surveillés les relégués peuvent dans certains cas devenir les pionniers de la colonisation, surtout dans les colonies de peuplement.

L'Administration des colonies a le devoir d'étudier cette question à ce point de vue spécial et, en agissant avec prudence

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