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matiques. Une loi du 3 août 1844 a porté ce dernier droit à vingt années. Mais, si cette loi corrigeait une anomalie, elle laissait subsister des inégalités que rien n'expliquait, dans la durée des droits des veuves sur les œuvres de leurs maris. La loi du 8 avril 1854 a enfin introduit une sage et juste uniformité, en déclarant que les veuves des auteurs, compositeurs et artistes, jouiront dorénavant, pendant leur vie, de tous les droits qui leur sont garantis par les lois et décrets antérieurs.

C. Enfants. En l'absence de veuve, ou lorsque, soit en vertu des conventions matrimoniales, soit par l'effet de sa renonciation, soit enfin par suite de son décès, les droits d'auteur ne peuvent être attribués à la veuve ou cessent de lui appartenir, ils passent aux enfants, ce qui ne comprend pas seulement tous les descendants en ligne directe, mais encore les enfants adoptifs et les enfants naturels. - Quant à la durée de leurs droits, égale, dans l'origine, à celle des droits de la veuve, elle avait été portée à vingt ans par les décret et loi précités de 1810 et 1844, mais pour les œuvres littéraires et dramatiques seulement. Depuis la loi de 1854, elle est, indistinctement pour toutes les œuvres protégées par la législation, de trente années effectives, qui ne courent que du jour de leur entrée en jouissance, c'està-dire soit du décès de l'auteur, soit de l'extinction des droits de la veuve.

D. Héritiers. Lorsqu'il n'y a ni veuve ni enfants, ou qu'ils décèdent, l'ouverture et la durée des droits de tous les autres héritiers se trouvent encore aujourd'hui réglées par les lois combinées de 1791 et 1793, ce qui, d'après l'arrêt précité de la Cour de cassation, établit à leur profit un maximum uniforme de jouissance de dix années, à partir du décès de l'auteur, pour toutes les productions littéraires, dramatiques, musicales ou artistiques. Il en résulte que si la jouissance de la veuve ou des enfants a dépassé ce terme, l'œuvre, à leur décès, tombe dans le domaine public.

E. - Cessionnaires. En principe, les droits des cessionnaires ne peuvent pas être plus étendus que ceux du cédant. Si donc, l'on comprend que la veuve ou les enfants, une fois qu'ils sont investis par le décès de l'auteur, puissent transmettre à des cessionnaires la plénitude des droits qu'ils tiennent de la loi, on a de la peine à concevoir que le cessionnaire direct de l'auteur, alors surtout qu'il a été investi de son vivant, puisse avoir des droits plus étendus que l'héritier ordinaire; aussi, nous paraît-il constant que, pour toutes les productions musicales ou artistiques, aussi bien que pour les représentations théâtrales, les droits des cessionnaires ou légataires de l'auteur expirent uniformément dix années après sa mort, quelles que soient la qualité de ses héritiers ou représentants légaux et l'étendue des droits dont ils se seraient trouvés investis, sans la disposition entre-vifs ou testamentaire qui les a écartés. Mais en est-il de même pour le droit de reproduction, par la voie de l'impression, des œuvres dramatiques et littéraires? Le doute naît de la rédaction assez ambiguë de l'article 40 du décret du 5 février 1810, qui parait faire dépendre la durée de la jouissance des cessionnaires de l'auteur de celle qui appartiendrait à ses représentants légaux, s'il n'en avait pas disposé. Telle est, en effet, l'interprétation qui est généralement admise, de telle sorte, qu'en matière de propriété littéraire, le cessionnaire conserve son droit, non-seulement pendant la vie de l'auteur, mais encore pendant celle de la veuve, si le contrat de mariage ne s'y oppose pas; pendant vingt ans, après la mort de l'un et de l'autre, si l'auteur laisse des enfants; et pendant dix ans seulement, s'il ne laisse ni veuve ni enfants. C'est là une anomalie de plus à signaler dans cette législation, qui, faite de pièces et de morceaux, manque d'homogénéité, et aurait grand besoin d'être complétement refondue. Quoi qu'il en soit, remarquons: 1° que ces différences dans l'étendue des droits du cessionnaire, ne peuvent se pré

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senter que lorsque la cession a été faite sans réserves ni limites; 2° que les lois précitées du 3 août 1844 et 8 avril 1854 étant spéciales aux veuves et aux enfants, elles ne peuvent rien ajouter aux droits du cessionnaire; 3° qu'à l'expiration de sa jouissance, par l'échéance, soit du terme conventionnel fixé dans l'acte de cession, soit du terme légal, la veuve ou les enfants, s'ils ont survécu, rentreront, pour le temps restant à courir, dans l'exercice des droits qu'ils tiennent directement de la loi.

§ 6. contrefaçon. Toute atteinte portée aux droits de l'auteur ou des propriétaires d'une œuvre littéraire, musicale ou artistique est une contrefaçon, et toute contrefaçon, dit l'art. 425 du Code pénal, est un délit. Il suffit qu'il y ait un préjudice possible, soit à la réputation de l'auteur, soit au droit d'exploitation, pour qu'il y ait ouverture à une action. Ainsi, l'usurpation partielle, indirecte, déguisée, est aussi bien réprimée par la loi que l'usurpation totale et patente, sauf aux tribunaux à mesurer la répression sur la gravité du délit et l'étendue du préjudice.-La contrefaçon est également indépendante du mode de publication. Elle peut exister encore, bien qu'il n'y ait identité ni dans le procédé de reproduction, ni dans la nature et la matière de l'objet reproduit, ni dans l'usage et la destination. Pour citer quelques exemples, il peut y avoir contrefaçon dans le fait 1° d'usurper le titre et l'ordre des matières d'un livre; 2o de multiplier les citations d'un ouvrage au point d'en donner les portions essentielles sous le prétexte de les critiquer; 3° d'extraire d'un opéra ou d'une symphonie un air détaché pour le publier isolément, et vice versa, d'intercaler dans un opéra ou dans un recueil une romance ou un air publié séparément; 4° d'emprunter à une tragédie, à un drame ou à une comédie, le sujet, les scènes et les personnages, pour en faire le libretto d'un opéra, même écrit dans une autre langue; 5o de transformer en pièce de théâtre un roman ou une nou

velle; 6o de reproduire sur étoffe, sur papiers peints, porcelaines et cristaux, des tableaux et gravures; 7° de reproduire, par la gravure ou la photographie, des statuettes et œuvres d'art, etc., etc. Remarquons enfin, qu'il peut y avoir contrefaçon dans le fait de reproduction d'une œuvre dont le sujet est dans le domaine public, si, au lieu de reproduire ou imiter l'objet lui-même, on s'empare de tout ou partie du travail d'autrui, par exemple, en reproduisant trop servilement une compilation, en décalquant ou en photographiant la gravure moderne d'un ancien tableau ou d'un monument public, ou bien encore, en surmoulant une statue réduite de l'antique, alors même que cette réduction a été obtenue par des procédés mécaniques.

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§ 7. Débit et introduction en France d'objets contrefaits. Le débit, l'exposition, la mise en vente et l'introduction en France d'objets contrefaits, constituent des délits distincts, mais de la même espèce que le délit de contrefaçon. Seulement, à la différence des auteurs ou coauteurs de la contrefaçon, qui sont nécessairement responsables de leurs actes et ne sauraient, en général, prétexter ignorance, puisqu'ils savaient, au moins, que le livre ou le modèle usurpé ne leur appartenait pas, les débitants sont plus facilement admis à opposer leur bonne foi, et c'est au plaignant à établir qu'ils sont en faute. Mais, ainsi que nous le verrons au § 9, la confiscation doit être ordonnée dans tous les cas.

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§ 8. Transit. Importation. L'article 8 de la loi de douanes du 6 mai 1841 porte que les contrefaçons en librairie, gravure ou lithographie, sont exclues du transit accordé aux marchandises prohibées par l'art. 3 de la loi du 9 février 1832. La fabrication et le commerce de ces dernières, en effet, sont parfaitement licites, et la prohibition ne portant que sur leur introduction et mise en vente en France, on a pu et dû en autoriser le transit. Mais il n'en pouvait être de même des ou

vrages contrefaits, qui sont entachés d'un vice originel et indélébile. Les propriétaires des œuvres originales seraient donc en droit de faire saisir directement et à leur requête les contrefaçons qui, par erreur ou insuffisance de renseignements, auraient été admises au transit, en France. Quant aux ouvrages dont la propriété est établie en pays étranger et qui ne sont pas soupçonnés de contrefaçon, ils sont admis tant au transit qu'à l'importation, mais seulement aux bureaux de douanes désignés par l'autorité (Voir à la 3o section le texte de la loi du 6 mai 1841 et de l'ordonnance du 13 décembre 1842).

Il résulte, d'ailleurs, des termes du même article, et particulièrement de la discussion à laquelle il a donné lieu à la Chambre des députés, que, contrairement au principe posé dans la loi sur les brevets d'invention, les auteurs français étaient autorisés et pouvaient même avoir un grand intérêt, avant la conclusion des traités internationaux sur la garantie réciproque de la propriété littéraire, à établir d'abord la propriété de leurs œuvres en pays étranger et à les y faire imprimer, puisqu'ils avaient, dans ce cas, la faculté de les faire admettre en France, soit au transit, soit même à l'importation, à la seule condition d'acquitter les droits et de produire un certificat d'origine relatant le titre de l'ouvrage, le lieu et la date de l'impression, et le nombre des volumes brochés ou reliés à introduire. Cette faculté ne leur est pas retirée, mais accordée dans le but de permettre aux auteurs d'empêcher les contrefaçons étrangères; elle a perdu une grande partie de son importance depuis les traités internationaux, et particulièrement depuis celui conclu avec la Belgique.

§ 9. Poursuites et compétence. Lorsqu'un auteur, compositeur ou artiste, ou ses ayants cause, croient avoir à se plaindre d'une contrefaçon, ils peuvent indistinctement porter plainte en se constituant partie civile, ou agir par voie

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