Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

Portant promulgation de la convention, conclue le 29 juin 1862, entre la France et le royaume d'Italie, pour la garantie de la propriété littéraire et des dessins et marques de fabrique.

« NAPOLÉON, etc.-Sur le rapport de notre ministre des affaires étrangères, Avons décrété et décrétons ce qui suit :

ART. 1er. Une convention ayant été conclue, le 29 juin 1862, entre la France et le royaume d'Italie, pour la garantie réciproque de la propriété des œuvres d'esprit et d'art, et les ratifications de cet acte ayant été échangées à Paris le 13 du présent mois, ladite convention, dont la teneur suit, recevra sa pleine et entière exécution.

CONVENTION.

S. M. l'Empereur des Français et S. M. le Roi d'Italie, également animés du désir d'apporter aux accords internationaux existants pour la garantie de la propriété littéraire et artistique, les modifications que l'expérience a suggérées, ont jugé à propos de conclure, dans ce but, une nouvelle convention spéciale, et ont nommé, à cet effet, pour leurs plénipotentiaires, savoir:

«S. M. l'Empereur des Français, le sieur VINCENT BENEDETTI, grand officier de l'ordre impérial de la Légion d'honneur, grand officier de l'ordre des Saints Maurice et Lazare, etc., etc., son envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près S. M. le Roi d'Italie: Et S. M. le Roi d'Italie, le sieur LOUIS-AMÉDÉE MELEGARI, commandeur de l'ordre des Saints Maurice et Lazare, député au parlement national, conseiller d'Etat, etc; lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs respectifs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :

« ART. 1er. Les auteurs de livres, brochures ou autres écrits, de compositions musicales, d'œuvres de dessin, de peinture, de sculpture, de gravure, de lithographie et de toutes autres productions analogues du domaine littéraire ou artistique, jouiront, réciproquement dans chacun des deux Etats, des avantages qui y sont ou y seront attribués par la loi à la propriété des ouvrages de littérature ou d'art; et ils auront contre toute atteinte portée à leurs droits la même protection et le même recours légal que si cette atteinte s'adressait aux auteurs d'ouvrages publiés pour la première fois dans le pays même. Toutefois, ces avantages ne leur seront réciproquement assurés que durant l'existence de leurs droits dans

le pays où la publication originale a été faite et la durée de leur jouissance dans l'autre pays ne pourra excéder celle fixée par la loi pour les auteurs nationaux.

«La propriété des œuvres musicales s'étend aux morceaux dits arrangements, composés sur des motifs extraits de ces mêmes œuvres. Les contestations qui s'élèveraient sur l'application de cette clause demeureront réservées à l'appréciation des tribunaux respectifs.

« Tout privilége ou avantage qui serait accordé ultérieurement à un autre pays par l'un des deux pays contractants, en matière de propriété d'œuvres de littérature ou d'art, dont la définition est donnée dans le présent article, sera acquise de plein droit aux citoyens de l'autre.

« ART. 2. Pour assurer à tous les ouvrages d'esprit on d'art la protection stipulée dans l'article précédent et pour que les auteurs ou éditeurs de ces ouvrages soient admis en conséquence à exercer devant les tribunaux des deux pays des poursuites contre les coutrefaçons, il suffira que lesdits auteurs ou éditeurs justifient de leur droit de propriété en établissant, par un certificat de l'autorité publique compéteute eu chaque pays, que l'ouvrage en question est une œuvre originale qui, dans le pays où elle a été publiée, jouit de la protection légale contre la contrefaçon ou la reproduction illicite. Pour les ouvrages publiés en France, ce certificat sera délivré par le bureau du dépôt légal et de la propriété littéraire au ministère de l'intérieur et légalisé par la mission d'Italie à Paris; pour les ouvrages publiés dans le royaume d'Italie, il sera délivré par le ministère de l'agriculture, industrie et commerce, et légalisé par la mission de France à Turin.

« ART. 3. La traduction faite dans l'un des deux Etats d'un ouvrage publié dans l'autre Etat est assimilée à sa reproduction et comprise dans les dispositions de l'article 1er, pourvu que l'auteur, en faisant paraitre son ouvrage, ait notifié au public qu'il entend le traduire lui-même et que sa traduction ait été publiée dans le délai d'un an, à partir de la publication du texte original.

• ART. 4. Afin de pouvoir constater d'une manière précise dans les deux Etats le jour de la publication d'un ouvrage, on se règlera sur la date du dépôt qui en aura été opéré dans l'établissement public préposé à cet effet. Si l'auteur entend réserver son droit de traduction, il en fera la déclaration en tête de son ouvrage et mentionnera à la suite de cette déclaration la date du dépôt. A l'égard des ouvrages qui se publient par livraisons, il suffira que cette déclaration de l'auteur soit faite dans la première livraison. Toutefois, le terme fixé pour l'exercice de ce droit ne commencera à courir qu'à dater de la publication de la dernière livraison, pourvu d'ailleurs qu'entre les deux publications il ne s'écoule pas plus de trois ans. Relativement auxdits ouvrages publiés par livraisons, l'indication de la date du dépôt devra être apposée sur la dernière livraison, à partir de laquelle commence le délai fixé pour l'exercice du droit de traduction.

ART. 5. Sont expressément assimilées aux ouvrages originaux les traductions faites dans l'un des deux Etats d'ouvrages nationaux ou étrangers. Ces traductions jouiront, à ce titre, de la protection stipulée par l'article 1er, en ce qui concerne leur reproduction non autorisée dans l'autre Etat. Il est bien entendu toutefois que l'objet du présent article est simplement de protéger le traducteur, par rapport à la version qu'il a donnée de l'ouvrage original, et non pas de conférer le droit exclusif de traduction au premier traducteur d'un ouvrage quelconque écrit en langue morte ou vivante, si ce n'est dans le cas et les limites prévus par l'article ci-après.

ART. 6. Les stipulations contenues dans l'article 1er s'appliquent également à la représentation et à l'exécution en original ou en traduction des œuvres dramatiques ou musicales, en tant que les lois de chacun des deux Etats garantissent ou garantiront, par la suite, protection aux œuvres susdites, exécutées ou représentées pour la première fois sur les territoires respectifs. Pour obtenir la garantie exprimée dans le présent article, en ce qui touche la représentation ou exécution d'une œuvre dramatique ou musicale, il faut que, dans l'espace de six mois après la publication ou la représentation de l'original dans l'un des deux pays, l'auteur en ait fait paraître la traduction dans la langue de l'autre pays.

« ÅKT. 7. Les mandataires légaux ou ayants cause des auteurs, traducteurs, compositeurs, dessinateurs, peintres, sculpteurs, lithographes, photographes, etc., jouiront des mêmes droits que ceux que la présente convention accorde aux auteurs, traducteurs, compositeurs, dessinateurs, peintres, sculpteurs, graveurs, lithographes ou photographes eux-mêmes. « ART. 8. Nonobstant les stipulations des articles 4er et 5 de la présente convention, les articles extraits des journaux ou recueils périodiques publiés par l'un des deux pays pourront être reproduits ou traduits dans les journaux ou recueils périodiques de l'autre pays, pourvu qu'on y indique la source à laquelle on les aura puisés. Toutefois, cette faculté ne s'étendra pas à la reproduction dans l'un des deux pays des articles de journaux ou de recueils périodiques publiés dans l'autre, lorsque les auteurs auront formellement déclaré, dans le journal ou dans le recueil même où ils les auront fait paraître, qu'ils en interdisent la reproduction. En aucun cas, cette interdiction ne pourra atteindre les articles de discussion politique.

« ART. 9. L'introduction, l'exportation, le transit, la vente et l'exposition dans chacun des deux Etats, d'ouvrages ou objets dont la reproduction n'est pas autorisée, définis par les articles 1er, 4, 5 et 6, sont prohibés, sauf ce qui est dit à l'article 12, soit que les reproductions non autorisées proviennent de l'un des deux pays, soit qu'elles proviennent d'un pays étranger quelconque.

« ART. 40. En cas de contravention aux dispositions des articles précédents, la saisie des objets de contrefaçon sera opérée, et les tribunaux ap

pliqueront les pénalités déterminées par les législations respectives, de la même manière que si l'infraction avait été commise au préjudice d'un ouvrage ou d'une production d'origine nationale. Les caractères constituant la contrefaçon seront déterminés par les tribunaux de fun et de l'autre pays, d'après la législation en vigueur dans chacun des deux Etats.

« ART. 11. La présente convention ne pourra faire obstacle à la libre continuation de la vente, publication on introduction, dans les Etats respectifs, des ouvrages qui auraient été déjà publiés en tout ou en partie dans l'un d'eux, avant la mise en vigueur de la convention du 28 août 1843, pourvu qu'on ne puisse postérieurement faire aucune autre publication des mêmes ouvrages, ni introduire de l'étranger des exemplaires autres que ceux destinés à compléter les expéditions ou souscriptions précédemment commencées.

« ART. 12. Les livres importés du royaume d'Italie continueront à être admis en France, tant à l'entrée qu'au transit direct ou par entrepôt, par tous les bureaux qui leur sont actuellement ouverts ou qui pourraient l'être par la suite. Si les intéressés le désirent, les livres déclarés à l'entrée seront expédiés directement en France à la direction de l'imprimerie et de la librairie au ministère de l'intérieur, et en Italie au ministère d'agriculture, industrie et commerce, pour y subir les vérifications nécessaires, qui auront lieu, au plus tard, dans le délai de quinze jours.

ART. 13. Les sujets de l'une des hautes parties contractantes jouiront, dans les Etats de l'autre, de la même protection que les nationaux, pour tout ce qui concerne la propriété des marques de fabrique ou de commerce, ainsi que des dessins ou modèles industriels et de fabrique de toute espèce. Le droit exclusif d'exploiter un dessin ou modèle industriel ou de fabrique ne peut avoir au profit des Français en Italie, et réciproquement au profit des Italiens en France, une durée plus longue que celle fixée par la loi du pays à l'égard des nationaux. Si le dessin ou modèle industriel ou de fabrique appartient au domaine public dans le pays d'origine, il ne peut être l'objet d'une jouissance exclusive dans l'autre pays. Les dispositions des deux paragraphes qui précèdent sont applicables aux marques de fabrique ou de commerce.

Les droits des sujets de l'une des hautes parties contractantes dans les Etats de l'autre ne sont pas subordonnés à l'obligation d'y exploiter les modèles ou dessins industriels ou de fabrique.

« Le présent article ne recevra son exécution dans l'un et l'autre pays, à l'égard des modèles ou dessins industriels ou de fabrique, qu'à l'expiration d'une année à partir de ce jour.

Les Français ne pourront revendiquer en Italie la propriété exclusive d'une marque, d'un modèle ou d'un dessin, s'ils n'en ont déposé deux exemplaires au bureau central des privatives industrielles à Turin. Réciproquement, les Italiens ne pourront revendiquer en France la propriété exclusive d'une marque, d'un modèle ou d'un dessin, s'ils n'en ont déposé

deux exemplaires à Paris, au greffe du tribunal de commerce de la Seine.

ART. 14. Les dispositions de la présente convention ne pourront porter préjudice, en quoi que ce soit, au droit qui appartiendrait à chacune des deux hautes parties contractantes de permettre, de surveiller ou d'interdire, par des mesures de législation ou de police intérieure, la circulation, la représentation ou l'exposition de tout ouvrage ou production à l'égard desquels l'autorité compétente aurait à exercer ce droit. Chacune des deux hautes parties contractantes conserve, d'ailleurs, le droit de prohiber l'importation dans ses propres Etats des livres qui, d'après ses lois intérieures ou des stipulations prescrites avec d'autres puissances, sont ou seraient déclarés être des contrefaçons.

a

ART. 15. Pour faciliter la pleine exécution du présent traité, les deux hautes parties contractantes promettent de se donner mutuellement connaissance de tous les règlements, ordonnances et mesures d'exécution quelconques qui seraient décrétés dans l'un et l'autre pays concernant les matières réglées dans la convention présente, ainsi que des changements qui pourraient survenir dans la législation des deux pays en ce qui touche la garantie de la propriété littéraire et artistique.

ART. 16. La présente convention demeurera en vigueur pendant douze années, à partir du jour de l'échange des ratifications. Dans le cas où aucune des deux hautes parties contractantes n'aurait notifié, une année avant l'expiration de ce terme, son intention d'en faire cesser les effets, la convention continuera à être obligatoire encore une année, et ainsi de suite, d'année en année, jusqu'à l'expiration d'une année à partir du jour où l'une des parties l'aura dénoncée. Les hautes parties contractantes se réservent cependant la faculté d'apporter d'un commun accord à la présente convention toute modification dont l'expérience viendrait à démontrer l'opportunité.

« ART. 17. La présente convention sera ratifiée, et les ratifications en seront échangées à Paris dans le délai de deux mois, ou plus tôt si faire se peut. En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs l'ont signée et y ont apposé le cachet de leurs armes.

« Fait en double expédition, à Turin, le 29 juin 1862.

[ocr errors]

Signé, V. BENEdetti. Signé, MELEGARI.

« ART. 2. Notre ministre des affaires étrangères est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Biarritz, le 24 septembre 1862.

> Vu et scellé du sceau de l'Etat;

Le garde des `sceaux,

ministre de la justice,

« DEJANGLE. ›

« NAPOLÉON.

Par l'Empereur :

Le ministre des affaires étrangères,

<< THOUVENEL »

« PreviousContinue »