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à droit & à gauche, il y eut un combat très-vif, où les Corfaires furent mal menés. Leur défaite auroit été entière, fi la vivacité du foldat vainqueur qui les pourfuivoit l'épée dans les reins, le long du rivage de la mer, n'eût été ralentie par le grand feu du canon de la flotte. Chinchikong ayant reçu les fuyards fur fes vaiffeaux, s'éloigna promptement pour aller mettre fes bleffés & fon riche butin en fûreté.

Les Mancheoux devenus maîtrés de la campagne, ne tardèrent pas à inveftir Haytonching du côté de la terre: mais comme ils n'avoient ni barque ni autre bâtiment de mer, l'entrée du port refta toujours libre. Dès le lendemain les échelles furent plantées en plufieurs endroits; on y monta avec beaucoup d'empreffement, & on fe battit au haut des murs pendant trois heures de fuite. Ce temps écoulé, le Général Tartare voyant qu'il perdoit bien du monde, fans efpérance de pouvoir emporter la

Place, fit prudemment fonner la retraite, bien déterminé cependant à recommencer au premier jour.

Chinchikong apprit avec joie la bonne défense de ses gens : mais ne doutant pas que les Mancheoux ne fiffent bientôt une seconde tentative plus forte encore que la première, à laquelle on ne pourroit réfifter, il envoya plufieurs barques au port de Haytonching pour y recevoir la garnifon & tous ceux des habitans qui voudroient s'embarquer avec elle. Cet embarquement fe fit durant la nuit, & dès le grand matin la Ville ouvrit fes portes aux affiégeans.

L'infatigable Corsaire continua les années fuivantes fes pirateries le long des côtes, fans fe donner le temps de faire quelque expédition importante, & fans que l'Empereur penfât férieufement à relever fa marine, ou plutôt à en former une. On étoit perfuadé à la Cour de Pekin, qu'il fuffifoit

d'avoir fur pied d'excellentes troupes de terre, & qu'une dépenfe en bâtimens de mer étoit abfolument fuperflue pour affermir la domination tartare. Un préjugé fi conforme au génie lourd & borné des Mandarins Chinois étoit de plus pardonnable aux Mancheoux, gens encore à demi barbares, & qui ne faifoient que de s'établir à la Chine. Mais ce qui étonne & qu'on ne peut aifément comprendre, c'est l'opiniâtreté avec laquelle on s'attacha à cette idée, malgré les preuves invincibles qu'on avoit journellement de fa fauffeté. L'excès des maux que l'Empire eut à fouffrir de cette indolence des Miniftres alla enfin fi loin en 1658, qu'on réfolut alors tout de bon, quoibien tard, de faire conftruire des Vaiffeaux, (18) & de les

que

(18) Les Vaiffeaux Chinois qu'ils appellent Chuen ou Jonks, ne font à proprement parler que des barques plates à deux

mâts. Les plus grandes font du port de trois cens tonneaux des nattes de Bambou, qui s'ouvrent à la maniè re de nos Brizevents,

2

Chin

s'éta

blit dás

ming.

armer en diligence. Voici à quelle occafion la Cour ouvrit les yeux fur l'indifpenfable néceffité d'avoir une armée navale.

Chinchikong las de courir en

chikōg avanturier, fe mit en tête de fe faire à la Chine un établissement l'Ile de confidérable, en fe rendant maître Tlongpeu à peu de la Province de Kiannang. Il s'empara d'abord de la petite Ifle de Tsongming, (19) où il fit conftruire un grand arcenal, abondamment pourvu de toute forte d'armes & de provifions. Les Miniftres Impériaux virent tout cela d'un oeil tranquille, ne croyant pas, ou plutôt affectant de ne pas croire que le Corfaire

leur fervent de voiles.
Nos Navigateurs pa-
roiffent faire fort peu
de cas de ces fortes
de bâtimens ils en
louent feulement la
légéreté & les divers
enjolivemens qu'on y
voit.

(19) L'ifle deTfong-
ming eft à l'embou-
chure du Kiang, éloi-
gnée de cinq lieues de
la côte; fa longueur

eft d'environ vingt lieuës fur cinq ou fix de largeur. L'induf trie feule des habitans a pu la rendre fertile: fon terrein n'étant anciennement qu'une vafte étendue de fable. Sa Ville appellée Tfongming hyen eft au 31 d 36 m. de latitude, & au 139 d. 6 m, 30 f, de longis rude,

ofât porter fes vues plus loin, qu'à fe procurer une retraite fure & commode, d'où l'on comptoit bien de le chaffer tôt ou tard. Mais l'ouvrage étant achevé, les Mancheoux reconnurent bientôt qu'ils s'étoient trompés au fujet de ce Corfaire, en s'imaginant que cet implacable ennemi de leur nation s'arrêteroit de lui-même en fi beau chemin.

remon

& vient

mettre

devant

Ayant augmenté & raffemblé à Chinloifir toutes fes forces dans fon chikóg Ifle, il entra tout à coup dans le te le Kiang, & remonta ce fleuve avec Kiang, une flotte de huit cens voiles jufqu'à Nankin, qu'il fe mit en de- le fiége voir d'affiéger. Ce n'étoit point Nanlà une fimple bravade : l'intention kin. du Corfaire étoit bien férieufement de ferrer de près cette grande Ville, de la forcer à fe rendre, & de s'y fixer. Il faut même avouer qu'eu égard aux circonstances de cette entreprise, tout fembloit promettre à Chinchikong un heureux fuccès.

La Place étoit mal pourvue de

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