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& les poursuivit fi chaudement, que ces troupes difparurent à la fin. Une partie néanmoins trouva fon falut dans la fuite, & alla porter l'allarme jusques dans Nankin. On dit alors ce qu'on dira toujours en pareille occafion, que, fi le vainqueur eût mieux fçu profiter de fa victoire, en fe jettant tout de fuite dans le Kiangnan, cette Province en tout ou en partie, auroit été perdue pour les Mancheoux. Mais Kinchinhoan n'avoit à proprement parler d'autre deffein alors bien formé que la réduction de Kantcheou, où la vengeance & le dépit l'appelloient nuit & jour pour fe fatisfaire. Ainfi tout occupé de cette idée, il crut en avoir affez fait de diffiper entièrement les troupes qui auroient pu fecourir la Ville qu'il vouloit prendre.

Il étoit cependant plus éloigné que jamais de la conquête qu'il méditoit. Le fecours qu'il venoit de battre n'avoit été envoyé dans la Province rebelle, que par le

Tfongtou du Kiangnan. La Cour n'y étoit entrée pour rien; & peut-être ignoroit-elle encore cette tentative un peu hazardée. Les troupes qu'elle deftinoit à une expédition dans le Kiangfi étoient tout autrement refpectables par leur nombre, & plus conformes à la manière de penfer du Prince Régent.

A peine avoit-il appris la défection de cette Province, qu'il réfolut d'y faire paffer autant de monde qu'il en falloit pour accabler en une feule campagne le parti de Kinchinhoan. » L'effentiel pour >nous, difoit ce Prince, eft d'abré»ger le plus qu'il fe peut nos opé»rations. Des forces médiocres >> ne font que les allonger, & ne >>fervent même le plus fouvent » qu'à favorifer la résistance de nos » ennemis qui s'aguerriffent tou»jours plus, en combattant contre >>nous avec l'avantage du nombre. Suivant cette maxime, dont l'examen réfléchi eft uniquement du reffort des Officiers Généraux &

Kin

hoan

ment de

cheoux.

des Miniftres, Néchingouang avoit fi bien fait, que près de cent vingt mille hommes fe trouvèrent au temps marqué devant Nankin d'où ils partirent bientôt pour entrer tous enfemble dans le Kiangfi.

Au bruit de cette inondation de chin- Tartares, Kinchinhoan qui avoit évite repris la route de Kantcheou, resçavã ̧ vint de nouveau fur fes pas, & comba marcha droit à l'ennemi, dont il tre une s'approcha de bien près. Mais fe grande armée voyant fi inférieur en nombre, il deMan- ne s'avifa pas de l'attaquer. Ce qu'il crut avoir de mieux à faire, fut de fe mettre à l'abri lui-même de toute attaque défavantageufe de la part des Mancheoux, & d'empêcher qu'à la faveur de leur multitude, ils ne vinffent à bout de l'enfermer. C'eft à quoi il s'attacha uniquement; & par les poftes qu'il fçut prendre à propos, il y réuffit en habile homme. Plus les Tartares cherchoient l'occafion de fe battre, & plus il s'appliquoit à Péviter; s'étendant plus ou moins

& fe tournant à droite ou à gauche, felon que l'ennemi varioit fa pofition. Ce manége dura plufieurs mois, & il auroit continué tout le refte de la campagne, au désavantage des Mancheoux, que cette inaction rebutoit fenfiblement ; fi leur Général ne l'eût terminé enfin par un de ces coups de maître qui donnent le change à l'ennemi. Kinchinhoan à la vue d'un mouvement qu'il vit faire aux Tartares, fe laiffa perfuader qu'ils en vouloient à Nanchang, (2) Capitale de la Province, dont la prife auroit entraîné la perte de tout le Kiangfi. Prévenu de cette idée, il prend chinavec lui ce qu'il avoit de meilleur hoan fe dans fes troupes, & va s'enfer- en fermer dans la Ville qu'il croit mena- mer das cée. Sa réfolution étoit d'y faire chang.

(2) Nanchang fou eft encore aujour d'hui une des plus floriffantes Villes de la Chine, très-célébre par fon commerce de porcelaine, & par la fertilité admirable de fon terroir. A peine y apperçoit

on quelques traces de
l'affreux état où les
Tartares la réduifi-
rent, après qu'ils
Peurent prise d'af-
faut. Sa fituation est
au 28 d. 37 m. 12 f.
de latitude, & au 133
d. 39 m. 41 f. de lon-
gitude.

Kin

laiffe

Nan

périr l'armée ennemie, fi elle ofoit en faire le fiége. Elle l'ofa, & s'en trouva en effet très-mal. Kinchinhoan se montroit par-tout, & fes foldats animés par fon exemple fe défendoient en défefpérés. Le Général Mancheou, qui s'étoit d'abord applaudi de fa manoeuvre, ne fut pas long-temps à comprendre que la réduction de Nanchang lui coûteroit cher s'il s'opiniâtroit à pouffer vivement le fiége de cette Ville. Il prit donc le parti de l'affamer, en la bloquant de façon que rien ne pût y entrer, & qu'il fût impoffible d'en fortir. Ce deffein s'exécuta à la manière des Mancheoux: on creufa un large foffé, devant lequel on éleva de fortes redoutes, bien garnies d'artillerie, & placées en une telle diftance les unes des autres, qu'elles pouvoient fe défendre mutuellement.

Au bout de deux mois les affiégés fe trouvèrent dans un véritable état de fouffrance, & Kinchinhoan fut pleinement convaincu

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