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A cette jaloufie des lettrés Chi- Jalounois contre les habiles Mathéma- fie de quelticiens venus d'Europe, fuccéda ques quelques années après, c'eft-à- Tartadire au commencement de 1672, tre Ouun trait de cette même paffion de fákouei. la part des Courtifans Tartares contre le Chinois le plus illuftre qu'il y eût alors dans l'Empire. Les fuites en furent fi terribles, qu'elles faillirent à renverser l'Empereur de fon thrône, & à renvoyer les Mancheoux dans le Leaotong.

Oufankouei, Prince de Yunnan & de Koueitcheou, s'appliquoit à rendre fes peuples heureux. Mais fçachant bien que le bonheur des fujets eft abfolument fondé fur la crainte que le Souverain infpire aux ennemis du dehors, & fur le refpe&t qu'il imprime dans ceux du dedans, ce fage Feudataire avoit fur pied un bon corps de troupes bien entretenu & bien exercé.

Les Grands de la Cour qui lui -portoient envie, découvrirent dans cette précaution d'être toujours Tome II,

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armé, un fujet fpécieux de le calomnier. Ils firent entendre à l'Empereur, » que ce fier Chinois n'a>> voit jamais pardonné aux Tarta» res la conquête de fa patrie; que » fon reffentiment, loin d'être af» foibli par les années, n'en deve»noit que plus opiniâtre & plus » vif; que tous les mécontens enfin » avoient les yeux fur ce fuperbe » Vaffal pour le feconder ouver»tement, dès qu'il auroit une fois » tiré l'épée.

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Ce n'étoient-là, je l'avoue, que des difcours affez mal fondés. Oufankouei fe trouvoit déjà avancé en âge: & on sçait combien font alors puiffans les charmes d'un doux repos. Son fils aîné, élevé à la Cour de Pekin, fervoit d'ôtage à l'Empereur de la fidélité qu'il lui devoit ; & s'il entretenoit une armée dans le Yunnan, le motif en devoit paroître évidemment jufte à quiconque examinoit fans prévention l'état des chofes. Auffi vit-on long-temps le jeune Momarque peu difpofé à recevoir les

impreffions dangereufes qu'on vouloit lui donner fur le compte du Prince de Yunnan. Fatigué cependant au bout de quelques mois des requêtes qu'on lui préfentoit chaque jour à ce fujet, il crut devoir les faire ceffer en mettant Oufankouei à portée de fe juftifier pleinement. Dans cette vue il lui L'Emdonna ordre de venir à Pekin pereur , appelle pour rendre fon hommage en per- Oufanfonne: ce devoir n'ayant point la Cour. encore été rempli depuis que l'Empereur régnant étoit fur le

thrône.

Le Prince de Yunnan n'auroit pas manqué d'obéïr à cet ordre impérial, fi fon fils ne l'en eût empêché. Cejeune Seigneur, d'un caractère fin & rufé, avoit trouvé le fecret de fe faire un grand nombre de partisans à la Cour; & par ce moyen il n'ignoroit point les démarches réïtérées qu'on avoit faites auprès de l'Empereur, pour lui rendre fufpecte la fidélité de fon pere. Il fe perfuada fortement qu'on ne vouloit tirer Oufankouei

kouei à

Ou

de fa Principauté & l'amener à Pekin, que pour le perdre. Sa tendreffe filiale s'alarma auffi-tôt ; & dans le premier mouvement de fa crainte il fit partir un de fes efclaves, pour avertir fon pere du danger qui le menaçoit, le conjurant de ne point fortir du Yunnan, & de retourner inceffamment fur fes pas fuppofé qu'il eût déjà pris le chemin de la Capitale. On en veut à votre liberté & peut être même à votre vie, lui écrivoit-il. Tenez-vous donc fur vos gardes, mon cher pere; levez des troupes le plus que vous pourrez, fans vous mettre en peine de moi. Je fçaurai bien me tirer d'intrigue dans le befoin, & vous ferez inftruit de tout quand il le faudra.

Cemeffage produifit l'effet qu'on fakouei en devoit attendre. Oufankouei vefufe d'obéir, répondit à l'Empereur, « que fa » plus grande paffion feroit tou»jours de lui obéïr; mais que fes » infirmités ne lui permettant pas » alors d'entreprendre un fi long » voyage, il fupplioit Sa Majesté

» de vouloir autorifer fon fils pour » lui rendre hommage en fon

» nom.

11 eft aifé de juger qu'une telle réponse ne fut pas interprétée favorablement à la Cour par les ennemis du puiffant Vaffal. Ils n'omirent rien pour aigrir contre lui l'efprit du Monarque; mais ce Prince avoit au plus haut degré l'art, finéceffaire aux Souverains, de fçavoir fe pofféder dans l'occafion. Au lieu d'employer la force ouverte pour domter promptement ce Chinois rebelle, (car c'eft ainfi que les Courtifans officieux appelloient fans façon Oufankouei) l'Empereur prit une voie plus douce pour fçavoir à quoi s'en tenir. Il fit partir quelques jours après deux grands Mandarins dont il étoit fûr, avec ordre de fe rendre à grandes journées dans le Yunnan; d'y bien examiner l'état des chofes, & de mettre tout en œuvre pour engager Oufankouei à venir à Pekin, le plutôt & le plus commodément qu'il fe pourroit.

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