mort ou vif; & je l'attends de votre fidélité à mon fervice.

Sur un ordre fi preffant d'un Maître tel que Kanghi, le Général n'hésita pas un moment à fe mettre en marche avec fon armée. Cette: marche même fut fi rapide, que les troupes fembloient voler au travers des précipices & des torrens. On furmonta en très-peu de jours tout ce que la nature des lieux a de plus horrible; & les Mancheoux arrivèrent effectivement au pays de Sachar, lorfqu'ils y étoient le moins attendus. L'ambitieux Mongou raffembla à la hâte quelques troupes, & vint à bout de fe retrancher affez bien. Mais le commandement de l'Empereur étant fi pofitif, de battre ce Tartare & de le prendre; le Général Mancheou voulut l'exécuter fans aucun délai. Il attaque donc l'ennemi, tout retranché qu'il étoit, le force en moins d'une heure & taille en piéces tous les Mongoux. Sachar fut pris avec fes freres & fes enfans; & le vainqueur les

fit conduire inceffamment à Pekin fous bonne escorte. La ruine de ce Prince tint fes alliés en refpect. L'Empereur leur écrivit pour les affurer qu'il étoit inftruit de leurs intrigues avec Sachar, & qu'il vouloit bien les leur pardonner: mais que ce feroit la dernière fois qu'il uferoit de clémence à leur égard. Ils répondirent avec actions de graces à la lettre du Mo-: narque: Chinois, en promettant d'être plus fages à l'avenir, & ils lui tinrent en effet parole.

Cette victoire, indépendamment de l'impreffion qu'elle fit fur toutes les Tribus Tartares de la nation des Mongoux, fi féconde en guerriers capables d'inquiéter l'Empire, vint encore très à propos dans les circonftances où fe trouvoit l'Empereur du côté de la Chine. Trois puiffans ennemis s'y déclarèrent tout à coup, faifant, difoient-ils, caufe commune avec Qufankouei.

: Ces ennemis, dont l'union ne fut confommée qu'en 1675, étoient

Deux Princes

les deux Princes Feudataires de Koantong & de Foukien avec le Souverain de Tayvan ou For- taires fe mofe, qu'il importe de faire con- révol

noître ici.

Feuda

tent, & le Prin

Nous avons dit plus haut fous ce de l'année 1659, que le Corfaire fe joint Chinchikong après la victoire qu'il à eux, venoit de remporter fur la flotte des Mancheoux, avoit fait voile vers l'ifle de Tayvan. Cette isle appellée par les Chinois Miouan & plus ordinairement encore Tayvan, du nom de fa Ville Capitale, a environ foixante & dix de nos lieuës de longueur, fur vingt à vingt-cinq de largeur, & fe trouve coupée du fud au nord, par une chaîne de montagnes qui la divife en deux parties. Celle de l'eft peut être regardée comme inconnue fort peu de Chinois ou d'Européens y ayant pénétré. On dit que la nation qui l'habite encore aujourd'hui, tient beaucoup de la nature des fauvages de l'Amérique, & qu'elle eft fans ceffe en garde contre les étrangers, à

qui elle ne fait aucun quartier. Mais pour la partie de l'oueft qui regarde le Foukien, on peut affurer que c'eft un des beaux pays qu'il y ait au monde : fertile en toute forte de grains, arrofé de quantité de petites rivières, & planté de plufieurs efpèces d'arbres fruitiers, fi bien arrangés, que la campagne en quelques endroits paroît n'être qu'un vafte jardin. (30) Ces. avantages réunis frappèrent fi agréablement les premiers Navigateurs Portugais, qu'ils ne balancèrent pas à donner à cette Ifle le nom de Belle par excellence, Formofa.

Une Efcadre Japonoife y ayant abordé en 1620, y laiffa une petite colonie: mais les Hollandois étant furvenus quelques années après, ils trouvèrent peu à peu le moyen de congédier

(30) Le P. de Mailla peut parler fçavamment de l'Ile de Formofe. Il s'y rendit en 1714 par ordre de l'Empereur, pour

en lever la carte. Vo yez le quatorziéme volume des Lettres édifiantes & curieufes. Lettre première.

les Japonois, & d'y faire euxmêmes un établiffement confidérable. On voit encore fur la porte du Fort qu'ils y bâtirent cette courte infcription: Caftel Zelanda 2634.

Dans ce temps-là toute la Chine étant en combuftion, foit par les fréquentes révoltes qui s'élevoient dans les Provinces, foit par les invafions réitérées des Mancheoux, les Officiers de la Compagnie Hollandoife ne craignoient pas de fe voir inquiétés par les Chinois. Uniquement appliqués à entretenir & à augmenter de plus en plus les profits immenfes qu'ils tiroient de leur commerce avec les Provinces maritimes de la Chine par la voie de Formofe, ils négligèrent de s'y fortifier autant qu'ils l'auroient pu, fans beaucoup de peine; & cette négligence les perdit. Chinchikong s'empara d'abord des petites ifles de Ponghou ou des Pefcheurs, peu éloignées de Formofe ; & au commencement, de 1660 il vint fe préfenter devant