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pire, répondit fur le même ton á peu-près qu'il auroit pu prendre à Pekin, s'il fe fût déjà emparé de cette Ville. Jamais il ne voulut s'engager à rien de plus qu'à maintenir ce Prince dans la poffeffion paisible du Koangton & du Koangfi fur le pied qu'il les avoit actuellement. Tant de réferve déplut à l'ambitieux Feudataire. Il fe repentit de fon imprudente précipi tation à couper fa treffe de Mancheou, & en attendant qu'elle pût reparoître, il travailla fourdement à faire fa paix avec l'Empereur.

Kanghi s'y prêta volontiers mais fans témoigner trop d'empreffement. Tranquille déformais du côté de la Tartarie, il en retira promptement fes troupes, pour les employer contre les rebelles qu'il réfolut de pouffer vivement. Le Prince de Foukien fut le premier à qui on s'attacha. Les trois défaites qu'il venoit d'effuyer coup fur coup, l'avoient confidérablement affoibli; fes finances d'ail

leurs étoient épuifées, fes fujets mécontens; & avec beaucoup de malice il n'avoit ni prudence ni vrai courage. Auffi fut-il fi épouvanté à la première nouvelle qu'on vint lui donner de l'approche des Mancheoux, qu'il ne penfa pas plus que les autres, le feu Prince de Tang & le Bonze guerrier à faire garder les paffages du Chekiang.

L'armée impériale entra dans ces gorges, fans trouver la moindre réfistance; & tout le Foukien parut foumis au moment qu'elle parut en deçà des monts. Les Mandarins de chaque Ville vinrent même au devant des troupes tartares, tant pour affurer les Généraux de la parfaite foumiffion des peuples, que pour leur offrir les logemens qu'on tenoit tous prêts. Il eft à croire que cette conduite toucha le Général Mancheou: il prit poffeffion de toutes les Places avec beaucoup de tranquillité, fe contentant d'exiger des vivres, fans fe rien permettre de plus, avant

Prince

reur.

qu'il eût reçu de nouveaux ordres. Ces ordres arrivèrent, & ils Le portoient en substance les points de Fouque voici Le Prince de Foukien kien ob confervera fon titre, les honneurs & tient fa grace de les droits qui y font attachés: mais l'Empeil fera obligé d'entretenir dans le pays un corps de Mancheoux à fes dépens. Il ne pourra point difpofer de fes propres troupes, armer des vaiffeaux, ou faire quelque entreprise importante, que par l'avis & fous la direction du Général Tartare. Quant à la Compagnie de fes Gardes, il aura fur elle un pouvoir illimité, comme auparavant.

Le Prince de Koangton obtint alors fa grace de l'Empereur, & ce fut aux mêmes conditions. Ainfi Oufankouei ne pouvant être fecondé du Prince de Tayvan que par quelques defcentes imprévues, toutes pour l'ordinaire fans conféquence, fe vit réduit à fes feules forces. Son pouvoir ne laiffoit pas cependant de fe foutenir, quoiqu'avec peine, vû la manière habile dont les Impériaux continuoient d'agir

contre lui. A la vérité les Généraux qu'il avoit en tête, quoique renforcés par les nouvelles troupes qu'ils recevoient fréquemment, n'ofoient lui livrer bataille; mais les autres moyens qu'ils mettoient en œuvre pour l'affoiblir peu à peu, produifoient ordinairement leur effet. En fe fervant à propos des lettres de l'Empereur, en employant avec art les promeffes & les menaces, ils lui débauchoient toujours quelque Gouverneur de Place, ou quelqu'un de fes Capitaines avec le détachement qu'il commandoit. Ce manége dura trois ans entiers, au bout defquels Oufankouei fe vit obligé d'abandonner le Houkoang & le Séchuen. Mort Réduit même quelque temps après kouei. à fa feule Principauté de Yunnan il s'y maintint jufqu'à fa mort, arrivée en 1679.

d'Oufá-l

De l'aveu des Ecrivains Tartares, toujours bien croyables quand ils louent les Chinois, la Chine a eu peu de Généraux fupérieurs à celui-ci, & les actions que nous

avons rapportées de ce Prince, foutiennent affez bien cette idée. S'il ne réuffit pas dans le deffein qu'il avoit formé de délivrer fa patrie d'un joug étranger, on doit l'attribuer non feulement au caractère de fa nation, peu guerrière de fon fond, molle, inconftante & jaloufe; mais encore au génie admirable du grand Kanghi. La révolution d'un grand Etat est une forte de chimère fous un Monarque intelligent, appliqué & qui fçait régner: elle ne peut avoir lieu fous des Princes foibles, que qui fe refufent à leurs devoirs, ou qui les ignorent. J'avoue qu'à la honte de l'humanité une confpiration, un parricide exécrable, peuvent faire périr les Jules Céfar & les Henri IV: mais une entreprise ouverte contre des Souverains de ce mérite, échouera toujours néceffairement.

Oufankouei laiffa en mourant un fils qui avoit à peine atteint fa vingtiéme année. Il le recommanda aux Mandarins de fon parti,

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