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Le Prince

de Ko

angton

en leur prefcrivant en détail la conduite qu'ils devoient tenir à l'égard des Mancheoux. Cette conduite devoit fe réduire à continuer la guerre, c'est-à-dire à la foutenir conftamment, fans entrer en aucune compofition avec les ufurpateurs de l'Empire. On fe conforma aux intentions de ce Prince :

la guerre se foutint encore quelque temps; mais nous verrons bientôt que la fin en fut déplorable pour le parti d'Oufankouei & pour fa famille.

Avant que de travailler d'une manière efficace à la ruine du nouveau Prince de Yunnan, l'Empereur jugea à propos de faire éclater fon reffentiment contre un autre de fes Vaffaux, dont il étoit plus mécontent que jamais : c'étoit le Prince de Koangton.

La Cour lui avoit expreffément défendu fous peine de défobéiffan

eft obli- ce, tout commerce avec les étrangé de fe donner gers Hongmao, ou Lufong, Hollanla mort. dois, ou Efpagnols de Manille; (33) ̧

(33) Manille, grande Ville dans l'Ifie de

& ce commerce étoit cependant la grande affaire, ou plutôt l'unique dont le Prince de Koangton parût s'occuper. Avide de gain, il ne put jamais fe réfoudre à rejetter l'occafion qui fe préfentoit de concentrer dans fa Capitale tout le négoce des Européens avec les Chinois. On affure qu'il acquit par cette voie des thréfors immenfes qu'il accumuloit en avarel, au lieu de s'en fervir utilement, & qui lui firent bien des

envieux.

D'ailleurs, malgré l'état de dépendance auquel on l'avoit réduit, ce Vaffal humilié avoit encore affez de pouvoir pour fe faire craindre, pour nuire à fon Souverain, ou pour le bien fervir en temps & lieu. Kanghi voulut mettre fon obéiffance à l'épreuve : il lui ordonna de marcher en per

Luçon, une des Philippines, dont la latitude eft d'environ 14 d. & la longitude de 141. Les Philippines furent

découvertes

l'an 1519; & quelques années après on leur donna ce nom, en l'honneur de Philip pe fecond, Roi d'f pagne.

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fonne avec fes troupes contre un corps de montagnards rebelles qui défoloient le Koangfi par leurs brigandages. Le Prince de Koangton héfita long-temps, & s'étant mis enfin en campagne, il s'arrêta à mi-chemin, prétextant des raifons fpécieuses, que la Cour refusa d'admettre. Elle fit même plus que de regarder ce Vaffal comme peu zélé pour le fervice de l'Empereur; elle en vint jufqu'à le foupçonner d'avoir quelque part à la révolte & aux progrès de ces brigands. Que ces foupçons fuffent bien ou mal fondés, ils firent revivre aux yeux du Monarque le crime de rébellion qu'il avoit pardonné. La mort de ce Feudataire, imprudent au moins, s'il n'étoit pas actuellement infidéle, fut réfolue dans le Confeil; & cette réfolution s'exécuta de la manière que voici.

Deux grands Mandarins partirent pour le Koangton, portant une boëte de vernis qui enfermoit un cordon de foie. Arrivés en dixfept jours de marche à Koancheou,

ces

ces envoyés Impériaux mirent pied à terre à l'entrée dé la nuit chez le Général des Troupes Tartares qui étoient en garnifon dans cette Ville, & ils l'informèrent de leur commiffion. Ce Mancheou donna auffi-tôt fes ordres: il fit prendre les armes à fes gens, & un peu avant le jour il marcha droit au palais, à la tête de ce corps, & Conduifant avec lui les deux Mandarins. Sur le commandement abfolu qu'il fit aux gardes du Prince, les portes furent ouvertes, & les Envoyés ayant paru au même inftant, ils firent prier le Prince de Koangton de fe lever fans délai, pour recevoir un ordre impérial très-preffant. Il obéit, & après quelques complimens à la chinoife, on lui mit en main la funeste boëte, avec une lettre de l'Empereur, qui faifoit connoître ouvertement ce qu'on exigeoit de lui. Le Prince reçut l'un & l'autre avec -refpect; il lut l'écrit, & ouvrit la boëte fans donner aucun figne de plainte ou de surprise: après quoi Tome II.

I

kouei.

s'étant fait apporter fes plus riches habits, il s'en revêtit gravement. Il tira enfuite le fatal cordon, & l'ayant ajusté autour de fon con, il eut la lâcheté de s'étrangler. Tous fes freres, à la réserve d'un feul, destiné à devenir le gendre de l'Empereur, furent ce jour-là même mis à mort, avec une centaine de fes confidens; le titre de Principauté fut aboli, & le Koangton redevint Province.

Kanghi ne s'arrêta pas en fi beau faite de chemin. Il donna ordre aux troul'armée du fils pes qu'il avoit dans le Séchuen de d'Oufa- fe joindre à celles du Houkoang & du Koueitcheou, pour pénétrer toutes ensemble dans le Yunnan. Cet ordre étoit même conçu de façon qu'il portoit un commandement exprès d'aller chercher l'armée ennemie, & de la combattre. Celle-ci ne demandoit pas mieux que d'en venir à un combat décifif, tel qu'Oufankouei l'avoit toujours defiré en vain: auffi fe préfenta-t-elle de bonne grace devant les Tartares. Mais malgré la bra

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