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Mort

chin

tong.

nouveaux hôtes, ne fut pas celle qu'ils attendoient. Lychintong & fes gens filoient le long de la rue uniquement attentifs à ne point troubler le fommeil des Bourgeois; quand à la lueur de plufieurs flambeaux qui paroiffent tout à coup, ils fe voient affaillis de côté & d'autre, attaqués de front, pris en queue & coupés. Le Général fut d'abord furpris & indigné, autant qu'il eft naturel de l'être en pareil cas; mais fa tête ne l'abandonna point. Il fit des prodiges de valeur; & avec une poignée de braves qui s'étoient ferrés autour de lui, il vint à bout de s'ouvrir un paffage. Cette petite troupe heureufement dégagée, coula par différentes rues jufqu'à une porte, qu'on enfonça pour fortir de la Ville. Tout le refte fut pris & massacré.

Cependant le malheur de Lyde Ly- chintong n'étoit pas encore à fon comble; mais il y touchoit de près, comme on va le voir. A peine futil arrivé dans fon camp, qu'on l'y accabla de reproches. Les dupes

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ont toujours tort, & à la guerre plus qu'ailleurs, vû les terribles fuites qu'une imprudence bien marquée entraîne ordinairement avec elle. Un grand nombre de foldats déferta d'abord, ne pouvant plus compter, difoient-ils, fur un Général fi mal avifé; & ce jour-là même on décampa pour prendre la route du Koantong. Au bout de cinq jours de marche on fe trouva en fûreté dans un vallon abondant en vivres; où Lychintong jugea à propos de s'arrêter quelque temps. Dans un grand feftin qu'il y voulut donner aux Officiers de fa petite armée , pour se réconcilier pleinement avec eux, & noyer, ainfi qu'il leur fit entendre, leurs communs chagrins dans les plaifirs de la table; ce Général but beaucoup, & perdit la raifon. Le terrein qu'on occupoit étoit bas, & tout à coup il furvint une grande pluie qui fit craindre une inondation. Les domestiques de Lychintong ayant mis leur maître à cheval, fe hâtèrent de gagner une

éminence voifine; mais comme il
y avoit un torrent à paffer, le fou-,
gueux Général qui n'avoit repris
fes efprits qu'à demi, écarta fubi-
tement ceux qui l'environnoient
& s'élança en étourdi là où le
courant fe trouvoit être le plus
rapide. Cavalier & cheval, tout
fut englouti.

Ces fuccès des armes tartares dans le Kiangfi furent fuivis immédiatement d'une grande victoire dans le Houkoang, qui foumit aux Mancheoux cette Province, dont ils ne poffédoient encore que la moindre partie. Mais dans le temps que le Régent apprit ces agréables nouvelles, on vint lui en apporter deux autres d'une nature bien différente: il s'agiffoit de la double révolte du Chenfi & du Chanfi

qu'on vit éclater coup fur coup, dans le même mois.

Le Chenfi avoit été fubjugué un volte du peu à la hâte par le brave OufanChenfi. kouei, qui, felon les premiers arrangemens de la Cour, devoit y faire fa réfidence ordinaire. Cette

difpofition ayant enfuite été changée pour des raisons qu'on ignore; le gouvernement du Chenfi fut confié à un Viceroi Chinois, à qui on donna trois à quatre mille Tartares commandés par un Officier général de cette nation. Tout fut d'abord affez tranquille dans le pays mais quatre ans s'étant écoulés, plufieurs Mandarins ennemis de la nouvelle domination, qui s'étoient retirés hors de la Province, y rentrèrent fucceffivement, & formèrent un gros parti dans les montagnes. Leurs premiers enrollemens furent fort fecrets ; d'autres les fuivirent avec moins de mystère, & enfin on fe déclara tout ouvertement contre les Mancheoux. Dans l'efpace de cinq à fix mois l'armée de ces rebelles monta à peu-près à quarante mille hommes.

Dès que les Chefs de la rébellion fe virent en forces, ils publièrent un manifefte fanglant contre les Tartares, qui fit une impreffion étonnante fur les efprits,

Toutes les Villes du Chenfi fecouérent le joug dans le même temps, à l'exception de Singhan, que la préfence du Viceroi & du Général des troupes contint fans peine dans le devoir. Le feu de la révolte étoit fi vif, qu'en très-peu de jours on vit accourir au rendezvous marqué plus de cent mille hommes fur qui les Mandarins parurent compter beaucoup après la revue qu'ils en firent. Leur délibération ne fut pas longue pour ouvrir la campagne avec honneur: tous conclurent à fe mettre en marche vers Singhan.

Siége La Place étoit en fort bon état ; de Singhan. mais le petit nombre des Tartares qui la gardoient, faifoit efpérer aux révoltés qu'on pourroit la foumettre aisément ; & le Général Mancheou n'attendoit lui-même aucun bon fuccès du fiége qu'il alloit foutenir. Il fe défioit beaucoup des habitans, quelque affurance que pût lui donner làdeffus le Viceroi. Cette défiance alla même fi loin, qu'il propofa férieufement

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