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une impreffion fenfible fur les Chinois de l'Ifle de Tayvan. Le defir de revoir leur patrie, en amena d'abord plufieurs: ils furent reçus avec bonté, & on fe hâta de les mettre en poffeffion de ce que chacun d'eux pouvoit prétendre. Ce bon accueil, dont la nouvelle courut inceffamment par-tout, rendit la tranfmigration plus fréquente, & la flotte s'étant mise en mer fur ces entrefaites, elle s'empara aifément des Ifles de Ponghou.

Le Prince qui régnoit alors à Tayvan, avoit fuccédé depuis environ trois ans à fon pere Chinkinmai. Ilfe nommoit Chinkéfan, & il étoit fous la tutelle de deux Mandarins fa grande jeuneffe ne lui permettant pas encore de gouverner par lui-même. Ces Régens. voyant d'un côté la flotte chinoise qui venoit les bloquer dans leur Ifle, & de l'autre une défertion qui augmentoit chaque jour, confeillèrent à leur jeune Maître le parti de la foumiffion, comme le plus fûr pour garantir fa vie, &

pour fe procurer même un rang diftingué.

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La démarche qu'on fuggéroit au jeune Chinkéfan lui parut d'abord fi indigne, qu'il ne put s'y déterminer, & qu'il la rejetta hautement: Un Prince né pour le throne, fe trouvant, difoit-il, étrangement déplacé par-tout ailleurs, quelque avantage qu'on lui préfente. Cependant comme il n'y avoit aucun milieu entre une perte certaine & l'abdication volontaire qu'on lui confeilloit, il fe rendit enfin à l'avis de fes deux Miniftres. Sans attendre une fommation dans les formes, ce Prince envoya fa requête à l'Empereur contenant une démiffion pure & fimple de la Souveraineté de Tayvan.

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Kanghi reçut favorablement un acte de cette importance: mais il exigea que le Prince dépofé vînt "fixer fon féjour à Pekin. Chinkéfan eut beau représenter qu'ayant toujours vécu dans des pays méridionaux, il ne pouvoit s'expofer aux froids du nord, fans nuire con

fidérablement à fa fanté. L'Empe reur tint ferme, & il fallut obéir. Pour le dédommager en quelque forte de la Souveraineté qu'il avoit perdue, le Monarque reçut Chinkéfan avec de grands témoignages de bonté, & le gratifia d'un titre d'honneur, moindre à la vérité que celui de Prince, mais qui répond à peu-près au titre de Duc ou de Comte. Son fils en jouiffoit encore à la Cour de Pekin en 1736.

par

Ainfi fut pleinement confommée l'an 1682 la conquête de la Chine les Mancheoux. Le bon ordre que Kanghi a introduit & folidement établi dans ce vafte Empire, femble en affurer pour bien des fiécles la poffeffion à fa Dynaftie. Ce grand Prince n'a rien oublié, fur-tout pour fe mettre à couvert des irruptions des Tartares. Inftruit qu'il étoit par l'hiftoire des deuxnations, que la Tartarie avoit été de tout temps la fource ou l'occafion des grandes révolutions de la Chine, il s'eft attaché conf

:

tamment à prévenir les moindres tempêtes qui pouvoient s'élever de ce côté-là. Il y a fait la guerre avec fuccès, quand la néceffité l'y a contraint mais ce n'a été que rarement que ce fage Monarque a eut recours aux armes. Sa pratique ordinaire a été de frapper vivement ces peuples de l'éclat de fa puiffance, & de les gagner en même temps par fes bienfaits. Delà ce magnifique appareil des grandes chaffes qu'il alloit faire à la tête de quarante mille hommes dans les immenfes forêts de la Tartarie, & fon attention à entrer toujours comme arbitre dans les démêlés des Princes Tartares. Les ambaffades folemnelles qu'il -leur envoyoit de temps en temps, où jamais il n'admit que des. gens fenfés, & les dons qu'il fçavoit faire à propos à ces petits Souverains également vains & avides, ont rendu fa politique infaillible en ce point durant tout fon régne.

Peut-être verra-t-on ici avec plaifir une lifte des préfens qu'il

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l'Empe

Pré- envoya en 1682 au Kaldan des fens de Eleutes, & à huit Princes ou Chefs reur aux des Kalcas Mongoux. Chacun Princes d'eux eut pour fa part:

Tarta

res, Kal- Une robe de cérémonie, fourrée cas, & de zibelines.

au Kal

dan des Une robe de deffus, doublée de
Eleutes. zibelines noires.

Un bonnet bordé de zibeline noire.
Un collier de grains de corail.
Une paire de bottes de cuir.
Une paire de bottes de foie,
fourrées.

Une ceinture, ornée fur le devant
de pierres précieuses & de grains
de corail, avec les côtés garnis
de leurs mouchoir, bourfe &
couteau dans une gaine d'y-
voire.

Un carquois, orné de pierres précieufes & de corail, avec l'arc & les fléches.

Un vafe d'or pour le thé, enrichi de pierres précieuses.

Un vafe de vermeil doré pour le riz.

Un fervice de table complet en argent.

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