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férieufement à ce Mandarin d'égorger tous les Singhanois en état de porter les armes, pour fe mettre à couvert par cette voie de toute intelligence avec les rebelles. Deffein barbare & infenfé auquel le fage. Viceroi ne manqua pas de s'oppofer fortement..

A mefure que les rebelles établiffoient leurs quartiers autour de la Ville, le Général Mancheou fit fortir quatre à cinq cens de fes cavaliers pour donner vivement fur cette multitude de gens ramaf fés, qu'on vouloit effrayer par ce coup de vigueur. Malheureusement pour ces Tartares, ils tombèrent au fortir de la Place, non pas dans une embufcade, mais fur l'élite des troupes Chinoifes qui fe tenoient en bataille tandis que les autres travailloient à fe loger. Le détachement fut mal mené ; une partie y périt, & le refte pourfuivi jufqu'aux portes de la Ville, yrépandit quelque forte de terreur.

C'en fut affez pour porter le Général Tartare à reprendre fon Tome II.

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Sage dif

au Gé

néral Tar

tare.

premier deffein du maffacre des habitans, qu'il vouloit exécuter cette nuit-là même. Ce qui y mit obftacle, ce fut moins l'autorité du Viceroi, fon fupérieur, que la prudence de ce Chinois dans les réflexions qu'il fit faire au Mancheou,& dans les avis qu'il lui fuggéral à propos pour s'affurer de la fidélité des Bourgeois.

>> Vous craignez, lui dit-il, que » les habitans de cette Ville ne fe cours du Viceroi joignent à nos ennemis : cette ,»crainte eft mal fondée ; je eon>>nois leurs vrais fentimens, & »j'en réponds. D'ailleurs que pour>>roient-ils faire, étant défarmés? » Peut-être que leur courage s'en>>hardiffant à mesure que l'armée rebelle achevéra de nous invef»tir, les Singhanois convertiront >> en armes tout ce qui s'offrira de>> vant eux. Mais fi vous les fup>pofez capables d'un tel excès

que ne feront-ils pas plutôt vaux premiers cris de ceux qu'ils » entendront égorger? Hommes, » femmes, enfans, tous devien

» dront furieux, & feront pour »nous autant de bêtes féroces qui »ne manqueront pas de nous déchirer. Ecoutez-moi, Général >> des troupes, c'est tout à la fois »un confeil & un ordre que je » vous donne; parmi ce grand peu»ple il y a un nombre confidéra»ble de bourgeois qui ont porté » les armes ; levez-y inceffamment. »un corps de volontaires, que »vous expoferez hardiment à la première fortie qui fe fera. La »manière dont ils le conduiront, »nous montrera ce qu'ils fçavent » faire dans l'occafion; & vous »connoîtrez auffi-bien que moi fi » on peut compter fur leur fidélité.

Par bonheur pour les Singhanois & pour le Général lui-même,, qui paroiffoit fi mal difpofé à leur égard, ce Mancheou n'étoit qu'à demi barbare; & ce qui eft encore plus fingulier dans un homme de ce caractère, c'eft qu'il étoit capable de goûter un bon avis oppofé au fien. Celui du Viccroi fut fuivi à la lettre. Le corps de volontaires

qu'on forma ce jour-là même parmi les bourgeois, fortit dès le lendemain. Il donna heureusement fur un quartier des affiégeans, où fe trouvoit réuni ce qu'il y avoit de plus foible, & il en eut par conféquent très-bon marché.

Le Général Tartare qui ignoroit la qualité des troupes que ces Bourgeois attaquoient fi vertement, venoit de monter fur une tour des remparts, d'où il découvrit à fon aife la bonne manœuvre des Singhanois. Au bout de quelque temps il fit fonner la retraite, & tout tranfporté de joie il accourut au devant des vainqueurs qu'il combla d'éloges. Ces bonnes gens y furent très fenfibles, n'ayant rien fçu des mauvais deffeins de ce Mancheou.

De fon côté le Prince Régent ne s'endormoit pas à Pekin. Sur la première lettre qu'il avoit reçue de Singhan, au fujet de la révolte du Chenfi, il avoit envoyé ordre au Général des troupes tartares qui venoient de réduire Nanchang,

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de faire marcher contre les rebelles vingt mille hommes de fon armée. Tout ce qu'il y avoit de Mancheoux fur la route devoit fe joindre à ce détachement, qui devint par-là une armée en forme.

Ce grand fecours étoit cependant moins néceffaire qu'on ne penfoit. Il fe trouvoit encore bien loin de Singhan, & le fiége de cette Ville languiffoit déjà. Ceux qui en avoient la conduite, s'étoient déterminés à tenter l'efcalade; ils hazardèrent même un affaut, dans l'efpérance que les habitans fe déclareroient enfin pour eux, ou refteroient au moins comme neutres; mais ils furent partout repouffés. Les Singhanois étoient à leur égard autant de Tartares qui les culbutoient du haut des échelles, ou les enfiloient fans ménagement avec leurs piques.

En vue d'infpirer aux Bourgeois une ardeur fi vive, & naturellement fi peu attendue de leur part, le Viceroi fe contentoit de répéter ce peu de paroles, dans tous

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