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après que Kianfay eut pris fes mefures, pour que la victoire ne pût lui échapper.

Dé- Sur un grand nombre de charfaitedes riots couverts, il avoit placé toute cheoux, forte de piéces d'artillerie, telleparKia- ment difpofées, qu'après avoir mis fay.

le feu aux méches, on auroit encore le temps de fe retirer, avant Phorrible décharge qui devoit fe faire tout à la fois. Ces charriots rangés fur un grand front, formoient la feconde ligne de fon ordre de bataille: mais qui alloit en devenir la première par la fuite fimulée de celle qui la précédoit. Effectivement le combat fut à peine engagé, que les Troupes Chinoifes de la première ligne lâchèrent le pied, feignant une forte de terreur panique; & coulèrent rapidement par les intervalles des char riots. Les Tartares s'imaginent auffi-tôt que la peur a réellement faifi l'armée rebelle; que fes équipages font entaffés fur tous ces charriots, & que c'eft une proie livrée aux vainqueurs pour ralen

tir l'ardeur de leur pourfuite. On fe hâte donc d'en approcher, on fe jette deffus en confufion : l'artifice joue à l'inftant avec un fracas énorme ; & les prétendus fuyards reparoiffant bientôt, ils fondent fur l'ennemi confterné, & en font un carnage affreux. On compte qu'il refta fur la place environ quinze mille Mancheoux: le reste prit la fuite, & fe diffipa entiè

rement.

Quelques jours avant cette victoire, Kianfay voulant fe donner plus d'autorité parmi les rebelles s'étoit décoré d'un grand titre : il avoit pris la qualité de Prince de Han. (5) Bien des gens l'en avoient

(5) L'ancienne Principauté de Han étoit dans le Chanfi ; & comme il ne faut bien fouvent qu'un vain phantôme de grandeur pour faifir la multitude, Kian fay s'imagina qu'à la faveur de ce grand ti tre de Prince de Han, il pourroit fe faire regarder comme un fecond Leoupang,

fondateur de la dydaftie des Han. Če Monarque n'avoit d'abord été qu'un fimple Général d'armée, qui fe fit Prince de Han, & enfuite Empereur de toute la Chine. Voyez l'Accord chronologique placé à la fin de cette Hiftoire fous l'an 206 avant J. C.

des Má

blâmé dans fon parti, trouvant
qu'il fe preffoit trop de manifefter
fes vues: mais après un avantage
fi confidérable, les murmures cef-
ferent, & on ne douta prefque
plus que
le nouveau Prince ne de-
vînt tôt ou tard le libérateur de lạ
Chine.

Autre Cet efpoir augmenta infiniment défaite au bout de deux mois, lorfque les cheoux Mancheoux de trois ou quatre parKia- Provinces voifines ayant formé Lay.

par leur réunion une armée encore plus nombreufe que la première, revinrent dans le Chanfi, & y furent de nouveau battus. Ils s'étoient avancés jufqu'à deux lieuës de Tahytong, fans avoir trouvé aucun ennemi en campagne. C'en fut affez pour leur faire croire que l'armée rebelle ne fubfiftoit plus & qu'ils avoient jetté la terreur dans tout le pays. Mais le nouveau Prince de Han ne fut pas longtemps à les défabufer. Inftruit jour par jour de toutes leurs marches & de la pofition actuelle de leur camp dans un terrein qu'il connoif

foit beaucoup mieux qu'eux, il vint les y attaquer à l'improviste par divers endroits. La furprife jointe au fouvenir de leur première défaite, troubla d'abord les Tartares, & leur fit oublier leur ancienne valeur. Les plus intrépides parurent effrayés, & tout ce qui fe trouva de nouvelles levées mit fans honte les armes bas pour fuir plus vite. La perte des vaincus alla bien jufqu'à vingt millé hommes; y compris ceux que les payfans maffacrèrent, à mefure qu'ils tomboient entre leurs mains.

Il est aifé de juger qu'au premier bruit de cette feconde défaite, la confternation dut être grande à la Cour, & parmi tous les Mancheoux de Pekin. Leurs affaires en effet ne pouvoient manquer d'être perdues fans reffource, fi les autres ennemis qu'ils avoient à la Chine euffent reffemblé au Prince de Han ; ou fi le Régent n'eût pas été luimême un de ces hommes extraor dinaires, nés pour affermir les thrônes chancelans, & fixer la deftinée des Monarchies.

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les Mi

& l'Em

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Le Confeil de Régence, & les Princes, Grands de l'Empire convoqués au niftres, palais s'accordèrent d'abord à reconnoître que le péril étoit grand, même, vû la proximité de l'ennemi, deux prient fois vainqueur des Tartares; & dans ce point de vue, qui n'étoit de mar- affurément hors de la portée de perfon qui que ce fût, tous découvrirent ne con- l'unique moyen de le rendre moins rebelles, trifte pour la nation: c'étoit que le Prince Régent fe chargeât lui-même de la venger. On le pria donc ávec inftance de ne pas fe repofer fur d'autres Généraux du foin de cette guerre; de marcher en perfonne dans le Chanfi; & comme lui dit obligeamment le jeune Empereur, de lui conferver par la force de fon bras une couronne due à fa prudence.

Ce parti, le feul capable, au jugement des Princes & des Miniftres, de fauver l'Empire Mancheou à la Chine, étoit principalement fondé fur ces trois raifons. 1o. L'expérience & l'habileté d'un Général, tel que Néchingouang;

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