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2o. la confiance qu'il infpireroit aux troupes; 3°. la liberté avec laquelle il pourroit agir felon les occurrences, fans être obligé de fufpendre des opérations fouvent très-utiles, pour attendre les ordres de la Cour. Le Régent fentit vivement la force de ces motifs & il promit de faire la campagne. Il étoit effentiel de l'ouvrir de Le Prince bonne heure, pour ôter aux rebelRégent les l'occafion de fe fortifier, & de fe met fe faire fur-tout dans les Provin- en camces un plus grand nombre de partifans. Ainfi le refte de l'hyver & tout le printemps furent employés. à faire des levées en Tartarie, & à raffembler dans le Petcheli les Mancheoux, dont on pouvoit fe. paffer ailleurs. Au commencement de l'été Néchingouang fit la revue des huit bannières. Il y choifit cent mille hommes, dont il forma fon armée; nomma quatre excellens Officiers, moitié Chinois & moitié Tartares, pour lui fervir de Lieutenans Généraux; & tout étant difpofé, felon fes vues, il prit

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la route du Chanfi. Sa réfolution fixe, comme il le déclara à l'Empereur en lui faifant fes adieux, étoit de ne point offrir la bataille à fon ennemi, & de ne l'accepter même que dans un feul cas : c'eft, ajoûta-til, quand je ferai affuré de vaincre. Pour tenir une pareille conduite avec fuccès contre une armée deux fois victorieufe, égale ou peutêtre fupérieure en nombre à celle des Mancheoux, & commandée par un homme auffi alerte & auffi habile que l'étoit le Prince de Han, il faut être fans contredit un Général du premier ordre. Le Régent fit bientôt voir qu'il étoit tel.

Chaque jour il arrivoit à Kianfay de nouvelles recrues; ce qui joint à la confiance qu'il avoit aux troupes qui étoient fous lui, le porta naturellement à mettre en jeu toute fon adreffe pour forcer les Tartares à fe battre. On fçait d'ailleurs quelle eft, ou du moins quelle étoit au temps dont nous parlons, la fougue de cette nation guerrière, & fa vivacité fur-tout

en matière de point d'honneur. Le llévimépris qu'elle faifoit des Chinois, te le fi fouvent vaincus, augmentoit en- fe retrácore infiniment fa fenfibilité aux che, & laffeles bravades continuelles de l'ennemi. eñemis. Mais tandis que les Soldats Mancheoux frémiffoient de dépit, Né̟chingouang, malgré fa gravité, étoit toujours difpofé à en rire. C'étoit même lui faire fa cour, que de rapporter en fa préfence quelque nouveau trait bien marqué du pétulant orgueil des rebelles, ou quelque efpèce de bon mot de leur façon. Il le répétoit aux Généraux, & l'écrivoit quelquefois à Pekin, fans en paroître aucunement ému.

Cette indifférence ftoïque futd'abord regardée de mauvais œil & les troupes furent fouvent expofées à perdre patience. Adieu donc Mancheoux, feur crioit-on fans ceffe du camp ennemi voilà fur votre départ pour le Leaoton; bientôt vous y reverrez vos chaumieres. Ne manquez pas d'emmener votre petit Empereur; il eft temps de le ma

vous

rier; & nos fiancées ne font pas plus pour lui que pour vous.

Il eft certain qu'un Général, moins ferme & moins maître de fes troupes que le Prince Régent, auroit été contraint de céder tôt ou tard à l'impreffion que ces mi-, férables quolibets faifoient dans l'armée. Combien de batailles perdues en toute forte de pays, pour avoir été données à contre-temps, par des Généraux très verfés dans leur art, mais incapables de réfifter aux clameurs des foldats! Néchingouang n'étoit pas homme à échouer contre cet écueil: la moindre violence en un point fi capital, trouvoit dans le caractère de fa grande ame un obftacle abfolument invincible; & il perfévéra, dans fa manœuvre tout le temps qu'il la jugea utile à fon projet. Camps bien retranchés, gardes multipliées, derrières libres, & par deffus tout une difcipline exacte, que fon attention aux befoins des troupes concouroit merveilleufement

à entretenir

voilà les moyens

qu'employa

qu'employa ce Mancheou dans l'occafion critique dont il s'agit pour conferver l'Empire Chinois à fa nation & dans fa famille.

tong.

Kianfay n'avoit pas laiffé de Kianmorfondre fon armée par toutes ferme fay s'enles marches & contremarches qu'il dans s'étoit cru obligé de faire; les fub- Tahyfiftances commençoient à lui manquer; la faifon devenoit rude, & il fe voyoit menacé d'une défertion. Tout cela joint à l'idée qu'il s'étoit formée affez fauffement du caractère de fon ennemi, incapable felon lui d'un coup de vigueur, le détermina à battre en retraite & à ramener fes troupes à Tahytong. Une grande partie des rebelles entra effectivement dans cette Ville, & le refte fe répandit aux environs dans les endroits qui avoient le moins fouffert de la guerre. Ils fe flatoient les uns & les autres, que, l'armée tartare fe retirant à leur exemple dans le Petcheli, (de quoi perfonne ne s'avifoit de douter) leur quartier d'hyver feroit pacifique, & tout propre Tome II. C

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