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Provinces qui compofent l'Empire Chinois, dix étoient au pouvoir de ces Tartares, quatre reconnoiffoient le Prince de Kouei, & le Séchuen qui paroît être la plus étendue de toutes, fe trouvoit en proie à la tyrannie de Chanhienchong, ancien rival du fameux Lyftching. Le Corfaire Chinchikong avoit d'ailleurs l'Empire de la mer, que l'on ne s'avifoit pas de lui difputer.

L'intention du Régent étoit bien -de travailler fans relâche à l'abbaiffement de ces trois grands ennemis de fon Maître; mais il vouloit commencer par le tyran de Séchuen, & faire les plus grands efforts pour l'exterminer. Sa rai fon étoit, que le Tien ne pouvoit, difoit-il, favorifer les Mancheonx dans leurs entreprises, s'ils tardoient plus long-temps à purger la terre de ce monftre.

Traits

Le caractère dominant de Chan- de cruauté du hienchong étoit effectivement la Tyran cruauté mais une cruauté réflé. Chanchie & foutenue, fupérieure même

hien

chong.

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à tout ce qu'on nous raconte des plus redoutables fleaux du genre humain, les Neron & les Attila. Ce fcélérat ravagea d'abord le Houkouang, où durant plufieurs jours il fit jetter dans la rivière les habitans d'une grande Ville, dont il venoit de fe rendre maître. La colère n'eut point de part à cette action féroce: Chanhienchong ne vouloit que s'amufer, en fe donnant le plaifir barbare de voir ces malheureux aux prifes avec les flots, ou avec fes foldats, qui armés de lances, bordoient le rivage des deux côtés.

Du Houkoang il paffa dans le Séchuen, & le foumit tout entier. Il y prit même le titre de Roi fans omettre la formalité chinoife de donner un nom à fa nouvelle dynaftie & aux années de fon régne. Ce fut peu de jours après cette farce, qu'un des Eunuques de fon palais, en lui adreffant la parole oublia de le traiter de Majefté. Cet oubli, tout involontaire qu'il étoit, fut fur le champ

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puni de mort ; & quelques Eunuques ayant paru fenfibles au malheur de leur confrere, le Tyran indigné en prit occafion de les profcrire tous: on en égorgea plus de trois mille dans le Séchuen.

Ennemi mortel des lettres & des lettrés, il mit tout en œuvre pour rendre fes fujets auffi ignorans que lui. (6) Un de fes Officiers lui ayant mis en main, je ne fçai quel projet de réforme pour les troupes qui marquoit de la réfléxion & de l'étude; Chanhienchong pour toute réponse le fit maffacrer dans le moment; & la raifon qu'il apporta pour justifier

(6) Le P. Martini preuve n'eft pas confemble reconnoître cluante: une maifon dans Chanhienchong de bon goût peut apquelque forte de goût pour les fciences; mais cette idée paroît n'avoir d'autre fondement que, la magnificence d'un palais que le Tyran s'étoit fait bâtir, & la confidération qu'il marqua d'abord pour deux Jéfuites Européens qui tombèrent entre fes, mains. La

partenir abfolument à un maître fans littérature. Et quant aux deux Missionnaires le P. Martini avoue lui-même que Chanhienchong s'en dégoûta fi bien, qu'il les auroit infaillible. ment facrifiés, fi fa vie eût été plus longue..

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ce cruel arrêt, c'eft qu'il n'aimoit pas les cenfeurs, qu'il craignoit les nouveautés, & qu'on devoit s'en tenir aux anciens ufages. Il fit plus afin de n'être pas expofé à recevoir jamais de pareilles leçons, il voulut aller à la fource du mal, & voici comment il s'y prit.

Dans une Ordonnance qu'il publia, il eut le front d'attribuer tous les maux qui défoloient la Chine à l'ignorance de ceux qui étoient en charge. Sur quoi il commandoit bien férieufement à tous les lettrés du Séchuen de s'appliquer mieux qu'ils n'avoient fait jufqu'alors à la lecture des bons livres, & de fe tenir prêts à comparoître devant lui à un certain jour qu'il déterminoit, pour être examinés de fa façon. Le piége étoit certainement groffier: cependant trente deux mille trois cens lettrés y donnèrent. A peine furent-ils affemblés dans la vafte enceinte des jardins du palais, que Chanhienchong ayant paru, fe mit à par

courir les rangs. Mandarins, Docteurs, Bacheliers &c. tous furent traités de bétes; & ce reproche, il faut l'avouer, n'étoit pas déplacé dans la circonftance préfente. Ces bonnes gens en convinrent bientôt eux-mêmes , voyant les foldats fondre fur eux & fe faire un jeu

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de les maffacrer.

L'ordre des Hochangs ne tarda pas à être traité d'une manière auffi cruelle. Chanhienchong apprit qu'un de ces Moines idolâtres s'étoit exprimé fur fon compte avec plus de liberté qu'il ne convenoit. Il foupçonna tout le corps d'avoir à peu-près le mêmes fentimens, & dès-lors il jura fa perte. Le Tyran feignit d'abord une grande dévotion à l'idole Fo; & fur le bruit qu'il vouloit lui faire un facrifice pompeux, tel que la Chine n en avoit jamais vu de femblable, on vit les Hochangs jeunes & vieux fe mettre en campagne de tous les déferts du Séchuen, pour accourir en foule au lieu marqué. Le facrifice commença en effet le

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