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Les Mancheoux s'en fouvinrent très-bien. La première chofe que fit celui qui commandoit dans le Chekiang, fut de fe faifir des hauteurs, & de faire entrer enfuite dans les gorges de ces affreufes montagnes un affez grand nombre de troupes qu'il tira des garnifons voifines.

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L'ennemi qu'il alloit combattre n'avoit pu malgré tous fes efforts fe former encore une bonne armée. Ce que le Bonze avoit de foldats, fe réduifoit à quelques petits corps de volontaires & de bandits, outre un gros détachement de pirates que Chinchikong tenoit fur la côte, prêt à fe rendre où on l'appelleroit. A la vue des Tartares qui, après avoir paffé tranquillement les défilés, s'avançoient en front de bandière dans le Foukien, tous ces corps de Chinois fe diffipèrent; & la frayeur fut fi grande par-tout, que les Villes pour la plûpart restèrent défertes: les habitans fe preffant de fuir fur les montagnes ou dans les bois.

L'Auteur de la révolution, qui jufqu'alors avoit fi bien manoeuvré contre les Mancheoux, au moins dans l'enceinte de la Province, ne se tint pas pour vaincu à leur approche. N'ayant pas affez de monde pour les arrêter dans leur marche il alla fe renfermer dans Kienning, (1) Ville forte, à laquelle il ajoûta de nouveaux ouvrages dans le goût chinois, capables felon lui de faire échouer infailliblement les Tartares. Ceuxci en effet ayant voulu brufquer l'attaque de cette Place, furent d'abord vigoureufement repoufSiége fés. Ils revinrent à plufieurs re& prile prifes; mais ce fut toujours fans ning. fuccès & avec perte de leurs meilleurs foldats. L'intrépide Ho

deKien

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chang leur fit voir par fa belle défenfe, que les pratiques du cloître lui avoient laiffé toute fa fcience militaire, & n'avoient point altéré fa valeur. Le fiége fut prudem

(1) Kienning-fou latitude, & au 136 d. dans le Foukien eft 15 m. 55 f. de longiau 27 d. 3 m. 36 f. de tude.

ment changé en blocus, jufqu'à l'arrivée d'un grand fecours qu'on s'attendoit à recevoir de Nankin.

Ce ne fut qu'au bout de deux mois que ce fecours arriva; mais il étoit confidérable, fur-tout en artillerie. Les opérations du fiége recommencèrent alors avec vigueur, fans que les affiégés en paruffent moins difpofés à fe bien défendre. Cependant les bréches s'élargiffant à vue d'oeil, le Général Tartare fe détermina à un affaut. On le donna, ou plutôt on le réitéra avec tant de violence durant trois jours confécutifs, que la Place fut emportée & détruite de fond en comble, après le maffacre général de tous ceux qui la défendoient. Le vaillant Solitaire fut tué fur la bréche, combattant comme un tigre: ainfi s'expriment les relations de ce temps-là.

La prife de Kienning mit le fceau à la parfaite foumiffion de cette Province. Chinchikong, que des raifons qu'on ignore empêchèrent d'agir en cette occafion auffa

vivement qu'il l'avoit promis, fe hâta de retirer fon monde ; & fi les Mancheoux eurent encore quelque peine dans ces quartiers, elle vint des foins qu'il leur fallut pren-. dre pour engager les habitans des Villes abandonnées à revenir tranquillement dans leurs maifons.

Le Foukien foumis, on penfa bien férieufement à faire rentrer le Kiangfi dans l'obéiffance. Mais l'entreprise n'étoit pas aifée avec un homme auffi actif que l'étoit, de l'aveu de tous, le grand Mandarin Kinchinhoan. Ce Chinois irrité plus que jamais du refus opiniâtre qu'on faifoit à Kantcheou d'embraffer fon parti, & de reconnoître le Prince de Kouei pour Souverain, leva une très-belle armée, avec laquelle il fe mit en devoir d'aller forcer cette Ville. Déjà il étoit en pleine marche, lorfqu'on vint lui annoncer qu'un gros détachement de Tartares étoit parti de Nankin pour pénétrer dans le Kiangfi. Cette nouvelle dérangeant fes vues, il héfita quelque

temps fur le parti qu'il avoit à prendre; mais après s'être bien confulté, il réfolut de rebrouffer chemin, & d'aller à la rencontre des ennemis pour les battre tout en arrivant. Seulement recommanda-t-il à fon ami Lychintong l'affaire de Kantcheou, le priant de venir en forces du Koantong où il étoit, pour affiéger cette Place durant fon abfence; ou, s'il n'avoit pas autant de troupes qu'il lui en falloit pour faire un fiége dans les formes, d'empêcher au moins la garnifon de continuer fes courfes dans la Province. Lychintong accepta avec plaifir la commiffion qu'on lui donnoit ; & certainement il n'oublia rien pour répondre à la confiance de fon ami. Nous verrons bientôt quel fut le fuccès de fes démarches.

Kin

chin

un gros

Kinchinhoan tranquille de ce côté-là, ne penfa plus qu'à bien hoan recevoir les Tartares qui venoient défait d'entrer dans fa Province. Il les détarencontra au fixiéme mois de cette chemet de Manannée 1649, les attaqua, les défit, cheoux.

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