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séjourner volontairement au lieu où il a été réparé; le risque de mer, en effet, n'est plus alors garanti.

L'assureur sur corps répond des avaries survenues au navire pendant le voyage assuré, et le second voyage nécessaire pour pourvoir aux réparations lorsque ce navire n'a pu, de l'avis des experts, être réparé au port de sa destination et a été obligé, en conséquence, de se diriger vers un autre port (1).

Les frais payés pour le pilotage, le tonnage et l'amarrage ne peuvent, en principe, donner aucun droit à l'assuré contre l'assureur (2); mais si ces droits ont été payés parce que l'assuré fuyait la tempête, l'ennemi, etc., l'assureur les doit (3) s'il a accepté notamment ce dernier risque.

75. Nous venons d'indiquer certaines fortunes de mer que garantit l'assureur, mais il faut remarquer que le Code de commerce n'a rien de limitatif dans ses énumérations; l'article 350 du même Code n'est qu'énonciatif.

Du reste, les conventions des parties peuvent restreindre ou étendre les divers cas de fortune de mer; il suffit, pour connaître les divers usages adoptés à cet égard dans certaines localités, d'examiner attentivement les diverses polices d'assurance, ou bien, en dehors des cas prévus, il faut

(1) Bordeaux, arrêt déjà cité ; C. de comm., 397, 403.

(2) Pardessus, t. III, no 675; trib. de comm. de Marseille, jugement déjà cité; Journal de Marseille, 1-11-320; art. 406 C. comm. (3) Pothier, no 67; Valin, sur l'art. 30, tit. des Assurances ; Favard, v Assurances, § 2, 11° 54.

reconnaître que l'appréciation de la fortune de mer est abandonnée aux lumières des magistrats.

Si l'assureur est tenu des accidents qui sont la conséquence des fortunes de mer, il ne doit pas cependant sa garantie lorsque le dépérissement du navire et de ses accessoires est occasionné par l'usage qu'on en fait, lorsqu'une ancre, par exemple, est perdue par suite du mauvais état d'un câble usé (4).

76. La marchandise qui a été chargée sur un canot et qui périt avant d'arriver à terre est une perte devant être réputée fortune de mer et, par conséquent, à la charge de l'assureur (2); mais les marchandises déchargées sans motif de force majeure ne sont plus à la charge de l'assureur et ne peuvent plus être rechargées aux périls et risques de ce dernier. Il en serait autrement lorsque le déchargement n'a été opéré que par un événement de force. majeure; les marchandises pourront être rechargées sur le navire, et le risque qu'elles courent de nouveau est supporté par l'assureur (3).

(1) Valin, sur l'art. 29; Pothier, no 66; Emérigon, t. I, chap. XII, sect. 9; Pardessus, t. III, no 773.

(2) Bordeaux, 23 novembre 1830, D. P., 31-2-7.

(3) « Les risques sur facultés courent du moment de leur embarquement et finissent au moment de leur mise à terre, au lieu de la destination. Les risques de transport par alléges et gabarres, de terre à bord et de bord à terre, dans les ports, rades et rivières de chargement et de déchargement, ainsi que tous transbordements au Havre ou à Honfleur pour monter à Rouen, sont toujours à la charge des assureurs.

<< En cas d'assurance à prime liée ou à terme, les risques conti

Le dommage causé par les rats doit être considéré comme fortune de mer plutôt que comme étant le résultat du vice propre de la chose (4).

Nous citerons encore un exemple pour indiquer les faits d'appréciation soumis aux juges; nous parlerons ailleurs du vice propre qui affranchit l'assureur de toute responsabilité.

Le dommage que la piqûre des vers occasionne au navire est un accident de mer qui incombe aux assureurs quand il est établi que ceux-ci se sont attachés au navire dans le cours de la navigation (2).

En supposant que le capitaine de navire soit responsable de pareilles avaries, un tel fait de sa part ne peut être considéré comme un cas de baraterie dont l'assureur ait entendu garantir le risque à l'assuré (3).

77. Le propriétaire du navire est obligé d'avancer les fonds pour la réparation des avaries; il ne peut les répéter contre l'assureur qu'après règlement fait avec lui (4).

L'assureur doit toutefois l'intérêt des sommes avancées

nuent sur les objets substitués aux premiers et provenant de leur vente ou de leur échange, jusqu'à concurrence de la somme assurée, et sauf justification de leur valeur et de leur mise en risque, en cas de sinistre ou d'avarie. (Police d'assurance maritime de Paris, article 3.) »

(1) Paris, 21 décembre 1843, S. V., 44-2-200.

(2) Bordeaux, 14 avril 1856; conforme à la sentence de l'amirauté d'Aix du 21 janvier 1751.

(3) Tribunal de commerce de la Seine, 9 janvier 1843; voyez le Droit, journal des tribunaux, 18 janvier 1843.

(4) Poitiers, 25 juin 1824, D. P., 25-2-80.

pour ces réparations (1), puisque c'est pour rendre la perte moins grande que l'assuré en fait l'avance; il a donc été son negotiorum gestor. (Art. 1372 et suiv. Code Nap.)

CHAPITRE VI.

VICE PROPRE DE LA CHOSE.

Sommaire.

78. L'assureur ne répond pas du vice propre de la chose; qu'entend-on par vice propre?

79. La nature des objets soumis à détérioration doit être déclarée ; 80. Les assureurs peuvent se charger du vice propre de la chose: 81. L'appréciation du vice propre de la chose appartient souverainement aux tribunaux ;

82. Quel effet a sur l'existence du vice propre la dispense ou l'absence du certificat de l'état du navire au départ; Dans le doute sur le vice propre, l'assuré doit-il prouver la force majeure ? 83. Conditions essentielles de la stipulation qui met à la charge de l'assureur le vice propre de la chose;

84. Signification de la clause, en quoi que le tout consiste ou puisse consister; est-elle une renonciation au droit commun? Dérogation à l'article 352 du Code de commerce;

85. De la diminution ou de l'augmentation du poids des marchandises par suite d'un accident de navigation; comment, dans les deux espèces, est calculée l'avarie?

78. En dehors des risques à la charge de l'assureur et placés sous la rubrique de l'art. 350 du Code de commerce, il en est encore d'autres qui résultent des diverses dispositions de la loi tels sont le vice propre de la chose, la baraterie de patron, le changement de route ou de voyage. Nous allons examiner la doctrine et la jurisprudence sur ces

(1) Code Nap., 1153; Bordeaux, 3 décembre 1827, D. P., 98-2-44.

divers points; et d'abord qu'entend-on par vice propre? « Ce n'est pas seulement la mauvaise qualité, ou la conformation vicieuse d'une chose, qui aurait, avant sa mise en risque, porté avec elle et en elle le germe de sa corruption: c'est plus généralement toute détérioration dont une chose saine, et bien conditionnée d'ailleurs, est susceptible par sa nature, pourvu toutefois que cette détérioration n'ait pas été occasionnée, accélérée ou aggravée par des accidents de mer. Ainsi, des soieries peuvent se piquer, des huiles rancir, de la glace se réduire en eau, des vins devenir aigres; aucune de ces détériorations n'engagera la responsabilité de l'assureur, si un sinistre maritime, une tempête, un naufrage, une relâche forcée ne les a point produites ou aggravées.

Remarquez que nous disons un sinistre maritime, et non point la mer c'est qu'en effet il ne suffirait point, pour obliger l'assureur à réparer le dommage, d'établir que la chose s'est gâtée pour avoir été mise sur mer, ni même pour avoir subi le contre-temps d'une traversée plus ou moins longue. Les vices propres de la chose ne se déterminent pas d'une manière absolue; on range dans cette catégorie, non-seulement les détériorations dont les choses sont naturellement susceptibles à terre, mais aussi les avaries que le fait seul de la navigation doit leur faire éprouver. Ce sont là des risques prévus par l'assuré, inséparables de toute expédition par mer; ce ne sont point des cas fortuits maritimes. L'assureur peut certainement s'en charger par convention expresse, mais la nature du contrat ne l'en rend point responsable. C'est ainsi que le coulage or

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