Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE II'

De la clause compromissoire générale.

1

Le droit international a imaginé une autre clause de forme plus large, d'intérêt plus efficace, qui s'appelle la clause compromissoire générale.

A l'instar de la précédente, elle fait partie intégrante d'un traité quelconque, et son sort est lié à la destinée de ce traité ; mais voici où son champ d'action s'élargit singulièrement : elle vise tous les différends, sans exception, qui pourront s'élever à l'avenir entre les parties contractantes, ou, du moins, tous les différends à l'exception de ceux que les parties déclarent formellement soustraire à l'arbitrage.

Nous n'avons pas l'intention de l'étudier ici en détail. Car, si l'on imagine que la clause compromissoire générale, au lieu d'être bâillonnée dans un traité, acquiert une existence propre pour faire à elle seule l'objet d'un traité, nous arrivons alors à la

notion du traité d'arbitrage permanent. Il est facile de comprendre combien se ressemblent ces deux formes juridiques compromissoires, l'une ne différant de l'autre que par son indépendance. La clause compromissoire générale a quelque apparence servile de vassalité, contrairement au traité d'arbitrage permanent.

Nous nous exposerions donc à de fâcheuses redites si, dès maintenant, nous voulions analyser la valeur de la clause compromissoire générale. Il nous paraît plus utile de rapporter ce que disent les partisans de ces outils de pacification lorsqu'ils les comparent l'un à l'autre.

Confiants en la solidité de leur théorie, ils sont logiquement amenés à préférer le traité à la clause la plus étendue. Tandis qu'en effet celle-ci est appelée à subir l'infortune du traité dont elle n'est qu'un fragment, le traité d'arbitrage a une durée indéfinie, qui peut se prolonger successivement par tacite reconduction, pour peu que la bonne volonté des parties contractantes continue à se manifester d'une manière durable et permanente. Il en résultera une sécurité plus grande (1), une stabilité meilleure et l'assurance moins douteuse de la paix.

Sans prendre parti pour l'instant dans l'appréciation de la valeur juridique de la clause compro

I. Cf. la thèse de M. Langlade. Toulouse, 1899.

missoire générale et du traité d'arbitrage permanent, nous déclarons, nous aussi, aimer mieux celui-ci que celle-là. Nous sommes déterminé à cette préférence par de pures raisons de forme. Il nous apparaît en effet qu'un engagement ipso jure offre un plus grand prix qu'une résolution timide, englobée dans un acte dont l'objet est tout étranger et souvent assez anodin. Ne peut-il sembler bizarre, à la suite de dispositions, parfois d'intérêt médiocre et d'utilité secondaire, de noter que se glissant, avec un air de honte, la clause compromissoire générale, engageant ou du moins ayant l'apparence d'engager la politique diplomatique de deux pays? Et, au lieu de remorquer d'aussi graves décisions, ne vaut-il pas mieux avoir le courage de les traîner seules, sans craindre les responsabilités ni les critiques ? La franchise a plus de mérite qu'on n'est porté à le croire, même en droit international et, souvent, les pratiques tortueuses, à moins d'être conduites par des hommes supérieurs, jettent à l'abîme gouvernants et gouverne

ments.

Ces motifs nous suffisent à rejeter la clause compromissoire générale, et nous dispensent pour l'instant de tout autre considération sur son utilité. Le débat est reporté au traité d'arbitrage permanent. Il y sera beaucoup plus intéressant, puisqu'il aura pour objet une convention, puisant en elle-même son entière réalité, et non une disposition attachée

Godefroy

2

on ne sait trop pourquoi par une chaîne indissoluble à d'autres dispositions d'un caractère différent.

La clause compromissoire générale a obtenu depuis cinquante ans un assez large crédit, surtout en Amérique où elle s'est cantonnée particulièrement.

Dès 1863, est intervenu un traité de paix entre le Pérou et la Bolivie. Les deux contractants déclaraient que les conflits qui pourraient surgir entre eux soit à cause de la mauvaise interprétation de quélque traité, soit pour n'importe quel autre motif, ne se décideraient jamais par la force armée et ils convenaient de soumettre la décision des différends futurs à l'arbitrage de l'un des gouvernements du continent américain ou de l'autre.

Un pacte d'union du 17 février 1872 lia les républiques de Costa-Rica, de Guatemala et du Honduras-Salvador. Au commencement de 1889, les mêmes Etats auxquels se joignit le Nicaragua, conclurent un nouveau pacte et s'engagèrent à soumettre leurs conflits à l'arbitrage de l'un des Etats suivants : les Etats-Unis, la République Argentine, le Chili, le Mexique, la Suisse ou l'une des grandes puissances européennes.

Ces résolutions pacifiques ne surent empêcher la guerre d'éclater entre le Salvador et le Guatemala. Le traité de paix du 5 novembre 1890 contenait de la part des belligérants l'obligation de recourir à l'arbitrage. Si au bout de trois mois l'arbitre n'avait

1

pas été choisi d'un commun accord, trois noms devaient être tirés au sort parmi les gouvernements de l'Allemagne, la République Argentine, la Belgique, le Chili, l'Espagne, les Etats-Unis d'Amérique, la France, la Grande-Bretagne, le Mexique et la Suisse. L'arbitre acceptant le premier devait être désigné.

Il serait assez satirique de signaler en passant que ces républiques américaines, si ingénieuses dans leurs résolutions arbitrales, n'ont jamais cessé de faire un large abus de la guerre étrangère, et même des atrocités de la guerre civile. C'est encore dans ces régions qu'on voit des armées minuscules s'acharner à des combats qui laissent sur le terrain une demi-douzaine de blessés.

Le Salvador a introduit la clause générale dans ses traités avec le Guatemala, le Honduras et le Nicaragua; et dans un traité de commerce et de navigation avec le Mexique du 24 avril 1893.

Le Honduras a signé trois traités contenant des stipulations d'arbitrage permanent avec le Nicaragua (1894), le Salvador (1895) et le Guatemala (2 mars 1891). On peut également citer le traité d'amitié, de commerce et de navigation du 31 août 1887, entre les Etats-Unis de l'Amérique du Nord et le Pérou. La réserve est du plus haut comique par sa généralité en cas de nécessité, on se dispensera de recou

« PreviousContinue »