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La Faculté n'entend donner aucune approbation ni improba

tion aux opinions émises dans les thèses; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

MAY 3 1 1928

531-25

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Aussi loin que notre pensée fouille dans les arcanes du passé pour dévoiler l'histoire des relations entre les hommes, elle s'attriste à juste titre d'apercevoir toujours, à la naissance des peuples comme à leur déclin, à leur apogée ainsi qu'à leur décrépitude, la guerre maudite et barbare, sanglante et féroce. Elle apprend avec effroi que l'intelligence la plus féconde a été mise à toutes les époques au service de la Force. Si le primitif ne connaissait que des armes grossières, des âges moins arriérés ont accordé à l'humanité la pratique des javelots, et les Romains savaient engager un siège sans ignorer aucune des lois de la stratégie. La science, cette conquête sur la nature et l'inconnu, s'est pliée, elle aussi, aux exiGodefroy

gences de la guerre pour apporter ces engins de destruction et ces armements dantesques dont les campagnes d'Extrême-Orient viennent de nous révéler la puissance terrible.

La civilisation raffinée des temps modernes s'émeut de tant d'odieux combats. Elle s'étonne qu'il soit possible d'envoyer à la mort un homme qui a nécessité vingt ans d'efforts et de soins pour arriver à la virilité. Aujourd'hui que le scepticisme métaphysique ne s'élève guère qu'à la seule croyance en la dignité de la vie, il paraît absurde et cruel de conduire au carnage les peuples vigoureux et à l'aube de l'exis

tence.

Cette horreur qu'inspirent les tueries n'est pas née d'hier. De grands esprits l'ont manifestée dès l'antiquité; mais, tandis que leur appel à la paix perpétuelle partait d'une voix isolée et qu'ils formaient, ces génies de la pensée, des phares scintillant audessus de la foule ténébreuse et d'autant plus lumineux qu'elle était plus obscurcie, les temps modernes voient s'organiser de véritables mouvements dont on ne peut encore préciser ni l'importance, ni la portée.

Il n'est plus guère question dans ces velléités pacifiques d'organiser de vastes confédérations, comme l'avaient rêvé les idéologues qui s'appellent l'abbé de Saint-Pierre, Bentham, Kant et une pléiade d'autres philosophes.

L'arbitrage devient le seul moyen, proposé par nos contemporains pour solutionner les conflits et substituer à la brutalité de la force la majesté du droit. Plus de mitraille, de sang répandu, mais des arbitres, un code, de l'encre !

Il pourrait sembler au premier abord que l'arbitrage deviendrait un remède souverain contre la guerre. Par malheur, un examen conscient nous montre qu'il ne saurait être la panacée universelle, tant que les hommes n'auront pas renoncé à l'orgueil de la domination.

Il apparaît qu'en effet des juges doivent seulement prononcer d'après le droit et sur les questions juridiques. La volonté des Etats n'acceptera jamais de faire trancher les conflits dits « politiques >> selon les appréciations de l'équité.

Mais nous n'avons pas l'intention d'approfondir davantage ce débat. D'autres que nous l'ont fait avec vigueur. Et nous voulons dès maintenant parvenir à cette conclusion que, partout où il est possible de le faire, l'arbitrage doit remplacer la guerre. Sans nous laisser égarer par l'attrait des utopies qui traînent à leur suite un cortège de nombreuses déceptions, nous proclamons bien haut qu'il n'y aurait rien de plus beau que le règne de la justice triomphante et de la brutalité vaincue. Comme l'écrit M. Saint-Georges d'Armstrong : « La pacification constante par l'arbitrage est pour les nations une source d'innombrables bienfaits. >>

Cette idée n'a d'ailleurs aujourd'hui aucune originalité. La multitude des juristes l'accepte généreusement. Il n'existe plus pour la repousser que quelques intelligences ratatinées dans l'ignorance du bien.

Certains diplomates se figurent que, pour qu'elle soit fructueusement mise en œuvre, pour que la réalité couronne nos désirs pacifiques, les Etats devraient s'engager à l'avance dans cette voie, en signant entre eux des traités par lesquels ils décideraient de soumettre leurs litiges futurs à l'arbitrage.

Cet engagement a priori de porter les conflits éventuels à la connaissance d'arbitres, c'est le traité d'arbitrage permanent. La promesse de compromettre fait l'objet exclusif de la convention, au lieu que, comme nous le dirons plus tard, la clause compromissoire ne forme qu'un paragraphe enchâssé dans un traité ordinaire.

Si tous les Etats, disent les partisans de ces traités, avaient la sagesse de s'unir ainsi, l'ère de la paix perpétuelle serait vite arrivée, car la pluralité des nations empêcherait, même au besoin par la force, que la minorité d'entre elles pût se soustraire aux engagements du contrat.

Nous sommes loin, expliquent les pacifistes, d'être parvenus à un si haut résultat ; mais, peu à peu, notre persévérance nous y mènera. Il faut donc que les gouvernements aient le courage de conclure des traités généraux d'arbitrage : ceux-ci ne présentent,

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