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et les populations ne peuvent manquer d'en éprouver les conséquences. Cependant, il est du devoir des gouvernements de remédier, autant qu'il dépend d'eux, à ces inconvénients passagers et trop souvent périodiques: aussi de tout temps se sont-ils occupés du soin de prévenir les disettes par des lois ou par des réglements qui n'ont malheureusement pas répondu aux espérances qu'on en avait conçues. Cette intervention a produit le système des approvisionnements et les restrictions qui entravent encore aujourd'hui le commerce des blés.

On comprend aisément qu'à une époque où l'agriculture était peu avancée et les moyens de communications intérieures et extérieures peu étendus, il fut prudent de veiller sur l'entrée et la sortie des subsistances. La disette entraînait alors des conséquences si redoutables, qu'on ne pouvait prendre trop de précautions pour l'éviter ou pour en atténuer les ravages quand elle venait à éclater. De là, ces défenses sévères d'exporter le blé en temps d'abondance, et les vexations trop souvent exercées aux dépens des cultivateurs ou détenteurs de céréales, quand les marchés n'étaient pas suffisamment approvisionnés ; de là aussi les préventions populaires contre les marchands de blé, contre les boulangers, contre l'autorité elle-même, quand le prix du pain s'élevait au-dessus du chiffre accoutumé. Mais aujourd'hui que l'augmentation des troupeaux, le perfectionnement de la culture, la naturalisation de la pomme de terre, et sur-tout les relations commerciales des peuples ont acquis une extension considérable, la disette ne peut plus avoir les caractères menaçants qu'elle avait autrefois.

Les denrées destinées aux subsistances sont plus variées, les procédés de conservation plus nombreux, la prévoyance plus générale. Les salaisons, les fécules, les fruits secs se sont multipliés et se combinent avantageusement avec les autres aliments; des pâtes nourrissantes, des préparations gélatineuses, des conserves sucrées assurent quelques ressources nouvelles, jadis à peine connues, et qui tendent à se répandre chaque jour dayantage. Le blé lui-même, aéré et rafraîchi par des opérations économiques et ingénieuses, échappe facilement au rayage des insectes et de l'humidité. Les greniers d'abondance, les silos, les récipients de plomb, de toiles métalliques, ont été essayés

tour a tour avec des succès divers. Chaque pays se distingue par des efforts persévérants dans cette intéressante carrière, et nous avons lieu d'espérer que les efforts réunis de la physique et de la chimie conduiront la génération actuelle à d'heureux résultats sous ce rapport.

Mais quelques efforts qu'on fasse, il sera toujours difficile de triompher de l'intempérie des saisons. Ce ne peut donc être que par des mesures sagement combinées, qu'on parviendra à compenser le déficit occasioné par les mauvaises années, au moyen de la surabondance survenue dans les bonnes. Jusqu'ici ces mesures ont consisté à interdire l'exportation et à soumettre l'importation à des conditions plus ou moins rigoureuses; on a cru que le plus sûr moyen d'encourager l'agriculture était d'assurer de grands profits aux propriétaires et aux cultivateurs, sans considérer sur qui retombaient en définitive les frais de cès encouragements. On a ainsi gêné les mouvements naturels et réguliers du commerce pour créer un état purement artificiel, et dont le moindre inconvénient est d'être extrêmement coûteux. Nous en sommes encore aujourd'hui à la vieille législation du moyen âge, où chaque petit seigneur avait ses douanes, ses péages et ses prohibitions. C'est de cette époque que datent tous les réglements relatifs au commerce des grains, qui renchérissaient l'un sur l'autre, de royaume à royaume, de province à province, de domaine à domaine. Aux embarras produits par le défaut de circulation et le mauvais état des routes, se joignaient la taxe des grains, la défense de vendre hors marché; l'établissement du droit de place ou d'octroi ; de manière que peu peu le commerce des blés a cessé d'être libre et a été soumis à toutes les expériences réglementaires des administrations. On n'a pas considéré, dans ces derniers temps, que les mauvaises récoltés ne se manifestant pas sur tous les points de l'Europe à la fois, chaque nation avait toujours un surplus de produits au service de l'autre, et que dans le même pays, le Nord pouvait souvent offrir des ressources au Midi. Il paraîtrait donc que le meilleur moyen d'assurer les populations contre le fléau des disettes, consiste à faciliter l'entrée et la sortie des grains et leur circulation sur toute l'étendue du territoire.

à

En effet, les grains ne tendent à sortir d'un pays que lors

qu'ils y sont en abondance et par conséquent dépréciés; ils ne s'y présentent, au contraire, que lorsque le pays en a besoin, c'est-à-dire lorqu'ils y sont rares et chers, et ils en atténuent par leur présence la rareté et la cherté. L'expérience a prouvé que la famine avait souvent désolé des contrées soumises à toutes les sévérités du système réglementaire, tandis que les pays où le commerce est libre, en ont été presque toujours exempts. Le complément naturel de la réforme de notre législation restrictive sous ce rapport, serait donc l'amélioration générale de nos routes et de nos canaux. Une ou deux grandes lignes de chemins de fer, joignant le Nord au Sud et l'Est à l'Ouest, contribueraient plus à prévenir les disettes, que toutes les restrictions du monde. Les restrictions qui empêchent le blé de sortir en temps d'abondance, n'ont d'autre effet que d'encourager le gaspillage et d'empêcher les cultivateurs de retirer de leurs produits la plus grande somme de profits; les restrictions qui empêchent d'entrer, affament les populations et donnent lieu à des abus, dont le moindre est d'enrichir quelques particuliers aux dépens du public.

C'est en vain qu'on a craint que la liberté absolue d'importer ne décourageât la culture et n'exposât la France à l'abandon ou aux exigences de l'étranger. La culture du blé ne serait abandonnée sur quelques points que pour faire place à celle des fourrages, et l'on obtiendrait probablement en bestiaux plus qu'on n'aurait sacrifié en céréales. Le blé doit toujours être un objet de commerce dans les grands États; et les prétendus approvisionnements qu'on a cru favoriser par des mesures restrictives, n'ont abouti qu'à augmenter l'insouciance générale et la confiance trop souvent trompeuse des peuples dans la vigilance des gouvernements. Les greniers d'abondance sont accompagnés de frais de gestion, de charges résultant de l'entretien et de la construction de bâtiments, de fraudes et d'inconvénients de toute espèce, dont le moindre est de ne jamais suffire complé tement aux besoins pour lesquels ils sont institués. De quelque manière qu'on envisage cette grave question, on est toujours conduit à ce resultat, que la liberté est plus simple et plus sûre que les entraves et les prohibitions. On peut s'en fier avec sécurité à l'intérêt privé, du soin de pourvoir à l'approvision

nement des marchés pour le blé, comme de toutes les autres denrées.

Le lecteur curieux de connaître les meilleurs travaux qui aient été faits sur le sujet qui nous occupe, pourront consulter avec fruit les idées de Turgot sur la législation des grains, les fameux Dialogues de l'abbé Galiani sur le commerce des grains, et l'excellent ouvrage de M. de Laboulinière, intitulé: de la disette et de la surabondance en France. V. aussi le mot SUBS SISTANCES, de ce Dictionnaire.. BLANQUI AÎNÉ.

DISTILLATION. (Chimie industrielle.) Lorsqu'un corps formé de divers éléments, inégalement volatils, ou pouvant donner lieu à leur production dans des circonstances déterminées, est soumis à l'action de la chaleur, on parvient souvent à les séparer : cette opération est désignée par des noms différents, suivant leur nature; ainsi, on l'appelle Sublimation, quand il s'agit de volatiliser un produit solide qui peut devenir momentanément gazeux, tandis que l'on donne plus particulièrement le nom de Distillation à la séparation de deux produits liquides doués d'un degré de volatilité différent, lorsqu'il s'agit de recueillir le plus volatil. C'est sous le rapport de la préparation des liqui des alcooliques, que nous devons envisager ici la question d'une manière plus spéciale.

Les appareils destinés à la distillation sont habituellement appelés ALAMBIC: nous avons fait connaître à cet article les appareils simples de ce genre; mais lorsqu'on en fait usage, on ne peut parvenir économiquement à la séparation, aussi complète que possible, du produit le plus volatil, de la plus grande partie de celui qui est le plus fixe : ce ne peut être que par des distillations successives qu'on approche de ce but quant à la séparation; mais alors on s'éloigne considérablement du but quant à l'économie. On sera facilement convaincu de ce résultat, en faisant attention à ce qui se passe quand on chauffe les liquides.

Un grand nombre de corps peuvent se présenter sous différents états physiques, en faisant varier leur température. Lorsqu'un liquide est échauffé jusqu'au point où il est susceptible de passer à l'état de vapeur, un phénomène particulier, connu sous le nom d'ébullition, se présente; des bulles plus ou moins volumineuses partént du fond du liquide et viennent crever à

la surface, et ce mouvement se continue jusqu'à ce que le liquide ait tout entier disparu. Un liquide n'a pas besoin d'être parvenu à la température de son ébullition pour donner des vapeurs : il en produit à des températures beaucoup moins élevées ; mais d'autant moins qu'elles se trouvent plus éloignées du point d'ébullition : lorsqu'on opère dans un vase ouvert, ou communiquant avec l'atmosphère, l'ébullition d'un liquide donné a toujours lieu à la même température, dans le même lieu; mais le point d'ébullition sera d'autant plus bas que la pression sera moindre, comme cela aurait lieu dans le vide, plus ou moins complet; et d'autant plus élevé, au contraire, qu'elle sera plus haute, comme dans les chaudières à vapeurs à haute pression.

Si deux liquides inégalement volatils sont mélangés, et qu'on élève la température du mélange au point d'ébullition du plus volatil, auquel celui-ci se distillera, il se dégagera une quantité de vapeurs du moins volatil, égale à celle qui se produirait à cette même température, et d'autant moindre que les points. d'ébullition seront plus éloignés; et comme à mesure que le produit le plus volatil se dégage, la proportion de l'autre ira en augmentant, la température s'élévera, et il se distillera une plus grande proportion de celui-ci.

Ainsi, l'eau bout à 100° centig., et l'alcool absolu à 78°. Quand on distille un mélange de ces deux liquides, l'alcool passe d'abord avec une quantité d'eau proportionnelle à la température du mélange; mais la proportion d'alcool diminuant bientôt, celle de l'eau qui se distille, va en augmentant de plus en plus, de sorte que les dernières portions de liquide qui se distillent peuvent n'être que de l'eau.

Il est, d'après cela, impossible d'opérer par une distillation, la séparation complète de deux liquides volatils. Le but de l'opération sera seulement d'atteindre ce résultat de la manière la plus approximative.

S'il ne s'agissait que d'obtenir un produit sans tenir compte de le valeur, les procédés suivis pour se le procurer seraient toujours bons, pourvu que le produit fût d'une bonne qualité.; mais plus les procédés se perfectionnent, plus la question économique doit être prise en considération; et alors, sous le

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