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beaucoup de personnes avec lui, que dans une dissolution, ce sont les combinaisons les plus solubles qui y existent, et que les quantités de chaque base et de chaque acide étant données, on doit interpréter l'état des sels en ce sens, que les plus solu-" bles se trouvent réellement en dissolution; mais c'est là une hypothèse gratuite, et il faut bien convenir que nous ne pouvons souvent apprécier avec exactitude la manière dont les éléments salins sont réunis entre eux.

Il existe en outre, dans certaines eaux minérales, des matières produites par des circonstances que nous ne pouvons reproduire de manière à les introduire dans nos eaux artificielles; telles sont, pour la plupart du temps, les matières désignées sous le nom de résine, bitumes, matière extractive, huileuse, azotée, barégine, etc. Elles concourent quelquefois puissamment aux propriétés des eaux minérales, soit par elles-mêmes, soit par les combinaisons qu'elles ont contractées avec d'autres principes de ces eaux.

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Pour résumer cette discussion, je dirai que les eaux minérales naturelles doivent être préférées aux eaux artificielles, toutes les fois qu'elles peuvent être conservées long temps sans altération; que l'on peut employer indifféremment les unes ou les autres dans les cas où l'on peut arriver à une imitation complète, savoir quand l'eau naturelle a été analysée par un chimiste habile, et que cette analyse a servi de base à la fabrication de l'eau artificielle, lorsque rien dans la composition de l'eau naturelle n'annonce la présence des matières que nous ne pouvons former artificiellement, ou ne fait soupçonner l'existence de quelque principe qui aurait pu échapper à l'analyse; • enfin lorsqu'une étude comparative et long-temps continuée des propriétés médicales des deux espèces d'eaux, a montré l'identité de leur action sur l'économie vivante.

Il est quelques cas où les eaux artificielles doivent être préférées; ainsi, en chargeant d'un grand excès d'acide carbonique les eaux ferrugineuses et les eaux salines, on les rend moins rebutantes, plus digestives pour le malade, sans affaiblir leurs autres propriétés; ainsi l'eau de Seltz, chargée d'un excès de gaz, est plus propre, dans bien des cas, à faciliter la digestion que l'eau naturelle qui est à peine acidule : c'est dans

ce cas, que l'on peut dire réellement que l'art a surpassé la

nature.

Quelque idée que l'on se fasse d'ailleurs de l'analogie que peuvent présenter entre elles les eaux naturelles et les eaux artificielles, on ne saurait se refuser à convenir que celles-ci rendent journellement de grands services à l'art de guérir. Beaucoup d'entre elles sont réellement des imitations grossières de la nature; mais elles constituent des médicaments nouveaux dont l'usage a consacré le bon emploi.

La fabrication des eaux minérales présente quelques difficultés, à cause du nombre considérable des corps que l'on peut avoir à y introduire. Pour mettre de l'ordre dans ce travail et en rendre l'étude plus facile, j'examinerai d'abord les procédés généraux de fabrication; puis je donnerai les moyens de préparer chaque espèce d'eau minérale en particulier. La fabrication, considérée d'une manière générale, se compose de manipulations spéciales, ou de considérations qui s'appliquent au moyen d'introduire dans les eaux certaines séries de corps. Je traiterai successivement de l'introduction de l'acide carbonique dans les eaux, ou de la préparation des eaux gazeuses simples; des moyens propres à introduire dans les caux les matières salines, la silice ou les substances organiques; enfin. des généralités relatives à la préparation des eaux sulfureuses.

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DE LA PRÉPARATION DE L'EAU GAZEUSE.

L'acide carbonique que l'on introduit dans les eaux s'obtient par l'action de l'acide sulfurique ou de l'acide hydrochlorique -sur le carbonate de chaux. Il se fait du sulfate ou de l'hydrochlorate de chaux, et l'acide carbonique est mis en liberté. On se sert de marbre blanc ou de craie : dans le premier cas, c'est à l'acide hydrochlorique que l'on a recours; on l'étend de son poids d'eau, pour qu'il ne répande plus de vapeurs acides. Son action sur le marbre est régulière, parce que le marbre, qui est compacte, ne se laisse attaquer que peu à peu par l'acide; mais l'action continue à se produire tant qu'il y a de l'acide libre, parce que l'hydrochlorate de chaux qui se forme sans cesse. étant un sel très soluble, est dissous à mesure par la liqueur, et livre toujours la surface nue du marbre à l'action de l'acide

décomposant. Avec le même carbonate, l'emploi de l'acide sulfurique serait moins bon; il formerait bientôt à la surface du calcaire une couche de sulfate de chaux insoluble, qui mettrait obstacle au contact intime de l'acide avec le carbonate : l'action cesserait, ou ne marcherait qu'avec beaucoup de lentenr.

On a rarement recours à l'action de l'acide hydrochlorique sur la craie, parce que ce carbonate étant très divisé, et le sel qui résulte de sa décomposition étant soluble, la décomposition s'établirait presque instantanément sur tous les points à la fois, le gaz carbonique se dégagerait avec violence, et le dégagement cesserait presque aussitôt pour reparaître de nouveau tumultueusement lors de l'affusion d'une nouvelle quantité d'acide. L'opération ne marcherait pas d'une manière régulière.

Quand on emploie l'acide sulfurique et la craie, on pulvérise celle-ci, on la délaie dans l'eau, de manière à faire une bouillie claire, et l'on y verse par parties l'acide sulfurique concentré: on renouvelle les surfaces au moyen d'un agitateur.

Pour obtenir l'acide carbonique au moyen de la craie, on se sert de l'appareil ci-contre. Fig. 372.

A est un flacon de 20 à 25 litres, destiné à recevoir l'acide hydrochlorique; / la tubulure a reste fermée, et ne s'ouvre que lorsque l'acide est consommé et que, l'on veut en introduire de nouveau; la tubulure best munie d'un tube en plomb' bien fixé avec un bouchon; ce tube se replie sur lui-même et vient s'adapter à la tubulure e de la jarre de grès, où il ne pénètre qu'environ de l'épaisseur du bouchon.

Best un bonbonne en grès, à trois tubulures supérieurs c d e et à une tubulure inférieure f. On remplit aux trois quarts cette bonbonne avec du marbre cassé par morceaux; la tubulure d porte un tube de plomb qui va porter le gaz carbonique au dehors du vase de production. C reçoit le tube qui établit la communication entre la partie supérieure de A et celle de B; e reçoit l'extrémité d'un robinet en verre qui est solidement fixé dans la tubulure e du vase A; suivant que l'on ouvre ou

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que l'on ferme le robinet, on établit ou l'on arrête l'écoulement de l'acide sur le marbre. Le tube qui va de b en c établit une communication entre l'atmosphère gazeuse des deux vases, de manière à ce que l'augmentation de pression'qui se manifeste en B par la production du gaz se fasse sentir également en A, et qu'elle ne fasse pas obstacle à l'écoulement de l'acide sur le marbre; f sert à vider le muriate de chaux qui s'est formé.

Fig. 373.

Quand on opère avec l'acide sulfurique, or se sert avec avantage de l'appareil suivant. A est un vase en plomb dans lequel on introduit par la tubulure t de la craie pulvérisée et délayée dans trois fois et demie son poids d'eau.

B est un vase plus petit, placé au-dessus de A, avec lequel il est soudé, et qui sert de réservoir à de l'acide sulfurique concentré. On fait tomber l'acide sur la craie en ouvrant le robinet r: la communication entre l'atmosphère des deux vases

est établie par un tuyau en plomb intérieur.

B est traversé dans son centre par un conduit en plomb creux qui donne passage à un agitateur en cuivre, que l'on met en mouvement au moyen d'une manivelle m, et qui sert à renouveler les surfaces entre l'acide et la craie.

Lorsque l'on a des acides liydrochloriques de bonne qualité, il est assez indifférent d'avoir recours à l'un ou à l'autre procédé: c'est la valeur commerciale des acides qui sert de guide dans la préférence que l'on peut accorder à l'un d'eux; mais à Paris, où les acides hydrochloriques sont depuis quelques années très chargés d'acide sulfureux, les fabricants d'eaux minérales ont donné la préférence à l'acide sulfurique, qui fournit un gaz carbonique plus facile à laver. On peut cependant, suivant la méthode que M. Girardin nous a fait connaître, changer l'acide sulfureux en acide sulfurique, en faisant passer du chlore dans l'acide muriatique impur.

Le lavage du gaz acide carbonique est une opération importante: il a pour effet de débarrasser ce gaz des portions d'acide étranger qu'il a pu entraîner avec lui. Ce lavage peut se faire de diverses manières; je me sers d'un tonneau en bois, étroit et profond; le tube T amène le gaz jusqu'au fond du tonneau;

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celui-ci est rempli d'eau jusqu'à la douille d, qui Fig. 374. sert à reconnaître quand la quantité d'eau, intro-T duite dans le tonneau, est assez considérable. Le gaz est obligé de traverser le diaphragme percé de petits trous; il s'y divise en petites bulles et présente ainsi beaucoup de surface à l'eau qui doit le débarrasser des acides étrangers. Le tube T' va porter le gaz lavé sous le gazomètre, fig. 375. Celui-ci se compose d'un grand vase cylindrique en cuivre étamé que l'on remplit d'eau, et Fig. 375. d'une cloche renversée en cuivre étamé C, qui est tenue en équilibre au moyen d'un contrepoids. Le gaz arrive dans la cloche par le tube ttt"; il en sort par le tube "t”” quand le robinet z est ouvert et que la pompe aspirante est mise en jeu. Quand on a besoin de connaître exactement la quantité de gaz que l'on emploie, la cloche du gazomètre est armée d'une règle graduée g, qui fait connaître le nombre de litres de gaz contenus dans le gazomètre par l'observation du point qui affleure la surface de l'eau.

Du reste, l'acide carbonique est enlevé au moyen d'unc pompe aspirante et foulante qui est mise en jeu par des moyens mécaniques différents; le gaz puisé dans le gazomètre sous la pression ordinaire, est refoulé fortement dans un tonneau épais, en des proportions qui varient avec la nature de l'eau que l'on veut obtenir. On pourrait se contenter de saturer les eaux de gaz acide carbonique sous la pression ordinaire; mais l'habitude qu'ont les consommateurs des eaux mousseuses et sursaturées, a fait de l'emploi des appareils à compression une nécessité de la fabrication actuelle. Trois systèmes différents ont été mis en usage: dans l'un, l'appareil est parfaitement clos et la compression se trouve exercée par le gaz lui-même; il s'agit seulement de déterminer par l'expérience la quantité de carbonate de chaux qui

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