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contrat d'assurance est, comme on l'a vu au mot Assurances, de garantir le commerce, moyennant une prime, des risques et fortunes de mer que doivent courir un vaisseau et les marchandises qu'il contient.

L'action qui naît de ce contrat et qui est exercée par l'assuré contre l'assureur, est de nature différente. En effet, si le navire et les marchandises n'ont éprouvé que des dommages, des détériorations appréciables, l'indemnité due à l'assuré est calculée en raison de ces dommages; c'est ce que nous avons vu au mot AVARIE. Si, au contraire, le navire et les marchandises sont entièrement ou presque entièrement perdus, il n'y a plus alors d'appréciation possible du dommage, et l'assuré peut réclamer des assureurs la valeur totale de ces objets, en les leur abandonnant toutefois c'est ce qu'on appelle le délaissement, action réglée par les articles 369 à 396 du Code de Commerce. L'action en délaissement que l'on peut appeler extraordinaire, en quelque sorte hors du droit commun, puisqu'elle force l'assureur à devenir, malgré lui, propriétaire de choses qu'il n'a ni voulu, ni entendu acheter, et qui n'a été introduit que dans l'intérêt du commerce maritime, est circonscrite dans les limites fixées par la loi, qui a spécifié les cas dans lesquels, seuls, elle peut être exercée. Remarquons, en outre, que l'assuré a toujours le droit d'opter pour l'action en avarie, s'il pense qu'elle lui sera plus avantageuse, mais que ce choix entre les deux actions ne lui est permis que lorsqu'il est dans un des cas prévus pour l'exercice de l'action en délaissement.

Le délaissement des objets assurés ne peut être fait que dans les cas de prise, de naufrage, d'échouement avec bris; d'innavigabilité par fortune de mer; d'arrêt d'une puissance étrangère, ou d'arrêt de la part du gouvernement après le voyage commencé, mais non avant le voyage commencé; de perte ou de deterioration des effets assurés, si la détérioration ou la perte vont, au moins, à trois quarts. Tous les autres dommages sont réputés avaries, et se règlent, entre les assureurs et les assurés, à raison de leurs intérêts. (Cod. de Com..., art. 360 à 371.)

Fa cas de naufrage ou d'échouement avec bris, l'assuré doit, sans prejudice du délaissement à faire en temps et lien, travailler au recouvrement des effets naufragés. Sur son affirma

tion, les frais de recouvrement lui sont alloués jusqu'à concurrence de la valeur des effets recouvrés. (Id., 38:.)

Le délaissement, à titre d'innavigabilité, ne peut être fait si le navire échoué peut être relevé, réparé et mis en état de continuer sa route pour le lieu de sa destination. Dans ce cas, l'assuré conserve son recours sur les assureurs, pour les frais et avaries occasionés par l'échouement. Si le navire a été déclaré innavigable, l'assuré sur le chargement est tenu d'en faire la notification dans le délai de trois jours de la réception de la nouvelle. Le capitaine est tenu, dans ce cas, de faire toutes diligences pour se procurer un autre navire, à l'effet de transporter les marchandises au lieu de leur destination. L'assureur court alors les risques des marchandises chargées sur un autre navire, jusqu'à leur arrivée et leur déchargement. L'assureur est tenu, en outre, des avaries, frais de déchargement, magasinage, rembarquement, de l'excédent du fret et de tous autres frais qui ont été faits pour sauver les marchandises, jusqu'à concurrence de la somme assurée. Si, dans les délais dont il va être question ci-après pour les délaissements en cas d'arrêt, le capitaine n'a pu trouver de navire pour recharger les marchandises et les conduire au lieu de leur destination, l'assuré peut en faire le délaissement. (Id., art. 389 à 394.)

Remarquons ici que l'innavigabilité est un des événements maritimes que le capitaine doit faire constater régulièrement; que c'est aux tribunaux de commerce qu'il appartient de statuer sur ce fait, et que la déclaration d'innavigabilité que pourraient avoir faite les agents de la marine, ne serait point une règle qu'ils fussent tenus de suivre; qu'en conséquence ils pourraient, sans excéder les limites de leurs attributions, déclarer qu'un vaisseau est navigable lors même qu'il a été déclaré innavigable par le commissaire de la marine. (Arrét de la Cour de cassation, du 3 août 1821. ).

L'un des cas dans lesquels le délaissement peut être fait, est, ainsi que nous l'avons dit plus haut, la perte ou la détérioration des effets assurés, si la détérioration ou la perte va au moins à trois quarts. La perte proprement dite est facile à déterminer; mais il n'en est pas de même de la détérioration, et la mission des experts est, dans ce cas, difficile à remplir. « Il

faut, dit M. Pardessus, qui a donné à ce sujet d'excellentes règles dans son Cours de droit commercial, évaluer, en quelque lieu qu'on la suppose, la marchandise, comme si elle n'avait éprouvé aucune détérioration par fortune de mer, et déterminer la valeur de cette même marchandise dans ce lieu, en l'état où elle a été réduite par les événements sur lesquels l'assuré fonde sa demande de délaissement. La différence constitue la pertey et selon qu'elle est, ou non, des trois quarts, le délaissement est ou n'est pas admis. Les experts chargés de cette opération doivent donc raisonner abstractivement, sans examiner d'où vient la chose assurée, ni combien il en a pu coûter de fret · ou autres dépenses qui ne sont pas au compte des assureurs, pour l'amener du lieu où elle a été expédiée à celui où se fait l'estimation. Ils doivent faire une véritable opération algébrique, dont l'objet est de déterminer des rapports de choses les unes avec les autres en elles-mêmes. »

Le délaissement des objets assurés ne peut être ni partiel, ui* conditionnel. Il ne s'étend qu'aux effets qui sont l'objet de l'assurance et du risque. Idem, art. 371 et 372.)

Le délaissement doit être fait aux assureurs, 1° dans le terme de six mois, à partir du jour de la réception de la nouvelle de la perte arrivée aux ports ou côtes de l'Europe, ou sur celles d'Asie et d'Afrique, dans la Méditerranée, ou bien, en cas de prise," de la réception de celle de la conduite du navire dans l'un des ports ou lieux situés aux côtes ci-dessus mentionnées; 2° dans le délai d'un an après la réception de la nouvelle ou de la perte arrivée, ou de la prise conduite aux colonies des Indes occidentales, aux iles Açores, Canaries, Madère, et autres iles et côtes ⚫ occidentales d'Afrique et orientales d'Amérique ; 3° dans le délai de deux ans, après la nouvelle des pertes arrivées ou des prises conduites dans toutes les autres parties du moude.

Lorsque les délais sont passés, les assurés ne sont plus recevables à faire le délaissement. Art. 3-3.)

Dans tous les cas specifies ci-dessus, l'assuré est tenu de signifier à l'assureur les avis qu'il a reçus, dans les trois jours de la réception de ces avis. Il peut en même temps faire le délaissement, avec sommation à l'assureur de payer la somme assurée dans le délai fixé par le contratou se reserver de faire le délais

sement dans les délais que nous avons indiqués. Il est toutefois fait exception à cette règle, ainsi que nous le verrons plus bas, pour le délaissement en cas d'arrêt par une puissance.

Si, après un an expiré, à compter du jour du départ du navire, ou du jour auquel se rapportent les dernières nouvelles reçues, pour les voyages ordinaires, et après deux ans pour les voyages de longs cours, l'assuré déclare n'avoir reçu aucune nouvelle de son navire, il peut faire le délaissement à l'assureur et demander le paiement de l'assurance, sans qu'il soit besoin d'attestation de la perte. Dans tous les cas, il a, pour exercer son action, les délais fixés ci-dessus.

Dans le cas d'une assurance pour un temps limité, après l'expiration des délais dont nous venous de parler pour les voyages ordinaires et pour ceux de longs cours, la perte du navire est présumée arrivée dans le temps de l'assurance.

Sont réputés voyages de longs cours ceux qui se font aux Indes orientales et occidentales, à la mer Pacifique, au Canada, à Terre-Neuve, au Groenland, et aux autres côtes et îles de l'Amérique méridionale et septentrionale; aux Açores, Canaries, à Madère et dans toutes les côtes et pays situés sur l'Océan, au-delà des détroits de Gibraltar et du Sund.

L'assuré est tenu, en faisant le délaissement, de déclarer tou-、 tes les assurances qu'il a faites ou fait faire, même celles qu'il a ordonnées, et l'argent qu'il a pris à la grosse, soit sur le navire, soit sur les marchandises, faute de quoi le délai de paiement, qui doit commencer à courir du jour du délaissement, est suspendu jusqu'au jour où il fait notifier ladite déclaration, sans qu'il en résulte aucune prorogation des délais établis pour former l'action en délaissement.

En cas de déclaration frauduleuse, l'assuré est privé des effets de l'assurance; il est tenu de payer les sommes empruntées, nonobstant la perte où la prise du navire.

Les actes justificatifs du chargement et de la perte sont signifiés à l'assureur avant qu'il puisse être poursuivi pour le paicment des sommes assurées.

L'assureur est admis à la preuve des faits contraires à ceux qui sont consignés dans les attestations. Mais l'admission à la preuve ne suspend pas les condamnations de l'assureur au paie

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ment provisoire de la somme assurée, à la charge par l'assure de donner caution. L'engagement de cette caution est éteint après quatre années révolues, s'il n'y a pas eu de poursuites. Ainsi, il ne peut dépendre des assureurs de retarder l'exécution de leur engagement en prolongeant la procédure. Cela était important, et était réclamé par la faveur due au contrat d'assurance. Lorsque le délaissement est signifié, accepté, ou jugé valable les effets assurés appartiennent à l'assureur, à partir de l'époque du délaissement. Il ne peut, sous prétexte du retour du navire, se dispenser de payer la somme assurée. Si l'époque du paiement n'est pas fixée par le contrat, il doit être fait trois mois après la signification du délaissement. On ne pourrait réclamer des assureurs, en outre de la sommé assurée, le montant des avaries éprouvées avant le sinistre majeur qui a donné lieu au délaissement. La Cour de cassation l'a ainsi résolu par arrêt du 8 janvier 1823. En effet, et d'après cet arrêt, les assureurs ne sont tenus que jusqu'à concurrence de la somme qu'ils ont assurée et dont ils ont reçu la prime; ce principe fondé sur la nature des choses et commun à tous les contrats synallagmatiques, est consacré par l'article 393 du Code de Commerce, sans être contredit par l'art. 350 du même Code, qui, en déclarant que les assureurs ⚫ sont responsables de toutes les fortunes de mer, ne dit pas qu'ils en répondront encore au-delà de la somme qu'ils ont assurée; il serait, enfin, aussi contraire à l'équité qu'à l'essence de tout contrat qui renferme des obligations réciproques et proportionnelles, d'assujettir l'assureur qui ne stipule et ne reçoit de prime que pour une somme déterminée, à fournir une somme plus forte que celle pour laquelle il s'est engagé, et à raison de laquelle il a reçu la prime qui est le prix de son engagement.

Le fret des marchandises sauvées, quand même il aurait été payé d'avance, fait partie du délaissement du navire, et appartient également à l'assureur, sans préjudice des droits des préteurs à la grosse, de ceux des matelots pour leur loyer, et des frais et dépenses pendant le voyage.

Nous avons dit que l'arrêt du navire apportait une exception à la faculté qu'avait l'assuré de faire le délaissement aussitôt après la nouvelle. En effet, il ne s'agit pas ici de délais pendant lesquels l'assuré peut examiner s'il veut ou non faire le

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