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étaient la question la plus importante du commerce, comme si des exportations donnaient d'autres bénéfices que par les retours. On a cru pouvoir vendre sans acheter, et s'enrichir sans importer. Les gouvernements n'ont pas peu contribué à entretenir dans les esprits cette chimère dont nous avons parlé à propos de la B▲LANCE DU COMMERCE, (voyez ce mot); ils ont publié et ils publient encore aujourd'hui des tableaux trompeurs, où les chiffres sont groupés de manière à faire croire que l'état s'est enrichi par des exportations supérieures aux importations. La balance passe pour nous avoir été favorable quand nous avons fait sortir de France plus de marchandises que nous n'en avons fait entrer, comme ce fossé dont on a dit : plus on lui ôte, plus il est grand. Aussi longtemps que ces erreurs passeront pour des axiômes, ne faut pas espérer de voir l'administration revenir à la simplicité des principes; il ne faut pas compter non plus sur le développement que la prospérité publique aurait le droit d'attendre des progrès de la civilisation. A quoi sert le maintien de la paix, puisqu'on se fait la guerre de douanes, et que sur une scule de nos frontières soixante-dix mille chiens sont entretenus par la contrebande, sans que les marchandises qu'ils importent figurent dans les tableaux de la balance?

il

En somme, les exportations sont un mot vide de sens, tant qu'on les sépare de leur corrélatíf qui sont les importations. Toutes les fois qu'on refuse d'importer, on empêche d'exporter; on se blesse avec l'arme dont on frappe ses voisins. Il n'est point de vérité que l'économie politique ait mieux démontrée que celle là, et il y a longtemps que les douanes auraient été modifiées, en attendant qu'elles soient détruites, comme instrument protecteur, si l'intérêt privé des industriels protégés au détriment de leurs concitoyens, n'avait couvert la voix de l'intérêt général qui ne peut séparer ce qui est inséparable, la liberté des importations de celle des exportations. BLANQUI AÎNÉ.

EXPOSITION DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE. (Commerce.) Ce fut une heureuse idée que celle de réunir à des époques régulières les produits de l'industrie nationale, pour en faciliter l'étude, en généraliser la connaissance et en constater les progrès. La première exposition eut lieu en France, dans le mois de septembre 1798, au Champ-de-Mars, à Paris,

sous le ministère de François-de-Neufchâteau. Elle avait été organisée à la bâte, et l'on n'y vit figurer que quelques produits de l'industrie du département de la Seine et des départements environnants. Douze médailles et autant de mentions honorables y furent accordées aux exposants distingués par le jury. C'était peu de chose, mais l'élan était donné, et à la seconde exposition de 1801, la cour du Louvre, que le ministre Chaptal avait désignée pour le théâtre de cette solennité, présenta un spectacle plus intéressant. Le nombre des exposants fut plus considérable. Douze médailles d'or, vingt médailles d'argent, des distinctions particulières distribuées par le premier Consul, avec une bienveillance remarquable, et les regards de l'Europe entière, annonçèrent que l'industrie française allait reprendre son essor. En effet, nos grandes réputations industrielles datent presque toutes de cette exposition. On assure que le premier Consul y avait manifesté l'intention de transformer à l'avenir les expositions en véritables foires, où les industriels pourraient trouver tout-à-la-fois une récompense honorifique et un prix avantageux de leurs produits.

La troisième exposition suivit de près la seconde, en 1803, et se tint comme elle dans la cour du Louvre. On y remarqua de nouveaux progrès, et le gouvernement crut devoir augmenter le nombre des récompenses. Mais c'est surtout en 1806, sous le ministère de Champagny, que l'exposition prit un caractère de magnificence, digne des plus hautes solennités nationales. Elle avait été disposée sur l'esplanade des Invalides, dans de vastes galeries, et le nombre des exposants qui s'y pressaient était dix fois plus considérable qu'en 1801. Vingt-six medailles d'or, soixante-quatre médailles d'argent de première classe, cinquante-quatre médailles d'argent de seconde classe. sans parler des médailles de bronze et des mentions honorables, attestent suffisamment l'impulsion que l'industrie avait reçue du règne de Napoléon. Ce fut malheureusement la dernière de cr règne, et il faut se reporter jusqu'à la restauration pour retrouver, en 1819, dans l'exposition ordonnée sur la proposition de M. Decazes, la trace des belles exhibitions de 1802 et de 1806. Les années 1823, 1827 et 1834 ont vu s'accroître l'esser donné à l'industrie nationale par le premier consul Bonaparte

Le nombre des exposants n'a cessé de s'accroître; il était presque double en 1834 de ce que nous l'avions vu en 1827.

De graves controverses se sont élevées à l'occasion de ces solennités industrielles périodiques. Les uns n'y ont vu qu'une excitation à la fabrication de quelques produits de luxe, d'une consommation bornée, et il faut avouer que la plupart des manufacturiers ont trop souvent envisagé les expositions sous ce rapport. Les autres les jugeaient inutiles, à cause de l'impossibilité d'y faire représenter toutes les industries. Quelques personnes auraient voulu y admettre les produits étrangers, pour qu'on pût faire des comparaisons sur la situation de notre industrie avec celle de l'industrie étrangère. D'autres, enfin, désiraient des expositions permanentes, et souhaitaient un palais spécial destiné à leur servir de théâtre.

On ne saurait nier qu'il n'y ait quelque vérité dans chacune de ces opinions. Trop souvent nos fabricants ont sacrifié l'utile à l'agréable, et le comfortable aux tours de force. Les dernières expositions abondaient en curiosités industrielles indignes du nom de produits, quoiqu'elles eûssent couté beau coup de temps et de travail à leurs auteurs. On s'est aperçu également de l'absence des produits étrangers, qui auraient pu offrir à nos industriels d'utiles enseignements et peut-être exciter leur apathie, assise sur l'oreiller des taxes protectrices et de la prohibition. Quant à la permanence des expositions, cette permanence existe aujourd'hui dans les magasins du commerce; elle ne saurait même exister ailleurs, sous peine d'amortir la curiosité publique et d'enlever aux expositions le caractère de nouveauté qui en fait l'attrait principal.

La réforme la plus sérieuse que réclame le système des expositions, consiste dans la formation ou plutôt dans l'excessive indulgence des jurys départementaux d'admission, qui laissent arriver à Paris des produits surannés ou de nulle importance, dont le nombre exagéré encombre les galeries, nuit au succès des produits véritables et aggrave singulièrement la tâche des commissions du jury central. La nécessité de porter son attention sur tous les objets exposés lorsque plusieurs de ces objets sont tout-àfait insignifiants, empêche l'examinateur d'étudier avec l'assiduité désirable les produits dignes de son observation. Un jury

de vingt-cinq membres, parmi lesquels il faut nécessairement supposer quelques absents, suffit avec difficulté à juger près de trois mille exposants, comme on l'a vu en 1834, ou les diversas commissions ont dù tenir de longues séances de nuit, afin d'être prêtes au terme fixé par l'ordonnance royale de clôture.

Les expositions industrielles périodiques n'ont pas moins contribué à exciter en France une grande émulation parmi les fabricants. Les hautes récompenses du jury ont puissamment favorisés la fortune de plusieurs maisons, dont les produits n'auraient peut-être pas obtenu, sans cette circonstance, toate la justice qu'ils méritaient. Déjà dans presque tous les états de l'Europe, en Russie, en Espagne, en Suède, en Belgique, en Prusse, à Naples, les gouvernements ont ordonné des expositions industrielles, destinées à constater, dans chacun de ces états, la situation des manufactures. Ces expositions ont produit d'heureux résultats, qui seraient plus instructifs et plus complets si chaque état avait réuni à ses produits nationaux les échantillons analogues des marchandises étrangères. Les expositions deviendraient alors comme un vaste concours européen, et l'oa ne doit pas douter que cette lutte pacifique n'exercerait une grande influence sur les destinées de l'industrie, et peut-être sur la solution des grandes questions économiques qui agitent en ce moment le monde industriel. BLANQUI AINE.

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PU. BLIQUE. (Administration.) L'expropriation pour cause d'utilité publique est la conséquence de ce grand principe qui forme l'une des bases les plus essentielles de tout gouvernement, que l'intérêt particulier doit toujours céder à l'intérêt général. Rien, il est vrai, ne doit être plus sacré que la propriété définie par nos codes, le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue; mais aussi, à ce droit, la loi met deux restrictions importantes: la première consiste à n'en pas faire un usage prohibé par les lois ou par les réglements, et la seconde, à cesser même d'exercer ce droit, à céder enfin sa propriété lorsque l'utilité publique réclame cette cession. Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, porte l'art. 545 du Code civil, et moyennant une juste et préalable indemnité; cette disposition se trouve repro

duite par l'art. 9 de la Charte, où il est dit: L'Etat peut exiger le sacrifice d'une propriété, pour cause d'intérêt public légalement constaté, mais avec une indemnité préalable.

Voici donc le principe solennellement consacré; mais il fallait, pour son explication, d'autres dispositions légales qui déterminassent, entre autres points, les cas dans lesquels l'utilité publique réclamait la dépossession, le mode d'y arriver, la manière de fixer les indemnités.

C'est ce qui faisait l'objet de la loi du 8 mars 1810. Mais, outre que cette loi n'offrait pas des garanties suffisantes pour la propriété, ne prescrivait pas des formes assez solennelles, des précautions assez efficaces pour la déclaration d'utilité publique, elle exigeait, d'autre part, des formalités et des délais de procédure qui portaient les préjudices les plus graves aux propriétaires et au gouvernement, car il fallait souvent des années entières pour arriver à la dépossession, tandis qu'aujourd'hui peu de mois suffisent pour obtenir ce résultat.

Il faut le reconnaître, sous ces différents rapports, la loi du 7 juillet 1833 a apporté de nombreuses améliorations à l'ancien état de choses, et l'une de celles que nous devons particulièrement signaler, est la création des jurés chargés de déterminer le dédommagement auquel a droit le propriétaire exproprié.

Ces hommes pris parmi les citoyens les plus éclairés et les plus honorables de chaque localité, doivent inspirer toute confiance aux propriétaires, et remplir dignement la mission délicate et difficile qui leur est confiée.

La loi du 7 juillet 1833 est divisée en huit titres, dont nous allons reproduire les principales dispositions.

L'expropriation pour cause d'utilité publique s'opère par autorité de justice, mais les tribunaux ne peuvent la prononcer qu'autant que l'utilité en a été constatée et déclarée dans les formes voulues; ces formes consistent, 1° dans la loi ou l'ordonnance royale qui autorise l'exécution des travaux pour lesquels l'expropriation est requise; 2° dans l'acte du préfet qui désigne les localités ou territoires sur lesquels les travaux doivent avoir lieu, lorsque cette désignation ne résulte pas de la loi ou de l'ordonnance royale; 3° dans l'arrêté ultérieur par lequel le préfet détermine les propriétés particulières auxquelles

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