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législative. - Discours du Roi.-Vérification des pouvoirs à la chambre des députés.-Exclusion de M. Grégoire.-Composition du bureau.—Adresses des deux chambres au Roi. — Loi des six douzièmes provisoires.-Pétitions sur le maintien de la charte et de la loi des élections, écartées par l'ordre du jour. — Loi des décomptes proposée et adoptée.

LE court

court espace de temps qui s'écoula de la dernière révolution ministérielle, à l'ouverture de la session, n'avait pas permis au nouveau ministère d'arrêter un système complet de conduite, ni même de s'assurer la majorité dans une chambre dont la composition offrait moins d'élémens ministériels que la dernière. Ceux des députés qui siégent aux deux extrémités de la chambre, arrivaient à cette session comme à la lutte qui devait décider de la chute ou du triomphe de leur parti, et le ministère, voulant op poser une digue au torrent démocratique, sans se jeter aveuglé ment dans les voies du parti contraire, flottait entre les con tradictions, les embarras et les dangers de sa position, dont la difficulté fat bientôt aggravée par la plus fatale catastrophe.... Annuaire hist. pour 1820.

En examinant le matériel de la chambre des députés, on y trouvait bien le côté gauche renforcé de trente à quarante voix; mais en appréciant le moral on devinait déjà que la terreur du progrès des doctrines libérales, rapprocherait du côté droit des membres jusqu'ici zélés constitutionnels. Au fait, le succès de la lutte était douteux.... et l'on entra dans cette session sans que personne, et surtout le ministère, pût en prévoir l'issue.

...(29 novembre 1819.) Le Roi fit l'ouverture de cette session en personne avec le cérémonial usité. Son discours, où tous les partis cherchaient la révélation du nouveau système ministériel, exprimait quelques inquiétudes sur la situation de l'intérieur et la violence des factions, et laissait entrevoir l'avantage qu'il y aurait à modifier quelques articles réglémentaires de la charte, à fortifier la chambre des députés, à la soustraire à l'action annuelle des partis, en lui donnant une durée plus conforme aux intérêts de l'ordre public ainsi, disait S. M., « c'est au dévouement, c'est à l'énergie des deux chambres ; c'est à leur union intime avec mon « gouvernement, que je veux demander les moyens de sauver de «la licence les libertés, d'affermir la monarchie, et de donner, à a tous les intérêts garantis par la charte, cette profonde sécurité K que nous leur devons..... >>

«

Après ce discours, suivi d'un long silence au côté gauche, les nouveaux députés de la troisième série, nouvellement élus, furent appelés à prêter serment. Le nom d'un seul fut omis, celni de M. Grégoire qui ne s'était point présenté à la chambre : il n'avait point reçu de lettre close.

L'impression que le discours du trône avait produite dans cette séance, passa bientôt dans le public. Déjà des pétitions nombreuses étaient signées dans les départemens pour demander le maintien de la charte et de la loi des élections; dans l'autre parti, que les changemens annoncés semblaient favoriser, il se manifestait de la méfiance sur la conduite et les desseins du nouveau président du conseil, dont l'objet principal était d'obtenir la septennalité ou du moins la quinquennalité de la chambre élective, moyen de stabilité qui ne suffisait pas à tout le monde.

(2 et 3 décembre.) La vérification des pouvoirs, qui passe ordinairement sans que le public y fasse attention, offrait cette année nne question du plus haut intérêt. Les journaux y avaient depuis long-temps préladé. D'abord il s'éleva quelques contestations sur l'élection des députés de la Corse, (MM. André Ramolino, parent de Napoléon Bonaparte et le général Sébastiani) à raison du petit nombre des électeurs, qui n'étaient que dix-huit à la fin de l'année 1818, et avaient été portés sur les listes de 1819, à quarante-un, (4 décembre) ensuite sur celle du général Tarayre, député de la Charente, à canse de quelques irrégularités dans le scrutin de ballottage. Les premiers furent admis après quelques éclaircissemens donnés par le ministre de l'intérieur; l'élection du dernier fut déclarée nulle, à la majorité de 117 voix contre 95; mais on sait que le général Tarayre fut réélu par le même collége électoral, convoqué le 26 avril suivant.

Quoiqu'il se fût déjà mêlé quelque aigreur à ces discussions, ce n'était que le prélude de celle qu'on attendait sur l'élection du quatrième député de l'Isère (M. Grégoire). Le rapport en fut retardé deux jours, pendant lesquels on discuta chaudement dans le sein du cinquième bureau la manière dont on l'écarterait; car du côté gauche même, où cette élection avait été une espèce de triomphe, on ne disputait plus guère que sur le mode d'élimination. Enfin, le 6 décembre, M. Becquey, rapporteur, parut à la tribune, où l'on attendait M. Lainé. Il attaqua l'élection comme ayant été faite en violation de l'art. 42 de la charte, attendu que M. le comte Français et M. Sapey, deuxième et troisième députés élus, étant étrangers au département de l'Isère, il était évident que M. le comte Grégoire, domicilié à Paris, n'était plus éligible par ce collége électoral.

Tel est, Messieurs, dit le rapporteur en finissant, l'avis que le cinquième bureau m'a chargé de proposer à votre délibération. Il a pensé aussi que M. Grégoire n'ayant aucun titre pour être admis dans cette Chambre, puisque son élection était nulle, nous étions dispensés de soumettre à votre examen une question bien plus grave qui agite tous les esprits, depuis que le bruit de cette nomination a retenti dans le royaume; question de morale politique, qui se rattache aux plus douloureux souvenirs, puisqu'ils rap

pellent l'horrible attentat que la nation en deuil va chaque année expier an pied de nos autels. L'irrégularité constitutionnelle qui se rencontre dans l'élection de M. Grégoire écartant de la discussion les considérations relative s à sa personne, nous nous bornerons à former des vœux pour que jamais lu Chambre ne soit obligée de délibérer sur les personnes, et de censurer les actes des colléges électoraux. Espérons que les électeurs de la France, assez aveṛlis par le cri de l'opinion qui s'est manifestée avec tant de force, voudront toujours respecter dans leurs choix la dignité de la couronne et le sentiment national dont le Roi s'est montré si profondément pénétré, lorsqu'à l'ouverture de cette session il vous entretenait avec tant de bonté, des actes multipliés de sa clémence.

« Que si trompant l'ignorance et séduisant la faiblesse, l'esprit de faction parvenait en effet à obtenir d'odieux succès, il trouverait dans cette enceinte une barrière insurmontable, et cette chambre fidèle saura bien, s'il le faut préserver contre les entreprises de l'ennemi commun, et l'honneur du trône, et l'honneur de la nation, et son propre bonheur !

A peine le rapporteur avait-il donné sa conclusion que du côté gauche on demande qu'elle soit mise aux voix; tandis que du côté droit on réclame la parole: ceux-là s'y opposent, disant qu'on veut du scandale; ceux-ci insistent, et se pressent autour de la tribune des disputes particulières succèdent à la contestation générale; les partis se mêlent, le tumulte augmente, Le président d'âge (M. Anglès) agite la sonnette, se couvre, et désespérant do rétablir l'ordre, il lève la séance sans que personne quitte la salle, Après trois quarts d'heure de dispute et de confusion, M. le baron Pasquier, ministre des affaires étrangères, vient à bout de se faire, entendre. Il représente que s'il était loisible de rejeter ainsi toute proposition avancée, la majorité, une fois établie, qui verrait sa force en comptant ses rangs, la rejetterait ou l'adopterait à son gré, et dès lors plus de discussion, plus d'assemblée, plus de liberté. Cette observation fit cesser le tumulte, et M. le président donna la parole à M. Lainé..

Il était le premier orateur inscrit. Voici la substance, de son discours :

M. le rapporteur en exposant les raisons qui peuvent faire, selon lui, annuler l'élection du quatrième député de l'Isère, à raison du domicile politique, a aussi exposé les doutes qui s'étaient élevés sur la validité de re moyen; mais il est un autre motif de nullité de cette élection, qui ne présente à mes yeux aucune raison de douter: C'est l'indignité de l'élu. Quelle est, s'écricra-t-on, la loi qui la prononce?

Honneur à la législation qui a assez respecté les Français pour ne pas leur interdire littéralement d'envoyer un tel homme dans l'assemblée, qui représente en grande partie la nation. Il est une loi, Messieurs, qui n'a pas besoin d'étre écrite pour être connue, pour étre exécutée. Cette loi n'est pas gardée dans des archives périssables : elle n'est pas sujette aux caprices ou aux besoins variables des citoyens ou des peuples; elle est conservée dans un ta❤ bernacle incorruptible, dans la conscience de l'homme; cette loi est éter-' nelle; elle est immuable dans tous les temps, en tous les lieux: elle s'appelle raison et justice; en France elle porte encore le nom de l'honneur.

« ...... Il est une autre loi écrite et positive; elle a investi la couronne du droit de ne pas convoquer le quatrieme député de l'Isère. Cette loi, qui regle les rapports des chambres avec la couronne, a donné au monarque rette faculté. La couronne en a usé; elle a défendu qu'on adressât la lettre close; elle a pris toutes ses précautions pour que, dans la séance royale qui s'est tenue dans cette enceinte, la présence de cet homme ne soulevat pas les cœurs, pour que son nom mème ne fût pas prononcé devant la majesté royale.

Notre choix ne me semble pas douteux. Lorsqu'un collége électoral a nommé des députés, ces députés ne sont encore que des députés du département. Pour être député de la France entière, pour avoir ce caractère d'universalité que la constitution nous donne, il faut que votre adhésion ait imprimé ce caractère; il faut que le président de la chambre l'ait proclamé, Jusque-là on n'a pas le caractère représentatif.

⚫ Il devait le savoir, le collége électoral du département de l'Isère; il devait juger que celui-là ne pouvait étre élu ; que celui-là ne pouvait pas être admis, contre lequel s'élève une si terrible notoriété publique, qu'on ne peut admettre sans violer les mœurs publiques, plus fortes même que la loi, l'honneur national et toutes lois qui n'ont pas besoin d'être écrites pour étre exécutées. Il devait juger qu'il ne lui appartenait pas, non plus qu'à une antre section de la France, d'outrager le Roi, d'essayer de faire violence aux chambres; et c'est commettre tous ces outrages, que de vouloir faire ouvrir les portes de cette assemblée au quatrième député de 'Isëre. Or, il n'y a pas à balancer, il faut que cet homme se retire devant la dynastie régnante, ou que la race de nos Rois recule devant lui. »

Ici l'orateur prévenant l'exemple qu'on pourrait citer en faveur du député de l'Isère ( de M. Fouché en 1815); dit qu'il n'osa pas frapper à cette porte et qu'il arréta la vérification des pouvoirs. ... « Je finis, ajoute-l-il, je finis en répondant à une observation. Quelques esprits timides ont craint que cet exemple ne fût un jour fatal. La réponse est facile. Je prie qu'on examine les conséquences du contraire; elles apparaissent si terribles, que je n'entreprendrai pas d'exciter votre effroi.

« Il se peut pourtant on jour qu'on éloigne, pour cause ou prétexte d'indignité, quelques amis de la royauté légitime ou de la liberté même, Oh! Messieurs, si nous étions menacés de ce malheur, c'est qu'il n'y aurait plus de royauté légitime, de constitution, de dignité, de liberté. Si pourtant, en conservant tous ces biens, une exclusion fâcheuse se préparait, hé bien! celui qui en souffrirait se consolerait de sa disgrâce par le souvenir qu'un

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