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Quelques autres amendemens particuliers à la chambre des pairs, furent encore proposés en forme d'articles additionnels: l'un de M. le duc de Larochefoucauld, pour exclure les pairs des listes électorales, attendu qu'il n'était pas juste de leur permettre d'influence sur la chambre élective; l'autre de M. le comte Boissy d'Anglas, tendant à donner une indemnité de séjour (20 fr. par jour) aux députés. Ces amendemens d'abord appuyés par quelques pairs, furent ensuite retirés par leurs auteurs pour en faire l'objet de propositions spéciales.

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Ainsi, après quatre jours de discussion générale ou particulière, tous les articles étant provisoirement accueillis, l'ensemble de la loi, soumis à l'épreuve du scrutin secret, fut également adopté à une majorité de quatre-vingt-deux suffrages.

(Nombre de votans, 200.-Pour, 141.- Contre, 56.-Bulletins nuls, 3.)

Il est à remarquer que cette minorité, restée favorable à la loi du 5 février 1817, est inférieure au nombre des pairs créés en 1819, pour la soutenir; M. le garde des sceaux l'avait pré.lit.

Telle fut la solution d'une question, qui tint pendant plus de six mois la capitale et la France entière agitées. Cependant, depuis la fatale soirée du 9 juin, la tranquillité de Paris n'avait plus été sérieusement troublée; le développement d'une force militaire plus considérable, la surveillance plus rigoureuse de la police, et l'arrestation de quatre à cinq cents individus saisis dans les rassemblemens, les firent cesser. Le Roi témoigna aux chefs des différens corps militaires employés dans ces circonstances, la satisfaction qu'il avait de leur conduite : plusieurs des jeunes étudians, arrêtés et ensuite relâchés, furent rayés des registres des facultés de Droit et de Médecine, les autres rentrèrent paisiblement dans leurs écoles, et le peuple, qui commençait à s'émouvoir, reprit ses travaux et ses plaisirs accoutumés.

Mais, de Paris, ces mouvemens se firent sentir dans plusieurs provinces, surtout en Bretagne, à Nantes; (15, 16 et 17 juin) à Brest, à Rennes : ils cédèrent aux mêmes précautions de l'autoAnnuaire hist. pour 1820.

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rité. Quelques jeunes gens arrêtés dans les groupes, furent traduits en jugement, mais acquittés.

Les détails de la discussion, que nous avons donnés, mettront les lecteurs attentifs, impartiaux ou désintéressés à la querelle, à portée de juger du danger qu'il y aurait eu pour la tranquillité publique, pour le gouvernement, et même pour la dynastie, de céder à des pétitions ou à des rassemblemens; mais c'est à l'expérience à montrer le mérite de la loi. La distribution de la propriété territoriale était connue (1); mais la force des partis, toujours plus ou moins influencée par le ministère ou par des factions, n'était qu'imparfaitement appréciée, surtout dans les provinces du centre et du nord. Quoi qu'il en soit, à peine la loi nouvelle, donnée et reçue comme une transaction pour éviter une guerre civile, fut-elle promulguée, que se résignant à la subir, les libéraux se flattèrent d'y trouver quelques chances de succès.

(1) D'après un rapport fait dans le cours de la discussion aux deux chambres, le nombre des électeurs et des éligibles peut être ainsi classé. Electeurs à 300 fr. de contribution, y compris la patente

Sans la patente.

En vertu de la patente seule.

Éligibles àgés de quarante ans, imposés

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90,877 74,900

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71,872

14

Contribuables de 300 à 1,000 fr..
Départemens dans lesquels il ne se trouve point d'électeurs patentés,

1/6.

On a vú, page 115, une autre classification; le nombre des éligibles impose's à 1,000 fr. et au-dessus y est porté à 16884.

LOIS DE FINANCES.

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CHAPITRE VII.

Règlement définitif des comptes de 1818.- Nouveau tarif des douanes. - Budget des dépenses et recettes pour 1820. -OBJETS DIVERS. - Pétitions. — Propositions faites dans les deux chambres. — Résultats de la session.

LES questions financières d'où sortent tant de révélations historiques, où l'on pourrait dire qu'est toute l'existence du gouvernement représentatif, n'ont excité quelque intérêt cette année, que quand elles se sont rattachées aux questions politiques qui tenaient tous les esprits occupés. On nous pardonnera de les traiter plus brièvement que nous n'avons fait jusqu'ici : nous ne pouvons en présenter que les masses ou les résultats.

Règlement du budget de 1818. Un article (102) de la loi du 15 mai 1818 ordonne que le règlement définitif des budgets antérieurs sera toujours, à l'avenir, proposé aux chambres, avant la présentation de la loi annuelle de finances.... C'est pour obéir à cette disposition législative, que le nouveau ministre des finances, M. Roy, avait présenté, dès le 20 décembre 1819, à la chambre des députés, deux projets de loi, pour régler définitivement l'exercice de l'année 1818, et quelques dipositions additionnelles sur ceux des années antérieures.... Ils ne concernaient aucuns des ministres actuels étrangers au ministère, ou n'y occupant plus les mêmes places. En résultat, le compte définitif de 1818, offrait pour les dépenses particulières à cet exercice, et pour celles faites sur les exercices antérieurs un déficit de 10,048,880 fr., compensé par des réductions ou annulations de crédit, sur d'autres parties du service; et le ministre demandait un supplément de crédit de cette somme. Les fonds en étaient faits d'avance. Un fait remarquable à citer de son rapport au Roi, c'est qu'à l'époque du 1er janvier 1819, il existait dans les caisses du trésor, en numéraire ou valeurs équivalentes, une somme de 138,864,878 fr. 50 cent., « surplus de recette supé

rieur à celui des temps les plus prospères, et prodigieux, comme dit le ministre, après quatre années où la France avait eu à dépenser 4 milliards 144 millions, sur lesquels il n'y avait plus actuellement que trois millions à faire pour consommer sa libération; d'où S Exc. concluait, « qu'après de si grands sacrifices faits pour être en paix avec l'Europe, si la France pouvait l'être avec elle-même, rien, dans la situation présente et future de ses finances, ne faisait prévoir d'obstacles aux développemens de sa prospérité.

»

Ces deux projets restèrent soumis à l'examen d'une commission spéciale pendant près de trois mois, au bout desquels M. Benoist fit, les 17 et 18 mars 1820, un rapport, dont la lecture occupa deux séances. D'abord il y examinait la question de savoir si les ministres peuvent excéder les crédits qui leur sont ouverts, et la décidait pour l'affirmative, sauf l'approbation du Roi, et ensuite des deux chambres; puis, parcourant les articles des divers ministères, il revenait sur la question des subsistances de 1817, et des emprunts de 1818, où sans approuver explicitement et généralement les opérations du ministère, il les justifiait surtout par la nécessité des circonstances et les résultats heureux obtenus; enfin, après avoir donné des éloges aux améliorations introduites dans les comptes des divers ministères, et en particulier dans celui de la guerre, dont l'ordre peut servir de modèle aux autres, il proposait plusieurs annulations de crédit, qui ne différent de celles du ministre, que pour la forme; nous ne nous y arrêterons pas. On ne peut bien entendre la question sans recourir au texte des lois auxquelles nous renvoyons le lecteur, parce que la discussion n'en a que légèrement modifié les articles. (Voyez l'Appendice.)

(4 avril.) La discussion générale ouverte, M. Labbey de Pompières, premier orateur inscrit, passe en revue les divers comptes présentés et ne les trouve satisfaisans sous aucun rapport. Il s'élève contre l'emploi contraire aux motifs du vote qui avait autorisé les emprunts. Il fait ressortir le défaut de concordance qui lui paraît exister entre le compte du trésor et ceux des ministres, entre ceux

des ministres et ceux du projet de loi........ Il blâme surtout l'emploi discrétionnaire de plusieurs sommes confiées aux ministres...... Car si la spécialité n'est pas attachée aux grands chapitres, ditil, il faut renoncer à toutes les économies et même à l'espoir d'arrêter toutes dépenses vicieuses; » et il termine son discours en demandant l'annulation de 1,674,000 francs de rentes, excédant des besoins de 1818, sur l'emprunt de 16 millions, qui n'avait été autorisé que pour suffire aux besoins de cet exercice. Ensuite, M. Ganilh, critique non moins sévère des opérations du ministère, s'élève contre toute demande de nouveaux crédits. « Si on ébranle les barrières posées contre l'arriéré, dit-il, c'en est fait de la fortune publique. » Il trouve le service courant infecté de vices; il relève une foule d'erreurs, d'omissions ou d'inexactitudes dans tous les exercices, et conclut à l'ajournement du règlement des comptes, jusqu'à ce qu'ils aient été réglés et apuyés légalement.

(5 avril.) Après un discours où M. Benjamin Constant examine surtout la question des emprunts, qu'on verra reproduire tout à T'heure avec plus de détails, M. Roy, répondant aux autres reproches faits par divers orateurs sur la violation de la spécialité générale que semblait prescrire la loi du 25 mars 1817, articles 150 et 151, énonce, à cet égard, une opinion qui fut la source de nouveaux débats.

« Il est nécessaire, dit S. Exc., de remonter aux principes mêmes de cette loi, et au but qu'elle s'est proposé. Précédemment le Roi était reconnu, et T'est encore aujourd'hui, comme administrateur suprême de son royaume ; des lors au corps législatif appartient le droit de voter l'impôt, mais au Boi seul appartient le droit d'en faire la distribution aux dépenses qu'il juge convenables. A l'époque de l'introduction du régime constitutionnel, on votait sur le budget en masse; mais on sentit qu'il en résultait une trop grande latitude pour les ministres, et qu'il fallait y apporter de certaines. limites. J'étois rapporteur de la commission sur la proposition de laquelle fut inséré l'article dans la loi de 1817. On jugea convenable de diviser la dépense totale pour chaque ministre, mais en masse pour chaque ministère, il serait impossible de diviser légalement, législativement les différens chapitres des dépenses, sans porter atteinte à la prérogative essentielle et constitutionnelle du Roi.

- S'il était impossible à un ministre de ne point appliquer à un objet les fonds qu'on avait d'abord demandés pour un autre, il est évident que ce

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